Les gens de Paris manquent de courtoisie
24 octobre 2006
Dans le train, avant-hier en arrivant à Paris vers les neuf heures du soir
Ce n'est pas un de ces marmots au nez morveux, insoucieux de lui et dont on se soucie peu. C'est un petit gars bleu marine, blondinet et bien sage, et qui tout méticuleux range dans son petit sac les coloriages et crayons dont on a occupé son trajet. Pourtant il n'est pas bien vieux, à vue d'oeil je lui donne 5 ans, 6 peut-être ; il faut dire qu'il est plutôt petit, menu, occupant peu d'espace.
Le train est entré en gare, les voyageurs sont priés de le quitter et de veiller en français puis flamand à ne pas oublier leurs affaires personnelles.
Une file de descendants se forme plus rapidement qu'elle ne peut sortir. Je n'ai ni correspondance ni hâte particulière, je laisse passer les plus pressés.
Aux côtés du fils bleu sombre mais plus proche de la fenêtre, sa mère affairée s'occupe d'un plus petit qu'il convient d'aider à mettre son blouson. De bonne composition celui-ci se laisse faire sans dire un mot. Peut-être a-t-il dormi et est-il encore un bon pied dans les songes. Peut-être est-il encore là-bas où un papa, sans doute, est resté.
Le plus grand, fatalement, se retrouve côté couloir, prêt à partir mais attendant son restant de famille. Son petit format fait que les grandes personnes le frôlent en l'ignorant, qui sait si certaines les yeux fixés vers l'horizon d'un métro ou d'un taxi à prendre, ou l'impatience de retrouvailles ne l'ont pas bousculées.
Alors le petit dit à sa mère, en une constatation de douloureuse surprise :
- Maman, les gens de Paris ils disent pas pardon.
La mère qui à présent se hâte de rassembler les derniers paquets et accorde à leur coin de compartiment l'ultime regard circulaire qui hélas bien souvent n'empêche pas l'abandon catastrophique du doudou imprudent qui s'est échappé en glissant derrière une tablette ou le creux invisible d'un accoudoir, reprend mécaniquement :
- Oui tu as raison, les gens de Paris ils sont pas très polis. Les gens de Paris, ils sont pressés.
Je perçois une brève déception dans le regard du fils, il attendait sans doute une explication plus consistante quant à ce manque flagrant de civilisation.
J'hésite à leur parler, me tais finalement par égard pour la jeune femme qui a déjà tant à penser en simultané que répondre à l'intervention incongrue d'une parfaite inconnue ne serait qu'une interférence pénible supplémentaire. A la place j'esquisse un sourire à l'attention du petit bonhomme perplexe et m'applique à bien le contourner, mais surtout sans dire pardon. Je ne souhaite pas invalider sa si sérieuse constatation par un contre-exemple dés lors incompréhensible.
[photo : la gare du nord, mais en septembre]