"En écoutant voiture radio su que Prévert mort ..."
11 avril 2007
11 aprile 1977, in Normandia
C'est le billet du jour de monsieur KA qui m'y a fait penser :
Jacques Prévert est mort il y a 30 ans tout juste aujourd'hui.
En lisant cela chez lui, je n'en suis pas revenue, je m'en souvenais comme si c'était hier, on le dit si souvent, mais ce soir je le ressens vraiment.
Je me suis alors dit que ça avait dû me marquer à l'époque et j'ai cherché dans mes vieux carnets (miei vecchi diarii (si scrive cosi ?)). Prévert y était, et quand il est mort, j'étais en fait tout près (1) : nous étions en vacances chez ma famille côté maternel en Normandie à La Haye du Puits.
(les prénoms mentionnés sont d'ailleurs essentiellement ceux de mes cousins et cousines)
Orthographe et couleur d'origine (2)
"Lunedi 11 Aprile 1977 [petit dessin météo personnel de temps très variable, aucune indication de température]
Matinée : été faire balade voiture avec Vincent et jouer un peu (comme jours précédents) au ballon avec cousins et mômes voisins. Après repas, balade à Carteret et au "Fermes" qui bien que pas style coin ne choquent pas et son mignones. Puis Parents et les autres moins François, Popof, Claire (qui pas venue aux "Fermes") et moi. étés voir grand-père. Claire fait gateau. Popof partit 7 h au service à Grandville par car puis train (l'avons tonton + moi) accompagné gare. Après repas, regarder "les dégourdis de la 11ème" avec Fernandel.
écrit le 13-4-77
Martedi 12 Aprile 1977
[petit dessin météo personnel de temps très variable, aucune indication de température]
7 H 30--> été accompagnés Claire Lycée Coutance. En écoutant voiture radio, su que Prévert mort dans village tout près Hague. Matinée passée vite. Cueillis primevères. Départ 14 H 35 après repas. Arrivée 18 H 45. Regardé télé avec feu Malraux.
écrit le 13-4-77"
[photo : les pages reproduites]
(1) mon côté Forreste Gumpe qui pointait déjà ? Nous n'allions pas en Normandie si souvent
(2) nb plus particulier pour Samantdi et Akynou rapport à une récente conversation "de filles" : alors moi ce n'étaient pas les petits coeurs et le bleu turquoise (pas là en tout cas) mais le vert quand la page de l'agenda était écrite en vert et le rouge quand elle était de cette couleur ; derrière ce qui peut paraître une fantaisie d'adolescente (j'avais 13 ans 1/2) un enjeu économique : j'écrivais soit avec un stylo 4 couleurs rechargeable, soit avec des bic crystal vendu en pochette de 4 et le noir et le bleu s'usaient toujours avant les autres, alors je tentais de rééquilibrer tout en alliant l'utile avec une logique esthétique. Fallait-il que les contraintes soient fortes. (par tempéramment, le fric je m'en fous et je n'ai pas un goût aigu pour la "présentation" ou il faut qu'il y ait une raison pour).
(suite du billet : quelques compléments d'explications)
Comme dab je n'exprime rien ou presque de mes sentiments, en fait vu qu'il est écrit "in fretta" et de l'écriture de quelqu'un qui gribouille hâtivement, sur ses genoux peut-être dans l'inconfort d'un trajet, il faut juste déduire que chacun des faits si minimes sont-ils, mentionnés m'importaient pour que je leur ai réservé tant d'effort.
Mon cousin Christophe faisait alors son service militaire à Granville et Claire sa soeur était pensionnaire au lycée à Coutances. Les vacances décalées selon les régions existaient visiblement déjà. Mon grand-père était sans doute déjà en hospice, la tête un peu perdue et le corps épuisé (il avait "fait" Verdun dans sa prime jeunesse, été blessé, et plus tard beaucoup travaillé de ses mains (il fut charron)). Je me souviens d'un très vieil homme, ravi de recevoir des visites, très poli avec ces étrangers si plein de sollicitude, se souvenant de quelques prénoms (dont le mien) mais ne semblant plus les raccorder à aucune histoire commune.
En fait je ne racontais pas, je prenais des notes pour me fixer la mémoire. Ça fonctionne au delà de toutes espérances (puisque 30 ans après ces phrases en style télégraphique me ramènent des souvenirs précis). Fernandel pourtant alors déjà daté, était visiblement pour moi un acteur de maintenant et apprécié (3), Malraux est alors mort depuis quelques mois, mais visiblement je sais qui il est et une émission de télé avec lui m'intéresse.
Prévert m'est familier et son décès ne me laisse pas indifférente, c'est la presque seule phrase des notes du jour où je l'apprends (le lendemain).
Je pense que le "cueillis primevères" qui suit juste après n'est pas innocent. C'était une forme probable d'hommage discret (ma mère n'aimait pas Prévert, quelque chose en lui, en ses poèmes, en sa façon de considérer les femmes ou en son histoire personnelle devait lui sembler inconvenant) et de façon de recueillement.
J'oubliais : mon père conduisait trop vite, on ne faisait probablement pas de pause pipi sauf urgence et il n'y avait pas d'embouteillages (le trajet du retour dont j'indique l'horaire est celui Normandie vers Val d'Oise et de nos jours malgré que nous empruntons autoroute + quatre voies après Caen, nous mettons davantage de temps pour à peine plus de kilomètres).
Traduction libre et approximative de la petite blague publiée dans le diario (celle qui est illustrée en bas à droite par un ange ou un presque saint doté d'une machine à écrire)
"Professionnel endurcit
Les membres de quelle profession sont-ils assurés d'aller à tous les coups au paradis ? Les journalistes, assurément, affirme Charles C Clayton, qui enseigne ce métier. "Au paradis, pas besoin de médecins, dit-il, puisque personne n'y est jamais malade. Il n'y a pas non plus besoin de prédicateurs, puisque là-haut tous ceux qui y sont sont déjà sauvés. Mais ceux du Sud-Paradis veulent savoir ce que font ceux du Nord-Paradis. Ils ont donc forcément besoin de journalistes."
(3) la plupart du temps d'un film vu à la télé je ne mentionnais que le titre. J'ignorais que la profession de réalisateur existait. Si je parle d'un acteur particulier c'est que je l'aimais (ou le détestais) suffisamment pour qu'il soit une bonne raison de regarder (ou d'éviter de le faire).