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Ça n'a aucun sens

ici et maintenant ou ailleurs et dans bientôt

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Je passe prendre mon courrier personnel chez le marchand de journaux.   
C'est très chic, d'un snobisme avéré et ça évite de voir les factures : il ne s'en charge pas.

      

Parmi ce qui m'est destiné, un mot, pénible à déchiffrer, il n' a ni enveloppe, ni signature, juste cette phrase mais manuscrite,
"on ne revient pas des passions dans lesquelles on se laisse entraîner".

La feuille est froissée. Personne ne peut m'expliquer et aujourd'hui je suis loin d'Eugène, mon précieux conseiller.

Stéphanot m'accompagne, mais rien ne l'étonne jamais, et comment aurait-il fait pour reconnaître l'écriture de Wytejczk qu'il a si rarement entrevue ?

La présence de mon fils m'empêche de pleurer.

      

Il y a du soulagement, mon ami est donc vivant, une tristesse infinie, je suis bien partie pour comprendre tellement bien que la mort m'a serré la main mais sans retenue (ultérieure) me réservant résolument pour plus tard, et de la perplexité, que suis-je censée piger.

Je glisse le mot dans ma poche et prends une fleur en photo, la couverture d'un livre qui protège mon chevet. Ca, c'est une fois rentrés.

Auparavant j'aurai pris Stéphanot, et le clocher d'une église au fond, question d'accumulation de signes du présent.  Serions-nous en vacances ?

Le travail est tout ce qui me reste.

J'ai perdu la peur de vivre sans amour, puisqu'en fait c'est fait ; pour la part personnelle, hors des liens de naissances. 

Je survis comme ça peut, en bon robot bosseur et bête.

   

Ce qu'il en sort parfois m'effraie. La solitude ne s'efface pas et tout s'obscurcit.
Afin de ne pas sombrer, je m'efforce de percevoir ce mot comme signe d'un retour possible de  Wytejczk aux détours de ma vie, d'un sens que grâce à lui  elle reprendrait enfin. En six mois j'ai plus qu'expié les fautes que je n'ai pas commises et la couleur des mots redeviendrait la bonne.
      

Stéphanot a besoin de pantalons neufs. Nous entrons d'un pas assuré dans une bonne boutique. Il est heureux d'avoir grandi.

[photo : bricolage bizarroïde fabriqué dans l'élan à partir de mes clichés normands]

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Quand la V.F. est la V.O.

aujourd'hui, à l'instant, ici.

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Dotée d'un naturel rieur, que ma vie ne cesse de combattre mais qui persiste à subsister, je me fais des blagues plus souvent qu'à mon tour.
   
Ca tombe bien j'en suis très bon public.
   
Je m'en suis fait une bien bonne ce matin, dont Eugène est témoin.
   
Un plaisir que l'âge ne faiblit pas, car il reste toujours tant et tant à lire et à explorer de lire, c'est la découverte d'un(e) auteur(e) qui nous correspond. Pas juste de se dire, ce bouquin qu'il est bien !, mais plus loin et plus fort, la perception d'autres liens.
   
Quelqu'un dont on se dit que si on le croisait il serait notre ami.
(Je vous aurais prévenu, dans l'autre sens ça marche moins bien, en plus qu'après les livres on s'y retrouve (à tous les sens du terme) et que ça devient parfois compliqué, tous ces liens emmêlés (1) ).
   
Grâce à une fugue qu'elle a faite à L'Estuaire en compagnie photographique de Brigitte Bauer, puis à une série récente de conférences à la BNF   j'ai donc récemment découvert le travail de Cécile Wajsbrot.
    
Je suis assez méthodique comme fille dés lors que ça m'intéresse, j'ai donc entrepris de rechercher ceux de ses livres que je ne connaissais pas.
Au détour d'une recherche d'occasions sur l'internet, j'aperçois d'elle deux titres en allemand, "Im Shatten der Tage" et "Mann und Frau den Mond betrachtend".
La bécassine béate se dit, chic alors, je ne les ai pas lus.
    
Lors des conférences, probablement après un léger retard dû à un problème d'avion, Cécile Wajsbrot avait précisé qu'elle vivait aussi à Berlin. Qu'elle écrive également en allemand faisait tout à fait sens.
Ces titres ne me disaient rien.
Je les commande dans l'allégresse.
   
Ils sont arrivés ce matin, expédiés de Suisse (jamais je ne me lasserais des paquets, courriers, appels, visiteurs de l'internet qui viennent d'un peu loin, je suis restée l'enfant coincée dans sa chambre au milieu d'un gris nulle part et qui rêvait de lointains en dévorant Tintin, et qui comme Tchang jusqu'à tout récemment croyait que l'amitié pouvait encore sauver).
 
Déception rigolarde : la qualité des livres n'y est en fait pour rien, c'est juste qu'il est précisé parmi les pages de (mé)garde
"Die französische Originalausgabe erschien 200x unter dem Titel ..."
autrement dit, les livres que j'ai acquis avec une petite joie anticipatrice (speziale Bücherfreude) ne sont que les traductions en Allemand de deux de ses titres français.
      
Riez, ça me consolera.
    
PS : A ma décharge, les titres en V.O., qui est donc la V.F sont les suivants :
"Caspar-Friedrich Strasse" et "Nation par Barbès".
Dans l'ordre ou dans le désordre, vous seriez-vous douté ?
    
      
(1) n'en voyez aucun avec des romans policiers formidables et fétichistes (?) se passant au Japon en relisant je prends conscience d'une ambiguïté, mais je pensais sincèrement à tout autre chose.

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Quand (même) les stylos fuient

    

Depuis 5 ou 6 mois, ici.

P8040102 Mes stylos plumes fuient.

 

Je ne veux pas dire qu'ils gouttent, non, carrément qu'ils se carapatent, je ne sais trop comment. Que comme mes amours et ma plus proche amie ils tendent à disparaître et qu'alors je dois m'arranger sans eux, en retrouver de nouveaux.

Ce n'est jamais gagné.

Trois fois de suite que j'en dégote un bien, et que peu après il disparaît alors qu'il était tout à fait à ma main, un Parker gris, un waterman vert au look plutôt ancien mais que j'avais fort bien en main, et à présent ce joli rouge avec des moutons dessus, quelqu'un va sans doute m'expliquer qu'il s'agit d'une marque très connue.

   

Je l'ai juste choisi parce qu'il glissait bien et faisait la bonne taille pour mes petites mains d'ardente travailleuse.

   

Petit stylo rouge assorti à ma souris que l'usage intensif a désormais blanchi, je t'en prie, ne me quitte pas comme les autres l'ont fait. Je n'en peux plus qu'on me laisse. Je n'en peux plus qu'on me laisse sans plus pouvoir décemment travailler.

    

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Laureéléou Laureélélaéellealor

dimanche 6 août 2006, en soirée

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Les nuits sont courtes, les réveils poignants et les journées pénibles. Dans ces conditions la sieste s'avère souvent plus qu'une nécessité, une question de survie.
    
J'ai été tirée de celle d'aujourd'hui par une exclamation de Stéphanot, digne
   
- Laureéléla.
   
Il regardait la télé, du sport, de la natation et s'adressait ainsi à son père, qui, néophyte, ne savait pas vous distinguer des autres. Concernant les femmes, de sa part ça m'étonnait, mais l'eau où elles évoluaient participait sans doute de sa confusion.
    
Pour ma part, et vous avoir vu une fois nager sans le filtre déformant de la télé, je ne vous confondrai avec aucune autre, cette qualité de glisse extraordinaire que vous avez et qui vous appartient quels que soient les soucis et les soupçons désormais irrémédiablement liés à toutes pratiques sportives de haut niveau.
    
Car la glisse, elle, ne s'invente pas. De nos jours certains équipements, certaines combinaisons bien sûr peuvent y aider ; mais quand bien même vous m'en prêteriez, moi qui ne suis qu'une nageuse des dimanche et des mardi matins, je ne saurais aller tant plus vite, ni obtenir une nage si profilée que la vôtre ; aucune autre même des plus aguerries n'en semble encore capable.
    
Je sais les longueurs de bassin qu'il vous a fallu encaisser pour en arriver là, les distances pharamineuses, on parle de 17 kilomètres, qu'il vous faut aligner jours après jours pour, en étant douée et passionnée, atteindre cette perfection là.
      
La force et la constance nécessaire. Le courage de continuer même quand le corps fait mal. La traversée des méformes. Les vents contraires, ceux qui ont tourné le dos à la petite Laurette quand elle apprentissait et qui à présent se vantent probablement de vous avoir dénichée et que sans eux ...
Je n'en connais pas personnellement et n'accuse ici personne, je les sais juste inévitables.
   
   
Je n'ai fait que vous croiser, un après-midi de décembre où vous avez contribué à faire battre l'équipe que je supportais, je vous ai admirée, votre nage fait rêver qui à ce point devient un art, celui de danser en effleurant l'eau. Elle dit beaucoup de vous, aussi bien que des mots.
      
J'ai été aujourd'hui heureuse d'être extirpée du sommeil par l'un de vos exploits. A vous y regarder, 4 minutes durant, j'en ai oublié mes peines. Pour un peu et prolonger mon pauvre soulagement, j'aimerais que vous alliez moins vite. Mais vous y perdriez.
    
Merci, Laure Manaudou. Merci aussi pour Stéphanot que vous faites tous imaginer et progresser. Nos vies sont moins grises à vous regarder et comprennent la beauté. Le chronomètre et les médailles et de loin ne sont pas tout.
      
[photo : Laure Manaudou pendant le relais d'une de ses coéquipières du club de Melun pendant les interclubs à Mennecy le 18 décembre 2005]

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Il y a quand même des gens distraits

(et d'autres qui ont le sens de l'humour)

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samedi 5 août 2006, fin d'après-midi
    
dans un club de gym qui pourrait être celui d'Ingrid Diesel
   
( à Alexeïa Grigorievitcha  en remerciement à ses voeux dans Livres Hebdo)
   
En souple compagnie de mes camarades du cours du danse, je remontais tranquillement les escaliers qui mènent aux vestiaires quand parvenue à leur sommet j'ai été terrassée ...
   
par un éclat de rire.
   
Sur la porte de ceux-ci était placardé un avis d'un humour affligé, concernant les distraits qui auraient par mégarde embarqué des haltères.
      
C'est un phénomène bien connu, à défaut d'un cours de body-fight qui n'a pas eu lieu car vous n'étiez que deux en plus de la prof et qu'à moins de trois élèves les cours n'ont pas lieu, vous êtes allée faire un brin de cycling, puis lever un peu de fonte, faire quelques mouvements d'abdo-fessiers avec des petites haltères, vous vous êtes alors aperçus qu'il était grand temps de rentrer, on vous attendait chez vous pour une interview, vous avez grimpé les marches 4 à 4 malgré le Copain qui vous collait aux basques en ne comprenant pas que vous qui avez toujours un bouquin en plus que de la réglementaire serviette et l'inévitable bouteille d'eau vous n'ayez pas lu le Da Vinci Code ni sa suite au nom d'échec, filé au vestiaire, pensé que puisque vous habitez à deux pas, vous prendriez la douche plus tard,  Est-ce que ça se voit que je suis pas lavée ?, renoncé à fortiori au pourtant si agréable hammam, fourré en vrac toutes vos affaires dans le sac de sport y compris ce que vous aviez en main, en remontant vos 4 étages à pieds, non pas par élan sportif mais parce que vous ne retrouviez plus les clefs de l'ascenseur, vous avez trouvé votre sac un peu lourd ma foi, j'ai dû exagérer sur les cuisses, je vais encore me gaver des courbatures à en mourir, il faudra qu'Ingrid  me fasse un thaïlandais
   
    
Ce n'est qu'en fin de journée, entretien terminé, ça tombait bien, la journaliste était en retard et vous aviez eu le temps de vous doucher avant son arrivée, et quelques coups de fil indispensables dûment passés, ainsi qu'un complément de travail urgent faxé, que vous avez défait votre besace sportive et constaté l'étrange présence d'haltères de 6 et 9 kilos.
      
L'exercice de certains métiers au plus haut niveau nous rend tête en l'air, je vous assure, vraiment. Il y en a même que ça surprend (1).
      
(bon allez, petite mère, rends-les, je sais que tu ne l'as pas fait exprès, si tu veux je dirais que c'est moi)
    
[photo (réalisée sans trucages) : le vrai avis]
    
(1) je n'ai pas su éviter le clin d'oeil à un livre récemment aimé .
Sachez que si une consommation vespérale encore plus récente de Picon Bière n'est pas étrangère à cette bouffée d'immodestie, il n'est pas sans respect ni admiration.
   

Petit psaume pour la route

   
Gare de Clichy-Levallois, mercredi matin
   
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Les trains se traînent en août. On est censés ne plus être nombreux à souhaiter y monter. Je parle de banlieue, pas de ceux des vacances.
C'est un peu vrai mais pas tant qu'on croirait. Résultat : le banlieusard poireaute qui est encore présent.
      
Aucun train à l'horizon, je vais donc pour pour m'asseoir. Un de ses bancs récent qui regroupent trois sièges séparés par des accoudoirs bas, uniquement destinés à ce qu'on ne s'y allonge pas.
         
A l'instant de me poser j'aperçois sur le siège un papier. Il est de la couleur des post-it dont je parsème ma lecture et déjà relecture du moment, ce livre me touche au coeur, si je me laissais aller j'en noterais et annoterais plus de la moitié.
    
Dans un premier temps je crois donc à tort que le papier est tombé du bouquin que je tiens. Je l'attrape sans y penser. Comprends tout de suite que non. Il est de léger carton, peint d'un côté et soigneusement plié.
Le dessin est de boules de sapins agrémenté d'étoiles, complété d'un "Joyeux Noël" très exotique en cette saison.
      
A l'intérieur, aucun prénom, pas l'ombre d'une personnalisation qui m'aurait permis de rendre l'objet à qui l'a égaré, mais d'une écriture sinon appliquée du moins lisible, un psaume.
   
Le 18 : 31, pour les connaisseurs.
   
Une belle histoire de perfection et de bouclier, qui me semble ressembler autant à la réalité du monde que ces temps-ci l'univers rosé des poupées Barbies au paysage Sud-Libanais.
   
Je pense néanmoins que quelqu'un y croyait, que quelqu'un y tenait, que quelqu'un a pris la peine de peindre avec soin ces voeux pour quelqu'un d'autre, que là où il était c'est qu'il était tombé d'un livre où il servait de marque-pages (puisque j'ai d'abord cru qu'il venait du mien), qu'il est abandonné involontaire, qu'il ne faut pas le laisser là sinon il finira à terre, piétiné et jeté. Je l'ai donc adopté, malgré mon scepticisme et soigneusement glissé dans ce libre livre si fort et qui exprime tant des sentiments humains qu'aucun vieux pape ne comprendrait.
      
Si vous reconnaissez sur l'image votre marque-page dernièrement égaré, laissez-moi un mot, je vous le renverrai sans tarder. Auprès de moi, il n'est pas en de bonnes mains, et risque d'être contaminé par capillarité. En attendant, il n'est pas perdu.
      
C'est déjà ça.
[photo : l'un et l'autre, pour de vrai]

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L'agenda chu

      
en plein Paris, hier.
    
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Comme j'y passais au midi pour des raisons techniques, me revint en mémoire la petite histoire d'un objet pas perdu, dans la rue de Wytecjzk du temps où de ma vie il faisait partie.

Nous nous voyions plutôt à l'extérieur, en rencontres fortuites que nous avions souhaitées ou bien dans les cafés pour de bons moments de paix partagée. Cependant certaines fois, il m'invitait. Il faut dire qu'il  est était (? :-(  )
excellent cuisinier.
    
C'était le cas ce jour-là.
   

Je crois que le code de sa porte venait de changer.
A quelque pas d'y arriver, j'avais sorti mon agenda où je l'avais noté
comme suite à son coup de fil qui m'indiquait le nouveau. Avec cette manie que j'avais, du temps où ça allait, de mémoriser les chiffres que je
croisais, à peine un coup d'oeil et c'était fait.
      
J'avais donc remis l'agenda dans ma sacoche, et fait les quelques pas qui
me séparaient de chez mon ami.

C'est alors qu'un homme m'avait hélée. Il parlait pas ou peu français, mais
à défaut de vocabulaire avait un bon sourire, tenait à la main, mon agenda
et me le tendait.
 

Je n'avais même pas entendu tomber l'objet, pourtant avec certain carnet et mes appareils photos, le plus précieux en pratique de toutes mes
possessions (1) .  L'homme s'était éclipsé avant même que j'ai le temps de
vraiment le remercier.

Dés lors, chaque fois que mes pas m'amènent au voisinage, ce qui reste
fréquent (pratique sportive en salle ou encore connexion post-prandiale)
indépendamment de tout lien affectif, je m'y sens en sécurité.

Comme le lieu d'un accident ou d'une agression subie peut nous rester
longtemps de sombre appréhension, celui d'un bon secours garde une aura
durable.

      

[inspiré d'un moment réel et d'une série d'articles signée Ondine Millot dans les cahiers d'Eté de Libé "Histoires d'objets perdus" dont celle il y a quelques jours du cahier d'un grand-père disparu ; je n'ai hélas pas su les retrouver sur
le site du journal , alors si ça vous tente, à vous de jouer ]

(1) Depuis que je sais que d'aucunes couchent avec leur ordinateur, je n'ai plus aucun scrupule ni la moindre pudeur à dévoiler ma matostechnicophilie.
[photo : les lieux de l'absence de crime, pris en cliché hier midi]

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Rentrée tard

(mais pas partie très vite)

Clichy la Garenne, lundi 31 juillet 2006, à la nuit

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Je rentre, mais un peu tard. C'est une douce nuit d'été qui porte à la flânerie. Je ne veux pas penser que demain c'est l'usine et sans doute le même  modèle de journée qu'aujourd'hui, la bonne soirée en moins.

Une voiture de police me dépasse, puis ralentit avant de reprendre son allure initiale.
Je n'étais pas encore au tournant où ça deale. Je me demande vaguement si c'est mon teint pâle ou bien mes vêtements, ceux d'employée modèle, qui les ont fait se désintéresser.


Je sais qu'il est des ailleurs où qui les croise doit toujours payer. Et qu'ici même en France certains d'entre nous se sentent délinquants pour une simple histoire de documents.

J'ai très grande conscience de ces privilèges qui devraient être pour tous et partout.

Un homme un peu plus loin fouille des sacs en plastique où quelqu'un a entassé pour s'en défaire des jouets d'enfants. Ce qu'il en reste.

Il semble espérer y trouver quelque chose à ramener pour les siens. Ca m'effleure de lui parler, de lui demander ,  Et vous combien vous en avez ?

Ce serait sans doute indiscret, mais plutôt histoire d'engager la conversation et de ne pas le laisser seul si la patrouille repasse. Dans son attitude toute de silence et d'effacement, je pressens une vie de transparence volontaire.

Je n'en ai pas eu le courage. Peut-être qu'on m'attendait chez moi. Peut-être que si je tardais le prochain vacillement aurait lieu là, dans la rue.

J'ai été presque épargnée tout au long de cette journée.   Il est illusoire de songer y échapper plus longtemps.

Je prends quand même le temps de la photo, d'écouter un groupe de jeunes hommes plutôt joyeux en tout cas énergiques que je viens de croiser. En langage d'ici ils parlent de leurs affaires avec un sérieux exemplaire. Ma présence ne les dérange pas, et j'aime ça.

Je quitte les lieux avant les pensées sombres. Une phrase lue quelque part me tourne dans la tête, "J'ai fait les choses dans l'ordre".

Pour l'instant elle me va. La ville est calme. La nuit bienveillante.

Je suis seule, encore en vie.

Tout pourrait être pire.


[photo : rue Henri Barbusse, Clichy, soir de juillet]

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