Les hommes bavards et grands
Mes parents se disputent (et les voisins aussi)

Mon ami Marc travaille et gagne

(et me met dans l'embarras)

Ce lundi soir, déjà tard

Pict0018_1   

Je viens de raccrocher. Et je manque de rappeler. Le faire aussitôt ou ne le faire jamais.

C'était Marc. Un vieux copain. Un moment déjà que j'étais sans nouvelles, d'ailleurs depuis début janvier il faisait partie chaque dimanche des gens que je souhaite appeler, et puis une chose, et l'autre, et du travail, et les repas ou la piscine, un Père Lachaise par-ci par-là et je ne le fais pas.

J'étais donc heureuse de voir son nom apparaître sur l'écran du téléphone, quoique vaguement inquiète à cause de l'heure tardive.

Le son de sa voix m'avait soulagée d'emblée. Un Marc euphorique. Comme rarement ou jamais.

Marc est architecte et ce soir il m'annonçait qu'avec son cabinet il venait de remporter un concours extrêmement sélectif pour un groupe de bâtiments pour les J.O. de Londres, certains étant destinés au logement des athlètes.

Son épuisement était palpable, je pensais que les derniers mois n'avaient pas été de tout repos pour lui, et la tension de l'attente du résultat qui l'avait tenu jusqu'ici l'abandonnait.

Il avait décidé de fêter ça, et très rapidement.

- Samedi ça te va ?

- Euh, oui, ai-je bafouillé en rayant mentalement le cinéma, pourtant intéressant qui était déjà prévu.

- Je compte sur toi pour prévenir Wytejczk, moi je n'y parviens pas.

- C'est peut-être normal, il n'y a pas si longtemps, il était à Moscou.

- Moscou, Athènes, Le Touquet, je m'en fous, mais trouve-le-moi, je voudrais tellement qu'il en soit.

J'avais connu Marc grâce à Wytejczk, ils sont amis d'enfance, je savais leur lien fort, si fort, mais que Marc débordé, par période négligeait. J'en avais d'ailleurs souvent consolé mon ami coursier, et parfois même rappelé son copain pour tenter de mettre fin à une période de silence qui inquiétait celui au métier le plus humble. Lequel n'osait pas déranger la haute altitude neigeuse architecturale que son plus précieux pote était devenu.

Pour lui je le faisais.

Le retournement de situation m'avait laissée perplexe. Quelque chose, décidément ne tournait pas rond.

Prise au dépourvu et par crainte de doucher par une soudaine angoisse pour l'ami en silence je n'avais pas su dire, ces simples mots :

- Depuis une carte postale de décembre, sais-tu, je n'en ai pas non plus.

S'y était substitué malgré moi un étrange :

- Le Touquet, pourquoi Le Touquet ?

comme si Athènes allait de soi.

Marc s'était esclaffé :

- C'est venu comme ça, ma belle-famille, ils ont une maison de vacances là-bas.

Puis fin de conversation. Et je suis là, toute stupide, et malheureuse, et qui n'ose pas rappeler.

Demain.

Demain il faudra bien. Pour faire bonne mesure, je composerai avant de notre ami coursier le dernier numéro connu, ce que par respect pour un silence que j'ai fini par comprendre volontaire, je n'ai jamais osé faire pour mon propre compte. Quelque chose me dit déjà qu'il ne sera plus valable et que j'en pleurerai.

   

    

Ce qui précède est une fiction même si la probabilité que toute ressemblance avec des événements réels quoique fort transposés, déconstruits puis recompilés, ne soit pas purement fortuite tende vers 1.

Commentaires