Par les pieds ?
Ce qu'on ne peut pas faire sur la ligne 13

Jamais sans elle

Hangar parisien plein de bouquins et peu chauffé, aujourd'hui même

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  Trop contente d'avoir enfin pu me procurer un des bouquins dont je guettais la sortie, qu'on m'avait annoncée lointaine et qui finalement était disponible ici, je me précipite vers un grand fauteuil blanc, pas exactement confortable mais au mérite d'être existant.

Sur l'un des sièges voisin deux jeunes gaillards de l'âge de mon Stéphanot. Et qui attendent.

L'un enfoncé assis, l'autre à demi perché stoïque, sur l'accoudoir.

Ils attendent des filles, leurs amies ou peut-être leurs soeurs. Soupirs.

- Elles font chier les filles, pourquoi elles arrivent pas ?

- Je sais pas, allez, on attend jusqu'à 14 heures.

- Et puis après, quoi ? On fait quoi si elles viennent pas ?

Haussement d'épaule du premier gars  :

- Ben je sais pas, moi, on y va.

Silence. Aussi peu convaincu de part que d'autre.  Après un soupir d'impuissance :

- Ah, si j'avais un téléphone portable !

Silence encore. Association d'idées. L'enfoncé confortable au creux du fauteuil reprend :

- Tu pourrais vivre, toi, sans télé ?

L'autre sérieux et comme s'il y avait maintes fois pensé :

- Je crois pas, c'est comme une drogue. Je pourrais pas m'en passer.

Le premier, après réflexion :

- Moi, ça dépend. Si je pouvais voir mes séries par ailleurs, ça irait. Tu sais, dans ma classe, il y a un gars chez lui il a pas la télé.

- Ah bon ? répond le second, incrédule.

- Il s'appelle Thomas, ajoute le copain comme si le prénom constituait en lui-même une explication.

En fait c'est sa mère, la télé elle en veut pas.

Puis, après un silence songeur, sans doute à cause d'une potentialité de cause à effet :

- C'est le premier de la classe.

Péremptoire, l'autre répond :

- Moi, ch'pourrais pas.

Avant que mon livre ne me rattrape, j'ai le temps de me demander s'il s'agissait de se passer de télé ou d'être le premier. Ça ne dure pas, je lis avec délectation et puis les filles arrivent. Les deux garçons, bonnes pâtes, ne maugréent même pas.

[photo in situ, enfin pas bien loin]

Spéciale dédicace à Emmanuelle de qui je tiens le Hangar.

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