Le marabout facturait en euros
Comment la blague d'un conducteur au lieu de rire peut faire pleurer

Regarde la tour comme elle est grande

   

vendredi 27 octobre 2006, Montparnasse, début d'après-midi

 

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Elle a cet air heureux, hésitant et résolu de ceux qui arrivent enfin à Paris après l'avoir longuement souhaité et pour qui ça n'a pas été forcément facile. Ceux dont les lendemains sont fait d'interrogations mais qui pensent que puisqu'ils sont parvenus jusque-là il n'y a pas de raison que la suite ne tienne pas ses promesses.
    
Le découragement viendra plus tard.
   
Elle est fort jeune et un peu palôte, porte un beau bébé sur le dos dont au premier coup d'oeil on ne doute pas qu'il est bien le sien. Installé dans une sorte de dispositif artisanal fort bien cousu et qui tient des portages africains comme du sac à dos, le petit a les yeux vifs et grands ouverts. Il n'a pourtant pas l'air bien vieux.
    
Ils sortent du métro à la gare Montparnasse, elle lève les yeux et voit la tour.
   
- Regarde la tour comme elle est grande !
fait-elle a son enfant.
   
Deux types qui attendaient dieu préfère ne pas savoir quoi dans une voiture discrète mais pas très bien garée, l'entendent par leur vitre ouverte.
Le conducteur vaguement goguenard mais en même temps ému, jette un oeil à la tour comme s'il la voyait pour la première fois, puis vers la jeune femme. J'ai l'impression que s'il avait été seul il l'aurait apostrophée plutôt gentiment sur le mode
Vous avez bien raison, elle est vraiment très haute, histoire d'entamer la conversation voire plus si affinité.
      
Mais accompagné et peut-être en service, il se tait. Je lis dans le sien une forme de regret quand nos regards très brièvement complices se croisent en passant.
   
Comme une femme qui a trop lu, je pense à Fantine et je souhaite mentalement très fort à la maman et au bébé de ne rencontrer aucun Thénardier ou le moins possible. Puis je me dis Arrête de faire de chaque silhouette que tu entrevois le sujet d'un drame italien, à commencer par la tienne.
 
Je sors mon Olympus de sa sacoche, le passe autour de mon cou, enlève le cache de l'objectif, et entame aussitôt une fructueuse chasse-photos.
      
 
[photo : la Tour Montparnasse, cet après-midi même]

      

Je dois le terme de chasse-photos à mon ami Supmylo

que j'en profite pour remercier de beaucoup de choses.

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