Au train troublant où vont les choses
06 octobre 2006
vendredi 6 octobre 2006, peut-être bien le matin
J'allais aux jardins Atlantique, une sorte de rêve qui me hantait, à cause de l'escalier peut-être ou l'esprit des lieux, qui sait.
La lumière était fort grise et le temps venteux.
Si la vie m'a appris à ne surtout pas laisser passer l'instant où la clarté est bonne elle m'a également d'expérience enseigné à ne jamais dédaigner ces jours moins favorables.
J'y étais donc quand même, à pied d'oeuvre et des marches à gravir vers la verdure, surprenante entrée à gauche du départ des trains.
Au bout d’une première volée celles-ci forment un pallier. Je m’y attardais un instant, comme font ceux qui ont du temps, au moins un peu, pour le plaisir d'admirer ceux qui n'en ont pas et qu'ils sont aussi parfois.
Le train 6539 pour Redon s'apprêtait à partir, j'avais vu la destination au passage, inscrite sur le panneau et mémorisé sans le vouloir son numéro. Quand le présent est un peu triste, la mémoire se comble comme elle peut.
Déjà le chef de gare, ou bien de train à moins que de quai, d'en tout cas quelque chose qui lui donne toute autorité pour jouer du sifflet indiquant le départ et dont la présence marque l'imminence, se rapprochait de son point d'action tel un starter en stade.
C'est alors que je l'ai vu ; sa silhouette mince et précise et qui se hâtait.
Wytejczk.
Il avait son caban bleu, si classique mais inimitable, l'air concentré sans être inquiet, rapide. Efficace.
De fort peu, en grand artiste du presque retard assumé, il n'allait pas manquer son train. Où allait-il ainsi ? Pourquoi ?
Contrairement aux habitudes que je lui connaissais il ne portait ni sa besace gris-vert, ni non plus son sac de sport que généralement il tenait par dessus l'épaule comme si son poids ne l'indisposait pas.
Il traînait derrière lui, mais qui suivait comme en glissant, au lieu des progressions saccadées qu'à la plupart des gens elles imposent, une de ses brèves valises bleu-marines à roulettes, un bagage presque féminin.
Sa présence, sa hâte et son équipage étaient pour moi mystères. Je fus saisie de chagrin, ne plus rien savoir à ce point de qui avait été mon tout meilleur ami, me rendait palpable la distance insupportable que ces mois de silence avaient mis entre nous. C'était question d'absence, pas de curiosité.
Impossible de le héler, le train déjà l'avait happé. Je caressais un instant la pensée de l'appeler sur son téléfonino, avant d'y renoncer. Que dire à qui ne souhaite plus nous entendre ? Pourquoi déranger qui nous a effacé et qui visiblement part en mission, pas en vacances ?
Au moins il allait bien, tout dans son allure dénotait la bonne santé physique, il n'était pas désoeuvré, il poursuivait un but. Je me pris à croire que celui-ci atteint, en paix il reviendrait et que ma place retrouvée dans sa vie rendrait sens à la mienne qui pour l'instant flottait dans un monde de questions et de solitude intime.
Mon appareil photo s'impatientait, je ravalai donc mes larmes et gravis l'escalier. Du travail m'attendait à défaut de tendresse.
[photo : in situ mais sans lui (et pour cause)]
Spéciale dédicace pour Xiao-bob qui réclamait de ses nouvelles. Voilà le peu que j'ai obtenu :-) !