Monsieur Hulot prend des vacances (1)
Les pères (Noël) (sus)pendus

Un bon compagnon de route et de déroutes

Clichy la Garenne, dimanche 24 décembre 2006 avec l'aide de son jeune remplaçant

Compagnon_de_route_081206cimg0972_1 Jamais je n'aurais imaginé qu'une "note en tu" puisse un jour concerner un objet.

Pourtant ce soir c'est de lui que je souhaite parler. Pauvres humains que nous sommes, si souvent défaillants, nous avons du mal à ne pas songer que si certains objets inanimés ont une âme, les ordinateurs sont bien de cela.   

Il avait trois ans peu ou prou et un clavier parfait, extrêmement confortable, dont à force de travail j'avais rendu brillantes d'usure les touches les plus fréquemment employées.

On s'entendait bien. Il avait accompagné mes premiers essais d'écriture un peu sérieux,   j'ai participé grâce à lui à quelques travaux dont je suis fière, fait de belles rencontres sans l'avoir recherché, beaucoup échangé de mots et de photos.

Depuis la rentrée il manifestait d'évidents signes de fatigue et de saturation ; comme un être humain qui serait surmené.

Je tentais de le ménager, d'anticiper ses coups de moins bien, d'effectuer quelques sauvegardes à la façon dont un homme ou une femme qui sent sa mémoire devenir fragile prend des notes à longueur de journées et établit des listes. J'usais ma patience dans de longues périodes où une information anodine lui prenait longtemps à récupérer, je ne pestais pas quand il se déconnectait. J'étais juste, parfois, affligée.

Mais jamais je ne lui en voulais. Je voyais bien qu'il ramait.

Le premier mercredi de décembre il a défailli pour de bon, comme un coma électronique. J'ai tenté en vain de le réanimer.

A la clinique des petites machines, ils ne m'avaient rien promis.

Et puis ils étaient parvenu à le rétablir, à nouveau il fonctionnait avec toutes ses données. Seulement il suait l'essoufflement comme moi la solitude, peut-être aussi qu'il a voulu m'aider ; en disparaissant il contraignait qui dit m'aimer à témoigner de son sentiment et de son assentiment à mon activité par un effort immédiat et concret.

Il y a quelques jours, il s'est éteint à nouveau. Il me reviendra sans doute et non sans quelques unes (j'ai bon espoir, est-ce illusoire ?) des données qu'il contenait. Mais il aura probablement un nouveau disque dur. Une greffe de cerveau en somme.

On ne reconnaît pas encore aux humains la liberté de mourir dans la dignité selon le choix qu'ils souhaiteraient face à la maladie fatale (1) ou à l'accident presque mortel qui les laisse souffrir d'épouvantables séquelles, alors pour les ordinateurs de qui n'est pas fortuné, c'est l'acharnement électronique thérapeutique assuré.

J'espère qu'il ne m'en voudra pas s'il finit différent mais sauvé, en d'autres mains que les miennes déjà fort occupées par un plus jeune que lui, pour l'instant fringant et fiable et qu'à l'inverse de l'instar d'un nouvel amant j'ai commencé par habiller puisqu'il est venu nu.

Je tenais à remercier mon premier ordinateur de cuisine pour sa loyauté sans faille de petite machine fidèle, qui dans la détresse du début de l'année m'avait permis malgré tout de tenir en me permettant de travailler. Et bien évidemment tous ceux et celles qui avaient participé à la conception d'un si bel outil. 

(1) exemple récent ici , parmi hélas tant d'autres, celui de Piergiorgio Welby à présent délivré. Merci à Embruns de me l'avoir fourni.

Un immense merci aussi à Kozlika sans le secours de laquelle je ne m'en serais pas sortie.

[photo : lui-même avant notre première séparation pour panne]

      

Il me semble que je tiens l'emploi du mot "clinique" en lieu et place de l'expression "atelier de réparation" de la lecture de ce blog-là ; je dois en tout cas à son auteur Olivier, au moins l'adresse de l'endroit. Donc merci aussi.

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