Comment la blague d'un conducteur au lieu de rire peut faire pleurer
Après les rasoirs, les rhumatismes

Il lisait Bessette assis ...

Pa270014

sur un escalier de passage.
    
 
Qui ou quoi attendait-il ? Un taxi pour l'emmener ? Un ami pour le chercher ? Un train à prendre mais plus tard ?
   
Il semblait fort peu pressé, plongé à fond dans sa lecture, indifférent au lieu gris et inconfortable, insensible aux passants, le plus souvent chargés qui parfois le frôlaient.
   
J'ai voulu aller lui parler, du choix de ce livre en particulier et du bonheur qu'il apportait.
    
Puis j'ai eu peur. Peur avant tout de déranger. Depuis que je suis de trop dans ma famille élective, cette crainte domine douloureusement ma vie. Si je dérange jusqu'aux miens, alors qu'on fut si bien, qu'en sera-t-il de tout autres ?
 
A mes yeux, interrompre quelqu'un dans son plaisir de lire est une sorte de crime. Il aurait fallu qu'il lève les yeux, consulte sa montre, guette une arrivée possible. Or il n'en était rien, il était captivé.
 
Peur aussi de ma fragilité. Je suis si fort en manque de parler du fond des livres à ma bonne hauteur, celle de qui en est née loin mais a nagé jusqu'à eux. Si d'aventure j'étais tombé sur un interlocuteur de ça capable, j'aurais sans doute pleuré. A quoi bon dans ce cas importuner quelqu'un qui sans vous semble heureux ?
 
Alors je me suis contentée de capturer l'instant, conserver la trace objective et consolante qu'au début du XXIème siècle il existait en France, à Paris, des personnes capables de s'abîmer dans un objet fait encore de papier et d'assemblage de signes, comme ça, en plein milieu et d'un jour et du chemin.
    
[photo volontairement floue, gare Montparnasse, vendredi 27 octobre 2006 dans l'après-midi]

 

petit bonus, comme parfois chez monsieur Ka, mais ici pour ceux qui ont eu la curiosité, le temps ou la patience de cliquer sur "lire la suite" :

" Nul ne distance la peine"  (proverbe Rwandais)

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