Les gens de Paris manquent de courtoisie
Le dernier M*c D*

Balade automnale autant qu'imprévue

   
ce mercredi après-midi, dans le neuf-deux chic et big-brother-is-watchingué.
   
Pa250007
Je sors songeuse d'un rendez-vous médical dont l'absence totale de mauvaise nouvelle annoncée me prend au dépourvu. Depuis plus de deux ans, je m'étais amarinée au perpétuel pire. On s'habitue à tout au delà de tous soupçons.
Il me faudra donc chercher ailleurs la cause de mes douleurs. Je sais bien un peu où, mais pas y remédier.
   
J'avais prévu un temps d'attente éventuellement un peu long, j'ai eu cette chance qu'il ne le soit pas du tout. Sauf à filer dare dare chez moi travailler, ce dont le soulagement, bizarrement, me rend incapable, me voilà donc pourvue du bien le plus précieux : un morceau de temps libre, extérieur et imprévu. J'arme mon appareil photo et laisse faire mes pas.
   
Malheureuse confiance ; ceux-ci me guident en effet vers des lieux où deux ans plus tôt, j'étais passée chercher Farid (1) un jour occasionnel qu'il travaillait là et, me sachant presque voisine, me l'avait fait savoir.
 
Je me souviens de son accueil chaleureux, comme il était content que j'ai fait le détour, de ses clients nombreux, du temps ensuite compté. Nous n'avions pas pu aller prendre un pot ensemble, comme nous l'avions espéré, alors je m'étais contentée de l'accompagner au métro puis dedans jusqu'à ma propre correspondance.
 
Je manque de grand-frère, mes imprévoyants parents ayant omis de m'en procurer un, aussi avais-je naturellement parlé à celui de mon meilleur ami de mes tracas d'alors, rétrospectivement si légers, dont la décision après un deuil qui m'avait éreintée, de passer à temps partiel à l'usine malgré les doutes qui m'assaillaient.
Il m'avait réconfortée et encouragée en ce sens.
 
Mes pas d'aujourd'hui redonnent vie à cette conversation décisive que jamais ma mémoire n'avait effacée mais que rien depuis ne m'avait fait rappeler au grand jour. Je ressens encore physiquement sa bourrade amicale au moment de se quitter et qui disait allez, tiens bon,  Wytejczk m'a parlé de toi et je sais que tu y arriveras.
 
C'est un gamin du coin qui me sauve de ces souvenirs si bons devenus si douloureux car comment est-il possible qu'après s'être voulu tant de bien mutuel on se soit disparus (2), il se précipite vers moi, un peu embarrassé mais pas trop, Madame s'il vous plaît, madame, vacances de la Toussaint vous l'écrivez comment ?
      
- Tu veux dire Toussaint ?
Il acquiesce sous les yeux attentif d'un copain en rollers. J'épelle
- T. O. U. deux S. A. I. N. T.
tout en pressentant un enjeu possible ; ce que confirme la soudaine fierté de l'ami à roulettes :
- Tu vois, j'te l'avais bien dit. Ça vient des saints.
et l'autre qu'au nom de la vérité orthographique j'ai profondément déçu, qui se justifie en désespoir de cause :
- Ben oui mais je pensais que comme c'était pour des vacances ...
   
Un marchand de crêpes chaudes fraîches qui était à deux pas et que la scène amuse, ajoute son grain de sucre sel
- Pourquoi, tu te croyais déjà à celles de Noël ?
alors les deux garçons, complices sur ce coup-là et peut-être consommateurs habituels, d'esquisser en sa direction une mimique du type, Oh vous, hein, ça suffit.
   
Par gratitude, j'achète une crêpe, puis salue le trio.
   
Une jeune fille sourde et muette me tend alors une pétition, mais ne sachant pas simultanément, lire, manger, signer et tenir un appareil photo, je décline lamentablement son offre.
   
Deux femmes qu'en marchant je dépasse, discutent de coïncidences. L'une d'elle semble exaltée par celle qui sans doute les a fait se retrouver, l'autre bien plus mesurée mais qui reste polie.
 
Deux jeunes filles croisent trois garçons rigolards mais qui s'abstiennent de plus. L'une d'elle porte l'une de ses besaces "US" verdâtres qui équipaient jadis mes collégiens contemporains et semblent depuis un ou deux ans revenues en tendances.
 
Je pense une fois de plus au temps et aux époques. M'efforce à contre-coeur d'oublier Farid de mes pensées, à cet effet me concentre sur quelques photos que je m'attarde à prendre encore sur zone, puis rentre à pied chez moi, remplir minutieusement les feuilles de soins qu'on m'a confiées sans manquer aussitôt d'aller les poster, preuve que sans doute j'ai sérieusement changé.
   
(1) frère de Wytejczk ; voir entre autre cet ancien billet
   
(2) cf ce billet de Joëlle que j'ai lu aujourd'hui
 
[bande son : inévitablement et de façon très banale  la "promenade sentimentale" de la B.O. du film Diva (Vladimir Cosma), que pour l'instant ce soir encore l'on peut écouter chez Shaggoo que je remercie]
    
[photo : Levallois Perret aux abords de la médiathèque Albert Camus, mercredi 25 octobre, milieu d'après-midi]

Commentaires