Le jour où fumer est devenu compliqué
Tardifs et touchants

J'avais besoin d'un pull blanc

Vendredi 2 février 2007, au bord du soir

P1050004  Il me le fallait maintenant parce que j'avais froid, de ce froid intérieur qui ne doit que peu au climat et beaucoup à mes faiblesses.

Et blanc parce que je n'en avais guère auparavant d'une couleur aussi fragile. Et que le noir j'en ai assez. Et qu'aussi j'ai un deuil à faire (c'est mon côté chinois (1)).

Alors j'entrais résolument dans un de ces magasins qui passait sur mon chemin et dans lequel je savais que je trouverai immédiatement mon bonheur vestimentaire pour un prix raisonnable.

Je possède cette capacité de savoir où et quand rencontrer les habits et certains de leurs habitants. Peut-être une certaine efficacité développée au fil des ans pour m'épargner de la fatigue. Je ne m'en étonne plus. Le temps économisé dans les boutiques de fringues est allègrement reporté vers les librairies. Ça me va bien ainsi.

Peu fréquentatrice des premières, j'avais oublié la loi indéfectible du touriste japonais. La survie de l'emploi du temps recommande en effet de ne jamais se placer à une caisse où l'un d'eux vous précède. Et qui plus est s'ils sont en couple. Ce qui était le cas.

Près de 20 articles s'étalaient sur le comptoir, et que le caissier devrait démagnétiser un à un, sans parler de la détaxe ultérieure à remplir. Trop tard, déjà du monde derrière mois, et l'autre caisse plus loin, chargée aussi.

Alors j'ai pris mon mal en patience. Que faire d'autre ? Ils semblaient charmants et si heureux d'être à Paris. Le caissier se hâtait mollement : pourquoi se serait-il réellement pressé, il n'en serait pas davantage payé et il convenait qu'il n'oublie aucune des pièces de sécurité qu'il lui fallait ôter.

      

Professionnel jusqu'au bout, quand ils lui ont tendu en euros de papier la somme qu'ils devaient, il n'a pas bronché. Simplement compté les billets de 100 qu'on lui confiait.

Je n'ai pas su m'empêcher d'en faire autant, non pas tant par syndrome d'Harold Crick que par une très ancienne déformation professionnelle d'un de mes premiers gagne-pains, mal m'en prit et je le pressentais : ils réglaient ainsi un montant en vêtements et divers accessoires exactement égal à mon salaire mensuel net.

J'ai failli reposer le pull et repartir sans rien. Mais le mélange de honte, rage et désespérance qui m'avait saisi n'arrangeait pas le froid ressenti.

J'ai payé par carte un montant petit. J'aurai du mal, lundi.

(1) le blanc pour le deuil, je veux dire.      

[photo prise le 5 janvier, près d'un arrêt du bus 20, non loin de Strasbourg Saint Denis]

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