Mes voisins [des temps] anciens - partie 1 - Paul M Verlaine
19 novembre 2006
dimanche 19 novembre 2006, à l'orée vespérale (1)
Je savais notre voisinage mais jusqu'à présent j'avais fait abstraction. Pourtant j'étais devenue au printemps et durant juillet, une promeneuse habituée du cimetière des Batignolles : quel meilleur endroit qu'un cimetière voisin pour écluser discrètement un chagrin incompressible ? Mais j'avoue que cet habitant particulier, ma foi, je l'évitais.
Je me sentais mise en distance par les bourgeois du monde entier et comme je ne tiens pas particulièrement à virer révolutionnaire, je respectais une prudente quarantaine ; encore un peu même à présent.
Une lecture matinale m'avait convaincue qu'il était temps de cesser mes trajectoires d'esquives et de ne peut-être pas attendre de décembre le froid mordant pour une visite de bon voisinage. Il avait, après tout, fini dans la misère et participé à révéler au monde un de mes grands-cousins d'adoption, tous en effet ne sont pas dionysiens et modernes contemporains.
Je suis donc passée au bord du noir et de la closure des lieux me recueillir sur la tombe du poète résistant (2). Au sens presque littéral, le recueillement. Rassembler des bribes de pensées éparpillées façons puzzle ici ou là en moi, tenter d'ordonner le tout et d'y donner un sens, rapporter quelques vers de ma mémoire en guise de mots de passe, tenter de souffler un instant malgré la course perpétuelle qu'est devenue ma vie à vouloir cavaler plus vite que l'ombre sombre de mes peines.
Le périph grondait comme il sait si bien quand son sang mécanique circule. D'un stade proche des clameurs amateures de football arrivaient jusqu'à nous, témoignant du présent.
Un gardien est passé sans lever la tête, habitué qu'il était que Paulo le Poète ait ses visites méditantes.
Je me suis très vite trouvée à sec de poèmes à réciter en silence au fond de moi. Je n'ai pas tant de culture et pas la bonne, je crois. Alors j'ai fait quelques pas alentours sur des chemins déjà connus, avant de revenir vers un des arbres voisins, sans oser me confier pour ne pas déranger, puis filer chez moi de peur d'être en retard et de m'y faire appeler Arthur (3).
Aux abords du cimetière le foot était terminé. Ne passaient plus que ceux qui s'en revenaient ainsi qu'un gars du nettoyage que ma simple présence a rendu soupçonneux.
Existe-t-il seulement des voisinages heureux à travers les époques, les milieux ou le temps ?
(1) au moins quatre cinq six VVPJ se sont glissés dans ce billet à l'insu de mon plein gré, si des petits trucs vous paraissent zarbs, ne soyez pas surpris.
(2) ben oui quoi, il a aidé au débarquement.
(3) ce private joke là est spécial Supmylo ; je n'ai pas su résister à l'idée d'un possible sourire qu'il aura(it) en lisant car je n'ose pas lui dire qu'il a le bonjour d'Alfred. A tous les autres, pardon.
[photo : par respect, simplement l'entourage anonyme et adjacent ; avec le périph en guest star du fond ; on raconte que n'eût-elle pas été déménagée lors de sa construction Paul eût hérité pour sa dernière demeure de son passage permanent, il en est à présent un peu à l'écart]
spéciale dédicace à Kozlika, inspiratrice bien malgré elle