lundi 23 juillet 2007, au bord du soir
N'écoutant que mon obstination et les conseils avisés de Madama Abricot, je décidais en fin de journée alors qu'un timide soleil entre deux gouttes apparaissait, de tenter à nouveau ma chance. C'était décidé je rentrerai en vélo ou à pied mais en métro non.
Première station, bien garnie mais aux nombreux vélos bloqués avec à l'écran un message "Appel ?" peu engageant.
Je me dis qu'au lieu de marcher vers Opéra puis Satin Lazare où fatalement il y aura eu tant et tant de "clients" à ces lieux de forts passages, je ferais mieux d'aller chasser la bicyclette auprès des transversales des Grands Boulevards où j'ai déjà à l'occasion de quelques courses repéré des points de location possibles. Et tant pis si ça m'écarte un peu de ma destination.
Deuxième station : quasiment vide et deux personnes déjà en train de s'acharner sur l'écran de la borne.
Troisième station : en apparence trois vélos de reste, en réalité un seul de disponible, et qui veut bien de moi, nonobstant une petite ruse (a-t-elle joué, ne l'a-t-elle pas, y aurait-il des quotas comme dans les TGV ?) qui a constitué à prendre un abonnement de 7 jours au lieu du simple emprunt sur la journée. Hourrah ! Sans parler qu'il est à la bonne taille sans que j'aie à régler la selle.
Amusée de constater que Velib' est subversif qui oblige les salariés motivés à sortir tôt de leurs bureaux s'ils veulent avoir une chance d'en trouver, je m'accorde un bel itinéraire par des petites rues qui à part l'une d'entre elles plus pentue, remontent tranquillement vers la place de Clichy sans requérir d'efforts violents, mon trajet du retour est déjà tout trouvé. Restera à mettre au point l'aller, car toutes ces rues sont à sens unique.
Le miracle se poursuit jusqu'à l'arrivée : la station proche comporte assez de bornes libres pour y raccrocher le vélo et je pense même à prendre un reçu, preuve de ma douce victoire sur un sort récalcitrant.
La concentration requise a effacée celle de la journée d'usine, en vélo il faut être attentive. J'ai mis moins de temps qu'en transport en commun (du moins à partir du moment où j'ai eu un vélo en main), ne me suis fait serrer qu'une seule fois d'un peu près par un taxi indélicat, n'ai commis je crois qu'une erreur de conduite. Malgré l'air épais d'échappement, je me sens respirer, le sentiment de liberté sans doute.
A cette pensée du moment même où j'attends que la borne passe au vert après avoir reconnu l'engin que j'y rendais, c'en est fini de la respiration relâchée, "En vélo, la liberté" me disait Wytejczk que son travail condamnait aux deux roues motorisés mais qui était au départ un fervent adepte de la circulation vélocipédique et qui tentait de me convertir alors que fors moyens financiers qui me manquaient pour l'équipement, je l'étais depuis longtemps. Plus personne depuis son effacement ne se préoccupe de me convertir à plus rien, sauf les témoins de Jéhovah qui ont téléphoné (?) l'autre fois sur notre numéro secret celui qu'on ne communique jamais (1) (2).
Etre orphelin(e) c'est n'avoir plus personne qui se soucie ou non que vous appreniez, que votre vie devienne plus belle, harmonieuse ou intéressante, plus personne qui se préoccupe de ce que vous devenez.
Je suis donc rentrée ce soir, de bonne heure, libre et orpheline. La malédiction s'est-elle vraiment levée ?
(la suite demain peut-être lors de nouveaux trajets)
(1) la vraie raison en est que nous le connaissons à peine. Il nous sert presque exclusivement aux appels sortants.
(2) ah si : Kozlika aux fils RSS, il y a un moment déjà.
[photo : à la demande de Canthilde, une des dernières traces de moi sur un vélo ! banlieue parisienne, entre 1969 et 1971 à vue de nez (vive le numérique qui date les photos, honte aux parents d'antan qui ne l'ont pas fait) ]
PS : à la réflexion et puisque le ridicule ne tue pas, moins que ceux qu'on aime en tout cas, j'ai plus récent :
après la randonnée du centenaire du Tour de France (juillet 2003),
mais aucune de moi sur un Velib', j'étais seule.