Un homme qui attend
18 janvier 2007
Jeudi 18 janvier 2007, encore en vie près de la Bourse
Il a cet air égaré et touchant de ceux qui débarquent dans un lieu, sur une place, à une ville, pour la première fois, ne s'y retrouvent pas et ont pourtant quelque chose d'important à y faire. Il peut s'agir de travail ou bien de sentiments.
Pour l'heure il sort d'un parking souterrain et je le croise en me rendant à un rendez-vous lié à mon emploi. Je ne suis pas en retard, tout dépendra des contrôles de sécurité et de la diligence ou non des quelques ascenseurs. Bref, on ne m'attendra pas seulement si je ne traîne pas.
En le voyant ainsi et compte tenu de ma tête à chemins, je m'attends à ce qu'il m'intercepte pour demander le sien. Je me demande si je n'ai pas machinalement ralenti le pas.
En prévision.
Mais non.
Tant mieux, je file.
Certaines fenêtres du bâtiment donnent sur l'endroit. A un moment je lève les yeux, pour prendre une respiration, fixer un point lointain. Je m'aperçois un peu surprise qu'il est toujours là. L'homme perdu. L'homme perplexe. Il regarde dans toutes les directions comme qui guette une arrivée. Téléfonino en main.
Reprise par mon activité, j'en oublie de suivre son sort de parisien d'emprunt. Un habitué du quartier aurait déjà ouvert un livre ou un journal. Il ne fait pas froid, attendre dehors est supportable. J'en déduis donc qu'il vient de loin.
Ce n'est que le travail qui m'amenait là achevé, alors que je me lève et enfile mon caban, que je constate qu'il est toujours là. Cette fois-ci pendu au téléphone et faisant les cent pas (avec des gestes).
Le temps de saluer ceux avec lesquels j'en avais terminé, descendre et ressortir, plus d'une heure s'était écoulée entre mon arrivée en ces rues et mon départ. Quand je suis passée devant l'entrée du parking, L'homme était toujours là.
Qui attendait.
Impatiemment.
Quelque chose (mais quoi ?) ou quelqu'un (mais qui ?).
A présent franchement nerveux ; pas encore énervé. Déjà inquiet. Fort perturbé.
Prise par mes propres contraintes, démarches et tracas, je n'ai pas osé lui demander, comme un jour un homme bon pour moi l'avait fait en des termes assez proches : "Quelque chose ne va pas ? Je peux peut-être aider ?". Et puis je n'aurais pas voulu perturber l'éventuelle cause de sa perturbation si toutefois elle arrivait enfin.
Alors je me suis tue, complètement abstenue. Il n'allait pas si mal, allez ...
Je ne sais plus quand il convient ou non d'aider. Ça m'afflige plus que jamais. Je crois qu'autrefois je savais. Avant (1)
[photo : in situ, carrément]
(1) référence au billet de Christie sur nos avant/après