Une expo
24 janvier 2007
mercredi 24 janvier 2007, BNF, l'après-midi
Dès en entrant je sais que je n'y parviendrai pas, qu'à peine sortie j'aurai oublié l'essentiel, que je ne saurai pas à me concentrer.
Pourtant cette expo m'intéressait. Mais voilà : la force qui m'a poussée à m'y rendre, à peine sur place m'abandonne. Comme si j'aurais dû profiter des lieux, la BNF en l'occurrence, pour y faire tout autre chose, comme si je m'étais trompé de salle ou d'activité.
Seulement je suis là où je suis, il est trop tard pour changer d'avis et puis changer d'avis pour quoi faire d'autre ? Dans quel secteur du bâtiment aurais-je dû me trouver ? D'où me vient ce sentiment de n'être pas sur le bon chemin et pourtant pas loin ?
Gênée par ma perplexité, je perçois très vite que la folie de l'homme auquel on rend hommage, m'est profondément étrangère et peu compréhensible à mon vieux fond stable, si malmené ces dernières années, mais qui de fait, concentré sur ses propres combats envers la fatale faiblesse d'aimer ses proches plus que soi, se ferme aux mouvements des autres.
L'empathie m'est impossible, j'admire distraitement le résultats de ses travaux, un peu dans le désordre et la parole d'Anaïs Nin qui m'épate. J'ai peur de ne retenir que ça.
Une ribambelle d'enfants petits vient me distraire la déception. Ils sont encadrés par quelques adultes et munis d'une sorte de cahier. Un questionnaire à remplir. Ils s'égaillent sur les lieux et spontanément s'intéressent.
Quelques uns s'allongent naturellement afin de recopier un dessin, dans une de ses postures que l'âge rend d'un inconfort incompréhensif. Mais eux, ça va. Ils se sentent à l'aise comme ça. Pas coincés du crayon.
Une petite fille curieuse, devant un tableau qu'elle ne comprend pas, ni moi non plus, adulte, quoi que mieux qu'elle je devine, s'adresse poliment à un gardien. Lequel lui répond comme à une grande. Ils s'offrent ainsi une belle conversation. Elle est déçue qu'Artaud soit mort, le croyait "de maintenant". Il lui explique que même s'il est mort il y a presque 60 ans, il est contemporain.
Elle en convient. Pose d'autres question.
La folie n'effraie pas les enfants, pas celle en tout cas qui consiste à perdre la frontière entre rêve et réalité, théâtre et vie réelle, images hallucinées et monde tel qu'il est.
- La dame, alors, c'était sa mère ?
Un film est projeté sur un écran presque muet. Je croyais le suivre. En fait non, je m'aperçois soudain qu'il bouclait et que j'ai vu les mêmes images sans doute deux fois.
Un homme un peu hirsute, comme moi, prend un croquis, comme les enfants. En mieux (les deux).
Un vigile s'inquiète auprès d'un collègue de points d'organisation, heure de la pause ou pas déjà, et puis soudain se fait personnel :
- Je crois que Virginie me fait la gueule. Tu sais pourquoi, toi ?
L'autre se marre : - Ben c'est parce que tu la kiffes pas. Tu lui plais, toi. Alors ça la vexe.
Le premiern, soudain pensif : - Ben, c'est vrai je la calcule pas. [je l'entends penser : elle est pas mon genre], puis incrédule :
- Tu crois vraiment c'est à cause de ça ?
L'autre répond d'un rire, bien sûr, c'est évident, mon pauvre gars.
Quand j'en ai presque terminé de ma visite, sagement effectuée mais plutôt vaine (comme prévu rien n'est resté fors ce que j'ai scrupuleusement noté), il converse attentivement avec l'une des jeunes femmes qui surveillent les salles.
Virginie ?
Ni kiffée, ni calculée, ni (pour une fois) réellement pressée, je quitte les lieux.
Très solitaire. Je sors même sans croiser aucune connaissance. C'est si rare à Paris. Quelques photos effacent l'impression de défaite. Bien couverte, je n'ai pas si froid.
[photo : in situ, par la fenêtre]
Merci à Fulie qui par un billet chez elle (à retrouver ultérieurement, là je manque de temps), m'a donné envie d'y aller. Elle n'y est pour rien, ni l'expo elle-même si je n'ai pas su "accrocher".
Et aussi parce que la conversation entre le gardien et la petite fille m'est restée en partie grâce à un billet récent lu chez elle.