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Une humiliation

lundi 15 janvier, en début et fin de l'après-midi, au bord du soir en fin de compte

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Ce lundi à peine entamé m'épuise, je n'en espère déjà plus rien et peu de la semaine à venir à l'exception d'un ou deux rayons de soleil amicaux.

Alors au midi pour ne pas sombrer j'engloutis à la cafétéria un panino mal décongelé, et en pauvre Tchang de mes rêves, file à Beaubourg retrouver Tintin

J'y suis depuis tout peu, à lire plutôt atterrée certaines lettres que ses éditeurs ou commanditaires expédièrent à Hergé (1), vous avez fâché le roi, modifiez votre dessin, quand j'entends une annonce pour une conférence qui va commencer.

Sur le thème du journalisme et de la bande dessinée si je comprends bien. Deux ou trois noms familiers me font prêter l'oreille dont un photographe que j'aime bien , ses collègues et amis sur 3 livres qui m'ont beaucoup appris ainsi qu'une femme dont le sort ne m'est pas indifférent.

Seulement voilà, il me faut rentrer pointer. Je suis d'ailleurs déjà en retard. La mort dans l'âme et la marche arrière dans les jambes, je quitte les lieux à grand regret, honteuse d'être si peu maître de mon temps, humiliée de ne pouvoir en disposer selon les souhaits de ma vie au point de ne pouvoir en suivre les coïncidences heureuses quand chaque bonheur est si précieux.

[photo : ceux qui ont tout leur temps ; parvis de Beaubourg, le même jour en arrivant]

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Les anges absents

dimanche 14 janvier 2007 , en début d’après-midi

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La lumière était parfaite, la piscine Michel Thermos fermée, le temps si doux, si agréable pour un janvier ; je prends mes appareils photos et je file au Père Lachaise.

Las, quelque chose n’allait pas.

Les anges n’étaient pas là. Ou distraits. Je ne sais pas, ou ça venait de moi. Ils n’accrochaient pas la lumière. Je ne trouvais pas les angles. Peut-être encore étais-je de trop ? M’attendait-on ailleurs sans m’avoir avertie ?

 

J’avais éteint l’Olympus, les autres équipements étaient déjà rangés, je sais reconnaître quand il faut renoncer, se garder d’insister de peur d’indisposer ceux qui à l’habitude nous aident et nous inspirent. Ils peuvent ne pas vouloir, pour une fois. C'est leur droit.

 

Afin de n’être pas venue si loin pour rien, je me résigne à une simple promenade, les mains dans les poches ou les bras ballants. Je médite sur les fragilités relatives de l’écriture et la photographie, du poids des jours où « ça veut pas » et qui est si lourd à supporter quand par nécessité on subit un métier qui nous mange tant d’autres journées. Je suppose qu’il en est de même pour les musiciens, quand ils souhaitent composer.

J’en suis là, à la musique, quand le type sur la gauche me dépasse. Il porte une sur-chemise épaisse et canadienne, sans doute un peu trop chaude pour le climat du jour, une casquette USaméricaine ridicule, parle sans discontinuer et puisque je suis à sa portée, sans préambule mais non sans conviction me lance :

- A Roubaix, vous savez, le château est très beau.

Sur le même ton je réponds : - Je ne savais pas qu’il y avait de château, là-bas. Ça fait, vous savez, fort longtemps que je n’y suis pas allée.

   

Par bonheur l’existence d’une réponse et sa teneur, non contradictoire et je crois, j’ai tenté, respectueuse, semble le combler d’aise. Il reprend donc sa foulée plus rapide que la mienne ainsi que son soliloque. Il a eu sa petite dose d’interlocution, à présent il peut à nouveau s’autosuffire.

- Si je n’épouse pas Monique Guérin avant la fin de l’année, ça va mal aller.

Je me demande vaguement qui ou quoi voire pour qui (elle ou lui ?) ça ira mal, mais il a déjà épuisé toute mes capacités de conversation alors je laisse filer.

   Trois jeunes femmes me croisent. Plus des gamines mais pas encore mères, quelque chose dans leur façon d’être, si détendues, sans cette once d’inquiétude qui perdure quand on est jeune parent pour une fois loin de ses enfants, me le fait supposer, elles devisent au gré de leurs pas.

- Vous savez que les fleurs artificielles sont apparues pour la première fois dans les années cinquante ? affirme l’une des trois.

De ses compagnes, une répond oui et l’autre non.

Je commence à trouver ma balade instructive (1) et la prolonge un peu.

Je lis sur une tombe la détresse d’une famille que la proximité d’un caveau de star fréquenté finit par excéder et m’étonne d’une colère qui atteint l’autre monde. Elle s’exprime mal, je leur propose donc mentalement (2) une plus simple alternance :

« Ce n’est pas ici bas la tombe de quelqu’un

Ne lui faites pas de mal, ne lui empruntez rien

O fans de la voisine qui si souvent venez,

Respectez l’anonyme, elle ne vous a rien fait.

(de son vivant) »

  Ce devoir accompli, je suis enfin rentrée.

[photo : in situ, same day same place]

  (1) Cela dit je ne sais pas s’il existe réellement un château à Roubaix. Et autant il est facile sur l’internet de se documenter sur ce qui existe autant l’absence ou l’improbabilité de référence ne suffisent pas à attester d’une irréalité (il pourrait y avoir un château mais privé et méconnu).

(2) Je n’aurais pas l’outrecuidance de le faire in situ par écrit et puis à la tournure de leurs phrases je n’ai pas senti l’humour très présent. On percevait de la douleur.

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Pudeurs mais pas seulement

jeudi 11 janvier 2007, gare Satin Lazare, fin de soirée mais pas tant tard.

   

Il possède la posture nonchalante de l'homme assis par terre dans un parc un soir d'été, et qui écouterait qui il aime lui faire quelques confidences, en attendant patiemment de passer aux choses à son goût plus sérieuses : une jambe presque tendue, l'autre repliée, le coude du même côté au genou appuyé et la tête un peu penchée sur l'épaule ainsi surélevée. L'autre bras le long du corps, détendu.

 

Mais ce n'est pas l'été ni du gazon qui l'accueille, on est en janvier et il est coincé à terre dans un train très quelconque au beau milieu d'un groupe de quatre sièges. Lesquels sont vides mais pas leurs voisins.

   

Et il n'écoute rien, il a perdu conscience (au moins).

 

Le train est même vraiment plein : il aurait dû partir il y a 10 minutes, et moi qui m'étais naïvement réjouie d'un léger retard qui me permettait encore de l'attraper sans attendre plus loin, à voir cet homme mal en point, je comprends qu'il eût été préférable que je le manque et le train et l'être humain.

 

Le conducteur et quelques autres auprès de lui attendaient les pompiers qui arrivent d'un pas rapide. Aux gestes vains de réanimation que l'un d'eux entreprend sous les yeux de son collègue lequel a simplement aidé à remonter l'homme sur un siège et observe attentif, je reviens 30 ans en arrière, à peine moins, alors qu'un camarade de la cité (1) camé à l'héroïne quand l'ordinaire plus abordable aux variantes de haschisch prudemment se limitait, loupait son dosage ou son approvisionnement.

   

Les autres voyageurs peut-être moins hantés par des souvenirs de mauvais temps, restent d'un calme exemplaire, avec cette pudeur parisienne qui consiste une fois le problème pris en main, à laisser faire les hommes de l'art sans trop les scruter et à ne pas bouger pour ne pas déranger. Ceux qui lisaient lisent. Beaucoup appelent à voix basse sur leur téléfonino, un type dans le train a fait un malaise, je serais en retard, mais je vais bien, ne t'en fais pas (2).

 

La victime (mais de quoi) est à présent dûment assise, le corps vouté, penché en avant comme un pantin géant. Car il est grand et était fort. L'est-il encore à présent. La souplesse de ses bras ballants me laissent à croire que s'il est mort, il ne l'est pas mais vraiment pas depuis longtemps.

 

Je vais vers le wagon suivant afin de ne pas gêner. Dans l'attente d'une annonce sur la suite des événements je reste cependant sur le quai.

 

Près de moi deux jeunes amoureux et que le départ devait séparer, profitent du moment de rab pour voluptueusement se bécoter.

 

Je reste un instant interdite, bêtement à les regarder, partagée précisément 50/ 50 entre attendrissement (j'aime l'amour même dans sa part exhubérante et ignorante du monde) et agacement (à 10 pas de là, peut-être qu'un homme meurt) teinté, je le confesse, d'une ombre de jalousie ou plutôt d'éternel regret.

 

Pour l'instant c'est surtout l'attente du départ qui voisine l'éternité. Je finis par me mettre en quête du train prévu suivant dont l'heure approche même s'il n'est pas de parcours strictement équivalent. Il va aussi jusqu'à la gare où je descends. Pour moi et quelques autres qui ont le même mouvement, c'est bien suffisant.

 

Notre nouveau train s'ébranle, quand les pompiers sont toujours debout auprès du souffrant, on les aperçoit par les vitres car les voies sont contiguës, et que les voyageurs restants chez qui l'inquiétude commence à percer, celle de leur retour retardé mais sans doute aussi pour celui qu'ils cotoient, ont peu à peu laissé tomber leurs activités personnelles pour regarder ce qui survient ou au contraire ne le fait pas.

 

Aura-t-il la vie sauvée ?

 

(1) à l'époque on appelait cité toute série de logements populaires qu'il s'agissent de pavillons en bande ou d'immeubles petits ou grands, localisée dans un quartier. J'habitais donc une cité de petites maisons. De nos jours les lieux pavillonnaires se proclament "résidence". Mais pour nous c'était La cité barbu (du nom du concepteur) et l'espace vert y afférent La zone (pour "zone verte" qui figurait sur les plans).

On faisait pas, alors, dans le glamour ni le ronflant.

(2) pas pu m'empêcher, plus fort que moi.


Biatches et zivettes

Ligne 10, Sèvres Babylone, 16 heures 43

Elles ont avec elles peu de sacs ce qui est rare en leur âge et saison. Plus nombreuses qu’un quatuor mais pas assez pour faire une bande, elles montent dans une rame, ligne 10 à Sèvres Bab, de belles zivettes d’au-delà des lignes [de métro], sapées selon leur notion de la classe, pas trop frimeuses en leur jactance mais peu regardantes des pieds voisinants. Celle de laquelle je protège mes chaussures et leur contenu de l’arrivée un peu brutale, la porte sonnait déjà, et qui est donc tout près de moi, pousse une sorte de soupir d’aise comme après une journée de labeur intense et bien accomplie, et se confie presque à mi-voix et pour elle-même - :

- Comment on a bien volé tout à l’heure chez Séphora.

   

Satin Lazare, train de banlieue, à la soirée bien avancée.

  Sur le groupe de 4 sièges, un seul est occupé. Sens de la marche, près de la fenêtre, une femme d’entre-deux tout plongée dans des mots croisés. Je suis accompagnée. Il s’assoit près d’elle. Je me place donc en face et nous poursuivons nos lectures respectives et conversation un peu décousue. Les lieux ne vont pas à l’intime. Deux biatches débarquent et n’ont plus d’autre place que l’une près de la fenêtre et l’autre à ma droite, l’allée nous séparant. Celle-là a les pieds pointus, et du bout et du talon. C’est censé être sexy (je crois), mais rien qu’à la voir, j’ai mal à son dos. Elle se prépare un beau plus tard. Elles poursuivent leur conversation par-dessus ma tête. Je les gêne mais si je permute c’est la notre qui sera gênée. En même temps c’est déjà fait, puisqu’à leur bruyante arrivée on s’est tus. Du coup elles ne comprennent sans doute pas pourquoi je n’accorde pas à leurs altesses l’égard qui leur est dû de me déplacer afin qu’elles pérorent davantage à leur aise. Ce que dés lors elles font plus fort, telefonini à la main comme les cow-boys leurs pistolets en sortant du saloon quand ça y a grabugé.

- J’appelle en masqué ? fait souliers pointus

- Fais comme tu veux, attends, j’te donne un numéro, lui répond ma voisine de gauche. Elle joue du pouce sur son clavier semble hésiter, non pas celui-là, allez tiens, un autre.

Et indique en concluant par - Fais pêter., un à un dix chiffres que l’autre tape sur sa machine

Ça pête bien, ça répond, même. Et bottines fines, articule en silence « prénom ? » à sa copine qui dit « Cédric » sans sonoriser vraiment.

- Bonsoir Cédric, je ne te dérange pas ? talons aiguilles et voix d’aéroport font soudain bon ménage. Ce n’est pas si surprenant.

- Qui je suis ? Ah tu ne sais pas. Ben si tu veux nous parlons un peu et tu devineras si tu peux en cours de conversation.

   

Nous sommes pour notre part arrivés à bon port et descendons. Je n’en saurais donc pas davantage sur leur activité et le résultat de cet appel ciblé, biaisé et malveillant.

Parfois je plains les hommes, même les vigiles ou certains soldats et constate avec effarement que les femmes elles-mêmes se font du tort en agissant n’importe comment et sans accorder aux autres le respect qu’on aimerait obtenir. Cédric est peut-être un sale type, un pas correct, un gros lourdaud mais je n’aimais pas cette façon qu’elles avaient de vouloir le berner. Quant aux cadettes sans doute par leur faute, si elles et d’autres ont si bien « travaillé » devant le nombre recrudescent de vols constatés, un des chargés de surveillance risque la fin de contrat prématurée. Dans les deux cas, j'ai eu honte de la sorte de fierté polluée qu'affichaient mes co-sexuelles.

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Comment ne pas faire fortune (et je m'y connais)

(pseudo slam foutraque)

mardi 9 janvier, soir tard

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Avoir l’instinct très sûr

Du pur paparazzi

Etre soir après soir où il faut dans Paris,

La photo toujours proche

Surtout celle qu’on ne prend pas .

    

       

Créer la situation pas exprès, comme ça.

Entre le show-bizz blues et puis le jet set lag

Si souvent pleurer, se trouver prise en flag

(oui je sais celle-là elle est nulle mais il est 1 heure 56 du matin, je me suis levée tôt, j’ai subi mon gagne-pain, failli encore mourir demain, de grâce ne dites rien, je suis décalquée au delà du possible)

      

Se laisser assassiner par les sentiments

Mais garder le goût des autres

Et les respecter

ce qu’ils ne font pas toujours, il faut bien l’avouer

Quitte à en crever.

    

Garder par devers soi, la photo la plus nette

Et taire l’identité

de la (si jolie) dulcinée de l’homme que vous adulez

(ou ne la faire parvenir qu’à elle-même si l’image a saisi l’ampleur de sa beauté).

    

Mener une vie, aux heures ouvertes, qu’Angot même envierait

Mais surtout, surtout ne pas la raconter,

Ne rien vendre, n’en pas parler

Retourner à l’usine comme si de rien n’était.

   

Vous voulez savoir au bord du soir où j’ai traîné, cette nuit où j’étais

Jusqu’à l’orée close des lignes 13 que j’ai fourchées à trop écrire

Et qui me font par défaut emprunter la rue Joncour.

à pieds secs mais l’alarme à l’oeil,

Sachant qu’il ne faut pas tarder car demain l’idole déjeune.

(vivement qu’enfin j’ai un vélo)

aux jours tranquilles je rentre en hâte.

       

Vous voulez savoir ?

Hé bien, devinez.

[photo : in situ, flou voulu]

    

Salut et grand merci pour la bonne soirée à Rouda , Lyor , Neobled

bref, les 129 H

ainsi qu’à Fabien M , Victor et Nico K, John Pucc’Chocolat

Ceux que j’oublie, ne m’en veuillez pas. Salut Marius, au mois prochain (si tout va pas trop mal ou bien)


En ce début d'année, la télépathie n'est plus ce qu'elle était

lundi 8 janvier 2006, au bord du soir si c'était l'heure d'été, dans un train de banlieue quittant Satin Lazare,

Deux femmes, une vieille et l'autre moins. S'il y avait la moindre ressemblance physique on pourrait croire la mère et la fille, style genre.

Mais ce n'est pas le cas.

La vieille se plaint : - Ah j'ai vraiment eu un coup au coeur ce matin, quand j'ai reçu mon relevé de comptes. Tu sais quoi, il y avait un prélèvement automatique de 8 euros pour la carte C*rr*four.

L'autre ne répond rien, elle ne voit visiblement pas où est le problème. Alors la vieille s'agace un brin :

- Mais si, leur carte, ça fait un an que j'en veux plus. Je ne l'utilise pas.

puis elle s'apaise un peu :

- Heureusement quand j'ai téléphoné à la banque je suis tombée sur quelqu'un de vraiment sympa, quelqu'un de très bien. Tu sais maintenant, avec les numéros anonymes on ne sait pas sur qui on tombe mais là j'ai eu de la chance, vraiment bien. Elle m'a dit que 8 euros s'était sans doute pour la cotisation annuelle.

La moins âgée, fait un effort :  - Oui, surtout début janvier, ça se pourrait.

La vieille à cette interruption qu'elle juge sans doute approbatrice, repart dans son indignation :

- Mais ils n'ont pas le droit, la carte, ça fait un an que je ne l'ai plus.

et à nouveau :  - Heureusement la jeune femme que j'ai eue au téléphone, n'empêche tu vois rien ne vaut le contact humain, elle m'a conseillé de leur faire une lettre à C*rr*four. Et puis de faire opposition sur le prélèvement. Mais elle m'a quand même dit que ça coûterait 12 euros si je le faisais.

Son interlocutrice, bravement, tente : - 12 euros pour économiser 8, ça fait peut-être un peu cher, attend de voir ce qu'ils répondront à ton courrier. Peut-être que c'est simplement qu'ils n'avaient pas ou mal enregistré ta résiliation quand tu leur avais envoyée.

Et là, la vieille : - Ah mais j'avais rien envoyé, j'avais juste chez moi découpé la carte.

Le train ne devait pas s'arrêter à Pont Cardinet mais il l'a fait quand même. Saisie d'un violent fou rire intérieur, et toute à l'exploit de le contenir, j'ai failli y descendre me croyant arrivée.

      

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Deux ans ont passé

dimanche 7 janvier 2007, hic et nunc.

Il y a deux ans le 7 janvier n’était pas un dimanche. C’était un vendredi.

Jamais du restant de ma vie je ne pourrais l’oublier. Un entrefilet dans le « 20 minutes », je suis dans le métro, je vais à l’usine. Mon coeur se décroche et dégringole à l’intérieur. Je comprends pourquoi la mauvaise nouvelle me fait cet effet-là mais m’étonne qu’il soit si fort. Je m’efforce de revenir dans ma petite vie, même si je sais déjà qu’elle a changé, que je ne pourrais pas y échapper (mais à quoi ?).

 

Les gens vont au taf et ils font la tête. J’observe un couple de jeunes amoureux. Arrivée au bureau et parce que c’est intenable, et à cause de ce malaise, cette inquiétude extrême que je ressens pour un événement d’actualité qui ne me concerne pourtant que comme lectrice, une agitation intérieur incontrôlable quand à l’ordinaire d’alors je suis, malgré certaines tristesses et un deuil récent, encore solide et sereine. Allez calme-toi, là. J’envoie à leur tendre sujet un message doux-amer à ma meilleure amie.

         

Je me cramponne au cours normal des choses. Enfin pas tout à fait puisqu’au normal je me laisse rarement aller à écrire de l’usine un mot non urgent et pourtant personnel. Elle me répond par retour. Mon trouble s’explique. Ma vie bascule.

 

J’explose ma résignation au gris du quotidien et décide de me battre, même sans savoir comment. Je deviens un espion dormant qu’(un peu tard) on réveille. Pour les autres j’apprends (enfin) à lutter, à mépriser les mises en garde des médiocres et des mesquins, ceux qui à présent sont confortés dans leurs égoïsmes en me voyant à terre et terne, comme si la vie s’était vengée que j’ai osé, issue d’une caste esclave, de celles d’en bas, me lever et participer à un mouvement de résistance contre une oppression (1).

J’ai failli depuis périr dans les péripéties personnelles qui ont suivi la réussite collective. Je ne suis pas encore parvenue à (re)prendre pied, les coups encaissés furent portés par trop de circonstances ennemies, diverses et simultanées. Mais si je déplore infiniment qu’il ait concerné un malheur qui n’aurait jamais dû advenir, je ne regrette pas l’engagement passé.

          

Je vivais sans dignité, un drame heureusement dénoué me l’a accordée. Ces deux années ont tout changé. Si je ne perds pas ma dernière santé, on ne pourra plus m’effacer. Je fête rarement les anniversaires, surtout les miens, mais il y en a qu’on n’oublie pas. Ils sont trop douloureux, même s’ils furent victorieux.

       

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[photo : dimanche 7 janvier 2007, un terrain vague près de Gambetta, une fleur a résisté et à la glaise et à l’hiver. L’espoir qu’alors on avait n’était pas moins fragile que ça.]

(1) quelle qu’elle soit et quel qu’y fut notre poids, décisif ou marginal.

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Stéphanot fait son Swann

Cimg1499vendredi 5 janvier 2007, Pont du Garigliano puis chez nous.

« Et dire qu’on a traversé tout Paris pour une cabine téléphonique qui ne marchait pas ! »

Il le dit en riant et je ris également, à cause du cousinage des mots et de la beauté du geste. En raison également de la prédiction de Sylviane (1), que nous étions passée voir à sa librairie comme des alpinistes font escale à la dernière ville correctement achalandée afin de se pourvoir des vivres nécessaires à l'escalade finale. Elle nous avait dit, malgré le temps gris,

- En arrivant sur place vous aurez le soleil.

Nous l'eûmes.
Et de toutes façons l'objet lui-même était ensoleillé.  Des couleurs vives sur un pont vide. Tout  gris.
Parcouru de véhicules aux teintes sérieuses, aucune fantaisie et pour l'heure peu de passants.

C'était une cabine téléphonique.

Ce n'est pas qu'elle ne fonctionnait pas. C'est qu'elle n'était pas là pour  qu'on  y appelle  mais pour qu'on y soit éventuellement appelés, si  le  temps des coïncidences nous était favorable.

Il n'avait cependant pas pu s'empêcher d'essayer.  Allez savoir. Le temps d'un miracle pouvait bien advenir.

Il n'y en eut point. Mais une bonne partie de franche rigolade, l'occasion de photos, la magie partagée, la grâce de l'incongru dans un quartier si fonctionnel aux impitoyables bureaux et larges voies routières. Un joli brin d'humain dans du tout droit, carré et froid.

A la maison du travail attendait. Nous n'avons donc pas flâné pour rentrer, ni exploré rien d'autre. Le tram T3, la ligne 13 et une grosse heure plus tard, nous étions de retour, et l'enfant s'étonnait d'une si jolie parenthèse dans nos vies trop remplies. 

(1) pour une fois et pour un salut reconnaissant, vrai prénom.

Le titre auquel vous avez échappé : "Etienne dans le tram". Mais ça me semblait irrespectueux pour Zazie et son métro, et puis que Zazie dans le métro , je plaisante pas avec.

Et puis je comptais parler davantage du trajet et finalement ça a dévié (as usual).

[photo : Stéphanot s'apprétant à décrocher peut-être, cabine téléphonique de Sophie Calle et Frank O Gehry, pont du Garigliano, Paris, au même jour]

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Décalage horaire

ici et maintenant (vendredi 5 janvier 2007, 23 heures 39 heure de Paris)

Pict0031_1 Il part ce soir ou demain vers Cuba, voir de plus près si un amour qu'il ressent est réel ou un peu rêvé, partagé et partageable.

Il l'a décidé comme ça, ce départ, ces jours-ci, il avait les yeux brillants en me le disant, comme s'il s'excusait de n'avoir plus 20 ans et mais suffisamment d'âge et d'expériences pour être conscient de faire une folie.

Je n'ai sans doute été capable de prononcer qu'un encouragement, une vague approbation. Je ne sais jamais bien trouver les paroles. Et quand elles arrivent c'est toujours après.

Et puis je suis si fatiguée. D'avoir trop vécu, du quotidien épais et lourd, où l'on ne s'écoute pas, où l'on trime du matin au soir et même encore après, afin que la maison tienne, que le pain se gagne, que les enfants ne manquent de rien, qu'un homme soit heureux, les vieux parents satisfaits, et l'employeur suffisament pour qu'il nous laisse hors de danger [financier].

Alors je n'ai pas su, mais à présent j'essaie.

J'ai failli mourir d'avoir trop aimé et d'amour et d'amitié. Ce dernier sentiment était pour moi de toute solidité. Je le pensais à l'abri de l'égoïste exclusivité du premier et protégé des fluctuations propres aux vagues du désir.

Ce ne sont pas des mots. Je suis simplement assez bête pour ça.  Malgré tout je ne regrette pas. La passion est le beau de la vie ici. La beauté n'est pas sans extrême danger, il faut la mériter. Qui ne s'implique pas ne l'obtiendra pas, ne connaîtra aucun instant de grâce, juste des victoires provisoires, satisfactions sportives faciles et de courte durée.

J'aurais aimé l'embrasser, quand il m'a dit ça, qu'il partait par coup d'amour. C'était moi aussi un peu me sauver, me montrer que la vie existe, que la relève est assurée, que tout le monde ne raisonne pas en terme de contraintes et de carrière et d'objectifs, que je n'étais pas seule à laisser la porte ouverte aux brises de folies, aux hasardeux billets de trains ou bien d'avions vers de lointaines et trop brêves retrouvailles.

Ce soir j'aimerais fort comme tout que mes malheurs personnels m'aient octroyés à la longue une forme d'épargne du bonheur que je puisse redistribuer au travers de souhaits efficaces. Qu'il soit heureux, qu'il en profite, qu'il puisse  au moins attraper une bonne pinte de paradis jusqu'à un printemps stable. Qu'un tendre petit dieu des livres et des amours puisse accorder à l'ami les coupons de félicité qu'à mon coeur défendant j'ai économisés.

[photo : flouté d'une photo sur un mur, je sais de qui mais pas par qui, hélas ; Sous-Bock près des Halles, hier soir, comme un fait du hasard]


Le départ des portes

jeudi 4 janvier 2007, au mitan de l'après-midi

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En garçon rationnel, Stéphanot s'étonnait : ils avaient dit jusqu'en octobre et elles y sont toujours les portes sur le quais, comment ça se fait ?

Il est vrai qu'on était fin décembre, et à Satin Lazare elles s'ouvraient ou se fermaient, au rythme des départs et des arrivées, au rythme des rames, on s'était habitué.

Je les aimais bien. Leur présence me rassurait. Depuis bientôt un an j'évite les bords de quais. Je ne suis suicidaire que par nécessité. A cette station malgré la foule je pouvais me détendre, et même légèrement m'appuyer, fermer les yeux, souffler un instant en attendant un métro jaune, de ceux pour Asnières-Genevilliers.

Voilà qu'aujourd'hui je constate qu'on les a ôtées. Pas toutes, une seule partie, qui laisse l'espace de transition étrange : vous êtes bordés, vous ne l'êtes plus.

Cet entre-deux me semble dangereux. Il n'est sans doute pas prévu pour durer. J'aurais pourtant aimé que la phase expérimentale le fasse, au lieu d'attendre au bord du vide un équipement 2008 peut-être différent. Encore un soutien qui disparaît. On ne peut décidément compter que sur soi-même.

Aujourd'hui Stéphanot ne m'accompagne pas, mais en rentrant je lui dirai :
- Tu sais, les portes, dans le métro, tu avais raison, ils sont en train de les virer.

Je ne sais pas encore ce qu'il me répondra. Je pense qu'on en rira ... et qu'on prendra le train.

[photo ultérieure : je ne suis pas chez moi]

[photo : jeudi 4 janvier 2007, ligne 13, gare Satin Lazare, 15 heures 55 et 40 secondes]

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