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Le pain italien

Pict0062 dimanche 26 novembre 2006, Montreuil, la suite
   
version 1
   
Je prends la photo, un peu vite, sans réglages, avant qu'ils ne disparaissent, et le coeur et les enfants.
De les avoir vu faire le mien est plus léger même s'il est toujours gros. Je range soigneusement l'appareil dans son étui et file d'un pas rapide sur le chemin du cinéma.
Ce n'est qu'en y parvenant que je me souviens ma faim. Il est trop tard pour faire demi tour, d'autant plus qu'il s'agit d'une séance avec un invité (1). Alors je prends mon billet et me contente d'un mokaccino sans sucre au modeste mais bienvenu distributeur du Méliès.
      
    
version 2
 
Je me relève après cliché à deux pas de la boulangerie où je comptais aller. Tellement près d'ailleurs, que des clients qui en sortaient me regardent éberlués, comme si soudain j'avais surgi d'un souterrain sous leurs pas.
Ils me tiennent poliment la porte. Je vois aussitôt que la rangée des pains italiens est aussi vide que mon compte en banque, quoiqu'on ne fasse point encore des pains en débit. J'envisage l'éventualité d'une dé-multiplication. J'ai dû esquisser un sourire à cette étrange idée : la jeune boulangère qui respectait mon silence puisque personne ne suivait, sourit à son tour.
   
Quand elle constate mon retour au monde concret, elle me demande :
- Vous désirez ?
   
Je désigne des yeux la rangée désertée :
- Il n'y a plus de pains italiens ?
   
J'ai eu le temps de penser Plus rien ni plus personne, ça a dû me donner l'air triste. Alors, gentille, elle s'empresse :
- Non, tout est parti, mais je vais voir s'il ne nous en reste pas un.
   
Elle a dû songer, elle vient de loin exprès, ce qui dans l'absolu est plutôt bien vu même si au préalable j'ai fait quelques étapes.
J'esquisse un geste pour lui éviter d'aller dans la réserve, leurs pains ronds semoules (2) sont également très bons. Leur seul défaut étant de ne pas me rappeler l'Italie.
 
version 2.1
 
Elle revient d'un air navré. J'achète donc une galette et puis un sablé car ils me semblent bons. Je file ensuite vers le cinéma, où j'arrive in extremis pour la séance prévue (1).
   
version 2.2
 
Elle revient toute heureuse avec un pain bien cuit. Elle semble s'en excuser, mais je dis qu'au contraire, j'aime le pain bien doré.
A l'idée du régal qui m'attend, et parce que mon programme du matin m'a plutôt affamée, j'effectue pour payer un geste précipité. Mon porte monnaie-feuille-et-cartes usé s'ouvre sauvagement en sortant de ma poche et répand généreusement ses pièces sur le carrelage au sol. Une personne qui venait d'entrer, spontanément m'aide à ramasser ses semailles perdues. Il n'y en a pas tant, mais suffisamment pour que je puisse faire l'appoint. Je remercie et repars vers le cinéma. Si je résiste plus de 3 mètres à l'appel du croûton c'est uniquement afin de fermer derrière moi la porte de la boutique sans laisser choir de nouveaux éléments.
    
(1) pour ceux que ça intéresse : Point Blank de John Boorman en présence d'icelui.
   
(2) une note un jour à venir sur tous les noms que je leur ai croisés (en phonétique pataude : batbot, matlouf, ou à Montreuil galettes semoule) mais je dois au préalable un peu me documenter : ça ne fait que 4 ou 5 jour que j'ai enfin compris que kitab signifiait "livre")
   
[photo : la boulangerie, la vraie, rue de Paris, et qui fait réellement de l'excellent pain italien (3)]
(3) je tiens à préciser que je n'ai aucun pourcentage sur les ventes, je ne suis qu'une cliente des dimanche et jours cinés.
   

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Le coeur du trottoir

    

Montreuil, ce dimanche, dans l'après-midi

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Je me hâte vers la petite boulangerie au pain (italien) miraculeux .
Je n'ai guère d'illusion qu'à telle heure il en reste, déjà en fin de matinée quand nous sortons à l'ordinaire du centre nautique Michel Thermos
il n'y en a plus guère ou à peine un pour nous. En bon mitan d'après-midi ce serait incroyable ou une nouvelle fournée.
   
Seulement je compte aller juste après au cinéma et j'ai à peine le temps et d'acheter de quoi grignoter et de m'y rendre ensuite.
Ils sont au raz du sol accroupis et concentrés, dans ma précipitation je manque de les renverser.
      
C'eût été dommage, deux enfants en train de dessiner à la craie sur le sol un coeur.
La petite fille surtout s'applique.
   
En vieille mère je regarde alentour s'ils sont accompagnés. L'adulte est bien là, à quelque pas qui fait une pause téléphonique et semble-t-il urgente au ton de sa voix.
Puis elle dit, On y va.
   
Et ils vont, en se levant comme des oiseaux s'envolent, avec des rires de satisfaction soit que leur oeuvre les ait comblés soit que le proche avenir prévu les marque d'une grande joie.
   
Je ne crois guère aux présages malgré mes intuitions, mais croiser un coeur de craie joyeusement tracé un dimanche en banlieue ne peut en être qu'un bon. Et la confirmation qu'en choisissant ce chemin-là, quoi qu'il m'en ait coûté (là où j'étais j'aurais pu et tant aimé rester), j'ai fait le meilleur choix. Celui d'un respect ; au nom de l'amour comme de l'amitié.
   
 
[photo : in situ, après leur passage pour ne pas déranger]

Les charmes discrets de la téléphonie

       
Ce midi, dans Paris. Plutôt au centre si on y pense.
   
Ils sortent de la cantine ou plutôt de son annexe. Les deux sont en sous-sol. La plupart des téléfonino y sont pris en défaut.
En un mot : ça capte mal.
C'est donc aux abords de l'escalier que le téléphone de la femme émet sans doute un son. Il est discret, je n'en entends rien.
   
Mais je vois son geste qui est de l'ouvrir, puis d'un coup de pouce afficher ce qu'elle doit lire, le faire en un clin d'oeil puis se tourner d'un air radieux vers le collègue qui l'accompagne.
   
Les pas (leur rythme) et les portes (à franchir) font que je les suis de peu. Le sourire est si lumineux qu'il me réchauffe aussi.
Je lui en suis reconnaissante.
    
Il ne pose aucune question mais peut-être des yeux si. Alors elle dit :
 
- Il m'envoie un SMS chaque midi quand il reprend son travail.
   
et puis :
- J'adore ça.
   
Je tenais d'une main un sac en papier fort contenant mon repas froid, de l'autre un café operculé. 
J'ai dû serrer trop fort le gobelet, son capuchon de plastique se laisse déborder. Je suis contrainte de m'arrêter pour éviter que le liquide partout ne se répande ou ne se dilue des larmes que je retiens à grand-peine : j'ai en effet perdu sans comprendre la seule personne qui se souciait vraiment de moi, m'encourageait pour que je tienne, malgré les difficultés, certes pas tous les jours mais dés qu'elle le pouvait.
   
Ma faiblesse me laisse définitivement distancée par l'amoureuse épanouie et qui l'accompagnait. J'aurais aimé savoir ce que l'autre en disait ; ou s'il a juste souri, glanant au vol l'idée d'en faire autant à son tour à l'égard de qui lui-même aimait d'amour ou juste bien. 
   
Les jours qui se succèdent me lessivent de questions sans fournir l'ombre d'une réponse.
A peine plus tard, la salade vite avalée aura un goût de cendres.

Dri-in(g) in love

dimanche 26 novembre 2006, entre Miromesnil et Satin Lazare

    

En provenance de Montreuil, en allance à Clichy, 9 + 13 changement Miromesnil. La tête dans la planète des films (je reviens du Méliès) et des bouquins (je reviens du salon du livre de jeunesse aussi), je suis surprise par une annonce de type sorties fermées pour cause de manif en surface, ah bon parce que pendant que Lee Marvin dézinguait quelques crapules et que quelques auteurs fameux et fabuleux (1) dédicaçaient, le monde continuait de (mal) tourner et d'autres protestaient (mais qui et contre quoi ?). Surprise aussi mais ce n'est pas sans logique puisque seuls errent en ces lieux ceux qui comme moi prenaient correspondance, de trouver sur cette ligne une place assise (2).
   
Bien qu'ayant aujourd'hui été très raisonnable au salon (3), j'ai de quoi lire, je ne recule donc pas devant ce bonheur. D'autant que la place voisine est livre libre. Je m'empresse d'honorer ce double miracle en ouvrant le plus grand des ouvrages dont je suis équipée.
   
Hélas tant mieux un élégant homme jeune vient s'asseoir à mes côtés, je replie civilement un peu de voile. Juste avant que la rame ne démarre, il bondit sur ses pieds avec une telle vivacité que je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'oeil au siège soudain vacant afin de vérifier si quoi que ce soit de piquant ou perforant n'y figurait pas.
   
Le voyageur me fournit par ses gestes la réponse à ma muette question : il extrait d'une poche à l'accès malaisé, nécessitant effectivement la station verticale, un telefonino silencieux mais (probablement) vibrant.
En fait c'est plutôt un texto qu'il a reçu et qu'il consulte avec fébrilité.
Mais la fièvre tombe et son corps presque aussi qui soudain vidé de toute énergie se replie mollement sur le banc (4).
 
Pas besoin qu'il ne raconte rien, l'homme ou la femme aimé(e) avec le ou laquelle il comptait passer la soirée et davantage si possibilités, vient de décommander sans plus d'explications ; je réfrenne un élan de geste amical, parce que je suis une femme et qu'il pourrait être interprété à côté de la compassion et elle seule qui m'habite, ... et que mon livre est encombrant. 
   
Je poursuis donc ma lecture en m'efforçant de ne pas gêner et sans lever le nez des pages ; au courant d'air de chagrin qu'il déplace me rends compte deux stations plus tard qu'il quitte mon voisinage.
   
Je m'interdis fort peu de choses par contrainte d'être née fille, à part pisser debout, mais dans un cas comme ce soir si. Garçon je lui aurais proposé une mousse ou un thé à la menthe au plus proche troquet. Il m'aurait raconté son malheur, on aurait dit toutes les mêmes ou peut-être aussi tous, on se serait saoûlé d'alcool ou d'herbe jusqu'à pas d'heures et le bord du chagrin. Après on serait rentrés chacun chez soi, suffisamment malades pour que plus rien d'autres ne compte que survivre à la nausée ou à la gueule de bois. On serait ensuite passé tout simplement à la suite de nos vies.
   
[et dans un sens c'est pas plus mal : il était peut-être sur un coup en affaire, un deal glauque, un endettement mafieux, qui vient d'échouer, c'était pas du chagrin mais une peur pour sa peau et je me serais trouvé embarqué dans une embrouille à n'en plus finir. Who knows ?]
 
(1) désolée les autres : z'avez qu'à avoir un site ou un blog, d'abord. Allez hop, au boulot !
nb pour les connaisseurs : selon la logique du programme distribué ce dimanche et qui dupliquait par erreur les dédicaces du samedi, j'ai un peu condensé les jours.
(2) vous avez bien lu.
(3) quatre livres dont un (futur) cadeau. Bel effort.
(4) nous sommes sur les 2 x 3 places

Gare à vous

samedi 25 novembre 2006, dans ma boîte aux lettres de la vieille poste de sur terre (1)

Les_fantastiques_pouvoirs_de_la_naissanc

Depuis ce matin, j'ai entre mes mains "les conseils du véritable dragon rouge"  de la page 116, "la jettatura et l'anocchitura" de la page 29, les "débris du grand savoir" de la page 15 et grâce aux précieuses indications de la page 81 je sais désormais que "l'important c'est de croire en ce que l'on croit".

   

Sans parler d'une merveilleuse recette à base de gros sel et d'oreiller douillet contre l'insomnie, qui n'est pas sans contraster avec l'invocation satanique de la page 74, laquelle n'est pas sans rappeler le fameux Leblésmouti, Labiscouti des Rubriques à brac de Gotlib.

 

Pour l'amour je suis mal barrée en tant que citadine, étant donné que la recette commence par ces mots disuasifs "Il vous suffit d'attraper une petite grenouille avec un linge blanc". Je commence à comprendre l'éventuelle cause de disparition des tritons crêtés (2).

   

J'ai également enfin compris pourquoi malgré un travail acharné des années durant, j'avais à l'usine obtenu en retour si peu de reconnaissance financière : mauvais dosage de mandragore, tout bonnement.

      

J'en vois qui s'inquiètent, aurais-je viré définitivement sorcière après le déchaînement de mauvais sort subi l'an passé ?

   

Que nenni, j'ai juste une fois de plus commandé un livre sur l'internet afin de l'offrir à quelqu'un comme un ami. Il quittera Paris d'ici à quelques jours, or ce bouquin qui date d'il y a seulement un an n'est déjà plus disponible, ou alors très rarement. Je n'ai donc eu que ce recours pour tenter d'être dans les temps.

   

Les lois impitoyable du marketing (Un livre commandé, un livre offert) ont alors à nouveau frappé ; selon une logique qui j'avoue me dépasse. Un polar belge m'a valu la théorie d'une lutte sans merci contre les rhumatismes que je n'ai pas encore, un livre collectif sur des récits de naissance me vaut cet étrange traité de sorcellerie (3), sans parler de quelques rasoirs préalables

A moins que quelqu'un quelque part du circuit de distribution ne vienne lire ici et ait décelé en moi un petit potentiel.  Qui déclenche sans raison apparente les portiques magnétiques, avec un peu de pratique pourra vous envoûter lors des veilles de lendemains qui chantent :-) .

 

Je serais vous, j'hésiterais à revenir.

 

Hélas dans ce bréviaire, pas un mot sur l'ubiquité, ce pouvoir merveilleux que je tente inlassablement de maîtriser à mes heures encombrées. Damnaide, comme dirait d'aucuns !

 

(1) l'appellation n'est pas de moi, mais je ne me souviens plus d'où je l'ai lue la première fois. Sur un blog suisse peut-être ?

(2) j'ai l'air de plaisanter mais en fait pas tant que ça pour ce qui est de la menace qui pèse sur cette espèce laquelle n'est pas négligeable qu'on pourait le croire vu d'en ville.

Davantage d'explications et cette fois-ci sans rire sont là sur le blog Avant la lettre de Richard G. , l'un de ceux que j'aimerais parvenir à lire quotidiennement.

(3) merci monsieur KA de m'avoir grâce au bon dieux à la winchester préparée psychologiquement au choc des illustrations de ce manuel. Elles sont exactement "dans le ton". En pire.

      

[photo : ma commande telle qu'arrivée parce que l'ensemble de ce billet (sauf les notes de bas de page) a beau être au second degré, le point de départ est véridique ainsi que les citations, bribes ou extraits et le fait que je n'ai jamais souhaité entrer volontairement en possession de ce ravissant ouvrage]


Alarmée

Vendredi 24 novembre 2006, La Défense.

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Un état précis de fatigue entredosé d'une appréhension triste pour l'avenir immédiat (je crains le dimanche prochain et sais devoir tenir lundi et mardi d'usine et d'affilée) me rend sujette à un symptôme gênant pour une citadine : je me transforme plus souvent qu'à mon tour en redoutable sonneuse des portiques magnétiques de sécurité dont tant de lieux publics, surtout des magasins, sont désormais pourvus.
Mon sac à main étant généralement gonflé et fort lesté, car je ne sais me déplacer sans trois livres de secours au moins, c'est toujours un peu casse-pied, même si n'ayant rien à me reprocher je sais que les surveillants peuvent tout vérifier sans rien trouver.
      
J'ai donc pris l'habitude lors des certains jours que je sens néfastes d'éviter tous lieux d'achats et de me consoler en songeant aux économies ainsi réalisées.
      
Aujourd'hui cependant, je devais y aller, un écrivain du Nord que j'aime beaucoup mais dont je ne sais jusqu'à présent pas apprécier les livres, passait dans une Fn*c pour y dédicacer. J'avais envie de le revoir et lui parler un peu de son plus récent livre publié,
      
Je l'avais lu sans déplaisir, en appréciant le travail bien fait, le huis-clos étouffant bien mené, mais sans vraiment accrocher. Sa force réside dans le suspens, or j'y suis à force d'ans et de lecture devenue rétive. Il me suffit désormais, même pour les romans noirs ou tous types de polars qu'une intrigue soit cohérente pour qu'elle me satisfasse. Je n'en attends aucune surprise. Préfère si possible éviter le trop sanguinolent ou le sexuel sur-dosé. Ça ne veut pas dire pour autant que je préfère "La petite maison dans la prairie" (1) (2), par exemple j'admire infiniment Selby , mais l'horreur en tant que telle ne me distrait pas.
      
Connaissant ma faiblesse, je me suis présentée d'emblée au guetteur de service. Car j'apportais mon propre ouvrage à fin de dédicace. Il n'est pas neuf et c'est visible, rempli de post-it eux-mêmes gribouillés, mais je préparais ma sortie.
    
A ma plus grande surprise celui-ci emballa en poisson rouge gagné à la kermesse l'eau en moins, un autre livre dont j'étais équipée, pourtant écrit en italien alors qu'ils n'en vendent pas, et pour celui-là me fit préparer un bon de circulation comme il l'aurait fait d'un matériel coûteux et défectueux que j'aurais reconduit au service après-vente.
      
Ce surcroît de précautions faillit me dissuader d'acheter le second volume que je comptais offrir, mais finalement je n'ai pas différé mon achat en des lieux plus hospitaliers. Je ne sais pas quand nous aurons l'occasion de nous croiser à nouveau et c'était un plaisir de pouvoir se parler, alors je n'ai pas voulu que l'ambiance inhospitalière due au tollier méfiant ait le dernier mot.
   
Au moment de partir les portiques ont sonné.
      
(1) la série télé est une guimauve sucrée mais les livres de Laura Ingalls en V.O. sont passionnants ; plutôt destinés à des adultes curieux d'histoire (pas celles qu'on racontent, celle qu'on associe à la géo) et de "vie quotidienne au temps de ...".
(2) que certaine mère indigne faisait ingurgiter à son pauvre aîné  :-)
(je rigole, j'ai probablement fait un peu pareil dans le temps et les circonstances analogues)
    
 
[photo : vite et mal bricolée, mais simple illustration, pour le bon je n'inventais rien]

Les boules (à zéro et ailleurs)

Rue Laumain hier à la nuit

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Ça m'est tombé sur les épaules en sortant de la librairie
. Il y faisait chaud, on venait d'écouter une remarquable lecture,
il y avait du vin (italien) et quelques personnes que je ne connaissais guère mais avec lesquelles il était agréable de converser : ce qui nous réunissait c'était la passion des livres, et particulièrement ceux de l'un de mes pays.

   
Je me sentais à ma place. Pour une fois.

 


Et puis voilà, je dois partir, je sors et c'est la nuit et novembre. Même s'il ne fait pas froid, je l'ai à l'intérieur celui-là, depuis 9 mois et plus en fait. J'essaie de penser aux phrases, aux mots que je viens d'entendre. Non qu'ils soient très réconfortants, l'écriture de
Vitaliano Trevisan  est impitoyable et son humour d'un désespoir brillant, mais c'est tout autre chose que mes tristesses et tracas. Je me sens mieux au loin de moi.

   

Comme les extraits lus étaient formidables, les paroles prononcées me reviennent facilement. Et même dans l'oreille le son de sa voix qui est posée et qu'il maîtrise en lecteur ou acteur averti. Il porte le crâne rasé, celui qui l'accompagne aussi.

 

L'absence de cheveux met en valeur son regard, calme, vif. Il m'a intimidée, un peu. Sans doute aussi car je n'ai encore rien lu de son travail. J'étais précisément venue pour apprendre.

   

Absorbée par mes pensées, je ne vois ni n'entends la voiture sur ma gauche qui surgit de ce que j'ai cru un porche quand il s'agissait d'une rue dont la sortie passe en dessous d'un immeuble.

 

Heureusement l'endroit est étroit et elle ralentissait déjà. Elle s'arrête et je recule. Tout se passe bien, à peine le temps d'un éclat de peur.
Mais j'ai repéré la rue, que je ne connaissais pas, ce qui n'est pas sans m'étonner car je fréquente ou j'ai fréquenté assez souvent ce quartier, l'an passé pour militer, depuis de longues années pour un cours de danse où je suis assidue, sans parler d'une call and internet-box accueillante qui me sert de refuge proche et loin de l'usine exactement comme il convient.

   

Je l'emprunte, appareil photo déjà en main sans que j'ai rien fait pour, un vieil automatisme.

 

La ruelle est pavée et peu fréquentée. J'en profite pour quelques essais, avec flash ou sans, ou adouci. J'essaie de capter l'humidité sur le pavage, les reflets que ça a et que j'aime.

   
Certaines fenêtres sont allumées et sans rideaux, j'entrevois une bibliothèque qui atteint le plafond. Je rêve que j'y habite et d'une toute autre vie. Je pourrais aller au travail à pied, luxe inouï. Ou plutôt non, si je logeais dans ce quartier j'aurais un tout autre métier, enfin un vrai.

   
Mes divagations prennent fin avec le chemin. Je sais qu'il me faut aller vers la droite pour rejoindre les grands boulevards et le plus
proche métro. Je dois faire sans traîner je vais à un concert, Dominique A , au Bataclan.

 
Je tourne, range l'appareil, reprends un pas hâtif. Ce n'est qu'au bout de 10 ou 20 bons mètres que je prends soudain conscience de mettre mes pas d'un soir dans mes pas d'antan. Je n'ai pas besoin de lever les yeux, ce trajet m'est familier ou plutôt me le fut. Le rêve s'efface, le chagrin revient. J'accélère comme on fuit.

   
J'atteins le métro comme un nageur essoufflé le bord du bassin qu'il traversait à bout de forces. Comme une compensation, la chance me sourit, une rame arrive quand j'aborde le quai. Tout va alors vite, je suis en retard sur l'horaire du concert, la première partie est déjà finie, mais je peux ainsi sans tarder entrer dans la salle, trouver une place dans les hauteurs et un coin où je profite du noir pour me laisser aller ; à pleurer.

   

Les paroles s'accordent à mes sentiments, le chanteur chauve pourtant plaisante avec son public. Je m'amuse de son apparence si conforme à celle de l'homme qui tout à l'heure lisait. Peut-être ont-il le même âge, s'agit-il d'une mode de génération.

   

Parmi nous, visiblement des connaisseurs dont certains n'hésitent pas à lui réclamer telle chanson, tel morceau, de ceux de ses débuts. Il esquive ou s'exécute, non sans humour. On rit.
A nouveau j'ai moins froid. J'aimerais rester longtemps mais le départ vient vite. Les rappels sont ceux prévus.
Pas plus.

   

Alors reviens la nuit, la pluie et marcher seule dans la nuit chauve fauve.

[photo : in situ, une des tentatives de pavés mouillés (résultat décevant)]

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Samir et la douche du jour

       
Clichy la Garenne, aujourd'hui, à ce qu'on m'en a dit
   
Le_85_aprs_la_pluie [photo Pierre Cavard "Le 85 après la pluie". merci à lui]
   
En compagnie de Stéphanot, je marche sur le trottoir mouillé . Nous nous hâtons vers une librairie où nous avons décidé d'aller à pieds par plaisir de la ville (et pour lui peu d'agrément du métro dont l'enfermement et l'entassement lui pèsent).
   
Je ne sais plus lequel d'entre nous glisse un peu sur le sol rendu luisant par l'eau, mais cela le fait sourire. Il voit que mon regard porte une question, alors il entreprend de m'expliquer :
 
- C'est dommage que tu n'étais pas là quand on rentrait du collège, tu te serais bien marrée. On attendait le TUC avec Samir, Albert et Ruwan (1), et comme asse commasse (2) il pleuvait, mais alors pas en s'crète. Et puis tu vois, Samir il se met au bord du trottoir [il s'y déporte lui-même, afin de me montrer] pour voir si le bus arrivait, et puis un peu à côté, il y avait de l'eau, pas mal d'eau dans le caniveau. A ce moment là il y a une voiture qui est passée à fond, genre elle nous a pas calculé, et ben tu vois, Samir, il a été trempé des pieds à la tête et si son cartable était intact c'est parce qu'il est grand et qu'il l'avait dans le dos. Comment il était trempé c'était la douche du jour !
    
Il en rigole rien qu'au souvenir.
   
- Après, on lui a dit, Cours mais cours, tu comprends c'était la seule idée qu'on avait pour lui faire tomber toutes les gouttes, alors il courait autour du poteau du TUC. Il y avait une petite vieille elle nous disait en riant "Criez moins fort les enfants !", mais en même temps elle rigolait. C'était son bon moment de la journée. Si tu aurais avais été là, toi, on t'aurait entendu rire jusqu'aux Champs Elysées.
   
Puis comme pour éviter que je ne m'inquiète d'une humidification intempestive le concernant :
 
   
- Moi j'étais un peu derrière, je regardais les horaires. Alors j'ai pas été mouillé.
   
Moralité : quand vous guettez un bus un jour de pluie, mieux vaut scruter les fréquences affichées que la route même peu fréquentée. Il suffit d'une flaque.
   
(1) les prénoms bien sûr ont été changés mais j'ai tenté d'en conserver les caractéristiques culturelles.
(2) sur une excellente suggestion de Labosonic
 

L'enfant tombé

 

Jeudi 16 novembre 2006, dans le Xème non loin de la rue du faubourg Poissonière

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Il doit avoir l'âge de Stéphanot ou très peu s'en faut, et profite d'un jour sans collège ou d'un temps de repas pour faire du vélo dans l'une de ces rues calmes.

Je mâchonne un sandwich roboratif acheté à pas trop cher à la cafète de la cantine, tout en me hâtant vers la librairie où je sais qu'on m'aura mis de côté un livre en Italien (1)  que d'avance je sais que je saurais aimer.

Le gosse me dépasse et peu après, d'un coup, sans raison apparente autre qu'une inattention subite, un appui de pédale hasardeux, il choit.

Il n'allait pas bien vite, mais le choc est brutal : il n'a rien vu venir et pas eu le temps d'esquisser le moindre geste de protection.

Mon impulsion est de lâcher mon sac (2) (pas mon sandwich quand même) et me porter vers lui.

A la vitesse à laquelle il se relève je comprends que ma présence au lieu d'être secourable est malvenue ; d'ailleurs il marmonne un "Ça va, ça va" embarrassé en réponse à la question que je ne lui ai sans doute posée que des yeux (je ne m'en souviens pas, si j'ai ou non articulé). Ma présence accroît sa honte.

Il repart fissa ; pour respecter son souhait muet je me garde bien de le suivre du regard, même si j'aurais préféré vérifier qu'il ne soit pas blessé.

Cela faisait si longtemps que je n'avais pas vu un enfant tomber, surtout en vélo, surtout en plein Paris là où d'ordinaire les gamins ne jouent plus, ou plus dehors, quand encore ils y vivent et que leur nombre ne repousse pas leurs familles en grande périphérie.

 

(1) Sylvie n'ait crainte, pour les livres en français je n'ai pas changé d'adresse ;-) .

(2) que d'ailleurs j'oublierai peu après dans le magasin ; c'était un jour pour nous séparant.

[photo : à peine un peu avant, à peine deux rues plus tôt ; le même jour] 

Puisque c'est en allant à La Libreria que j'allais ce jour-là, j'en profite pour relayer les deux prochaines rencontres qui y seront organisées : 

   

- Mercredi 22 novembre à 18 heures : "la Libreria et les éditions Verdier vous invitent à rencontrer Vitaliano Trevisan à l'occasion de la sortie française de son livre «  les quinze mille pas » (Ed. Verdier, traduction Jean-Michel Defromont), une oeuvre sombre, obsédante, d'une fascinante sobriété, teintée d'un humour très noir."

- Samedi 25 novembre à 16 heures 30 : "La Libreria accueille Gilles Ascaride, auteur de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, d'essais, à l'occasion de la traduction en italien d' « Amours modernes » (Editions Fernandel, traduction Elena Battista). Les drolatiques « Amours modernes » de Gilles Ascaride ont le goût amer de nos obsessions quotidiennes et de la solitude qui les accompagnent…

Des extraits seront lus en italien et en français par Bruno La Brasca."

                                             

Avec pâtisseries et rafraîchissements nous dit-on (histoire de motiver les indécis ??)

--
LA LIBRERIA
89, rue du Fbg Poissonnière
75009 Paris

Mes voisins [des temps] anciens - partie 1 - Paul M Verlaine

   

dimanche 19 novembre 2006, à l'orée vespérale (1)

   

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Je savais notre voisinage mais jusqu'à présent j'avais fait abstraction. Pourtant j'étais devenue au printemps et durant juillet, une promeneuse habituée du cimetière des Batignolles : quel meilleur endroit qu'un cimetière voisin pour écluser discrètement un chagrin incompressible ? Mais j'avoue que cet habitant particulier, ma foi, je l'évitais.
   
Je me sentais mise en distance par les bourgeois du monde entier et comme je ne tiens pas particulièrement à virer révolutionnaire, je respectais une prudente quarantaine ; encore un peu même à présent.
   
Une lecture matinale m'avait convaincue qu'il était temps de cesser mes trajectoires d'esquives et de ne peut-être pas attendre de décembre le froid mordant pour une visite de bon voisinage. Il avait, après tout, fini dans la misère et participé à révéler au monde un de mes grands-cousins d'adoption, tous en effet ne sont pas dionysiens et modernes contemporains.
   
Je suis donc passée au bord du noir et de la closure des lieux me recueillir sur la tombe du poète résistant (2). Au sens presque littéral, le recueillement. Rassembler des bribes de pensées éparpillées façons puzzle ici ou là en moi, tenter d'ordonner le tout et d'y donner un sens, rapporter quelques vers de ma mémoire en guise de mots de passe, tenter de souffler un instant malgré la course perpétuelle qu'est devenue ma vie à vouloir cavaler plus vite que l'ombre sombre de mes peines.
   
Le périph grondait comme il sait si bien quand son sang mécanique circule. D'un stade proche des clameurs amateures de football arrivaient jusqu'à nous, témoignant du présent.
 
Un gardien est passé sans lever la tête, habitué qu'il était que Paulo le Poète ait ses visites méditantes.
 
Je me suis très vite trouvée à sec de poèmes à réciter en silence au fond de moi. Je n'ai pas tant de culture et pas la bonne, je crois. Alors j'ai fait quelques pas alentours sur des chemins déjà connus, avant de revenir vers un des arbres voisins, sans oser me confier pour ne pas déranger, puis filer chez moi de peur d'être en retard et de m'y faire appeler Arthur (3).
   
Aux abords du cimetière le foot était terminé. Ne passaient plus que ceux qui s'en revenaient ainsi qu'un gars du nettoyage que ma simple présence a rendu soupçonneux.
 
Existe-t-il seulement des voisinages heureux à travers les époques, les milieux ou le temps ?
   
 
(1) au moins quatre cinq six VVPJ se sont glissés dans ce billet à l'insu de mon plein gré, si des petits trucs vous paraissent zarbs, ne soyez pas surpris.
(2) ben oui quoi, il a aidé au débarquement.
(3) ce private joke là est spécial Supmylo ; je n'ai pas su résister à l'idée d'un possible sourire qu'il aura(it) en lisant car je n'ose pas lui dire qu'il a le bonjour d'Alfred. A tous les autres, pardon.
      
[photo : par respect, simplement l'entourage anonyme et adjacent ; avec le périph en guest star du fond ; on raconte que n'eût-elle pas été déménagée lors de sa construction Paul eût hérité pour sa dernière demeure de son passage permanent, il en est à présent un peu à l'écart]

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