Monsieur Hulot prend des vacances (1)
21 décembre 2006
Jeudi 21 décembre 2006, à la nuit tombée
J'aurais dû me méfier. Quand les quais et la rame de la ligne 14 ressemblent à ceux de la ligne 13 à l'heure d'aller travailler, c'est que forcément il y a anguille sous roche, panne sous rail, retard à prévoir.
Mais peu après mon arrivée sur le quai, la sonnerie retentie, comme je crains d'être en retard à un rendez-vous précis, et que même en manteau et malgré mon sac à main à dos je ne suis pas bien grosse, je me glisse dans le véhicule en partance.
Madeleine vient sans attendre, je consulte ma montre, même si une fois sur place je cherche un peu le lieu du concert, je serai à l'heure.
C'est étrange, nous voici sur le quai de la direction opposée.
Et il y a plein de monde sur l'autre rive.
Serions-nous collectivement passés dans une autre dimension ? Aurais-je commis l'erreur de prendre l'Eurostar plutôt que Météor et ainsi rejoint un pays où les rames roulent à gauche ?
Autour de moi, on se partage entre maugréments et hilarité. J'ai comme l'idée que beaucoup d'entre mes compagnons de route n'en sont pas à leur premier Satin-Lazare / Madeleine.
A l'instant où après avoir entendu un crachouillis inaudible dans le micro, digne d'un quai de gare accueillant monsieur Hulot, je comprends qu'on va repartir en arrière et que Madeleine après tout c'est un peu mieux que rien, compte tenu de ma destination, les portes se referment.
Même si une fois sur place je cherche un peu le lieu du concert, je serai à l'heure.
Si une fois sur place je cherche un peu le lieu du concert, je serai en retard.
Autour de moi, le retour à la case départ, joint au spectacle de la surprise de quelques nouveaux venus qui n'avaient pas eu le temps d'envisager ce qui les attendait, rend l'hilarité victorieuse.
Entre deux hoquets rigolards une dame dit, Ben heureusement qu'à cette heure-ci le travail on s'en retourne.
Plusieurs dégainent leur téléfonini, je serais en retard chérie, fait donc manger les gosses. D'autres se sont sur eux un peu tassés, sans mot dire ni maudire extérieurement, mais on sent que ce tour de manège métro intempestif risque de leur poser quelques problèmes sérieux.
J'imagine le grand Jacques (2) parmi nous, comme il se serait régalé. Je ne crois pas en l'au-delà mais je tente malgré tout mentalement de lui envoyer la scène. J'ai une confiance farfelue en mes capacités d'émission - réception. Quelqu'un la recevra bien et qu'elle fera marrer.
A Satin-Lazare, la population locale se scinde en deux groupes hésitants : les uns sortent précipitamment, craignant une condamnation pendulaire à perpétuité, les autres restent, bien décidés à ce qu'enfin on les entraine vers la destination prévue.
Plus aucun doute, je serai en retard. Je file avant même d'entendre complètement le message enfin écoutable d'avertissement et d'excuse d'un incident technique trafic interrompu pour cause de ... veuillez empruntez les ... 3 + 11, ça va le faire. Beaucoup de monde sur la trois. Je ne suis pas la seule à avoir envisagé ce subterfuge de substitution ; de ce fait des arrêts plus longs. Plus aucun doute, je suis en retard.Si une fois sur place je cherche un peu le lieu du concert, je serai en retard.Plus aucun doute, je serai en retard.
Au changement à Arts et Métier, je consulte ma montre, constate affligée qu'il est déjà l'heure à laquelle je devrais être arrivée. Même en songeant à Tati, soudain je m'amuse moins.
(1) hé non, ce n'est pas une supplique politique, que sinon j'aurais écrit, monsieur Hulot, prends des vacances ... :-) même si je fais partie de ceux que ça agace de vivre dans un pays qui ne retrouve un sens minimaliste de l'écologie que tous les autrefois 7 et désormais 5 ans. (cela dit si il en ressort enfin quelque chose de concret et qui soit de bon sens, je n'ai rien contre bien au contraire, c'est juste le côté brouhaha médiatique réglé comme un coucou suisse qui me déplume)
(2) Tati, forcément.
PS : finalement je suis arrivée tout juste pour le début réel, d'un concert de bon niveau et qui m'a fait du bien et plaisir d'y entendre quelqu'un que j'aime beaucoup.