- Vous ne pouvez pas rester
22 juillet 2006
où vous êtes, vous gênez.
dit la dame toute pimpante à deux clochards installés dans "son" allée d'accès, ou plutôt celle de son immeuble, mais je connais des gens la faculté grandissante de tout s'approprier.
Je passais sous le viaduc, assiste à la scène et ne sais que faire. Wytejczk aurait su, lui. A chaque moment de doute je ressens son absence encore plus cruellement.
Bien sûr ces hommes sont puants. Au sens littéral, à savoir qu'ils puent. J'ai beau être à quelques mètres, déjà, je le sens.
La promenade du dessus est certes plantée mais seules les arbres y sont arrosés. Les humains sans abri restent peu ou mal lavés, et n'ont pas recourt aux bonnes choses pour se déshydrater.
Ceux-là pour l'instant semblent sobres, et tout à fait avenants.
Quant à la dame, qui part faire ses courses en équipage cycliste d'un joli vélo à panier, je ne lui donne pas longtemps pour à son tour un peu puer, pas beaucoup mais de ce régulateur thermique qu'est la transpiration et qu'effectivement nos fabricants avant tout pragmatiques n'ont pas pensé à additiver d'une odeur favorable.
La chaleur est démocratique, elle fait que tout le monde pue. C'est peut-être pour cela que les gens ne l'aiment pas et qu'au lieu de recueillir avec respect l'énergie offerte qui est donnée sans que le corps n'ait plus besoin lui-même de la fabriquer, lui font la chasse et la climatisent au lieu de s'y acclimater.
Bien sûr, pour l'odeur, on peut tricher. Cette dame en a tout à fait les moyens.
Les deux messieurs, non.
Ce qui les rend gênants.
Car pour l'heure je ne vois aucune autre raison, ils sont assis paisiblement sur un sac de couchage étendu par terre le long d'un mur, ne sollicitent personne pour une pièce ou une clope, n'ont chacun qu'un seul sac, et ne sont pas de ceux que la vie a tant détruit qu'on leur souhaiterait la mort pour tout soulagement. Ils sont juste comme deux bougres, ni pire ni mieux que d'autres à qui les choses n'ont pas souri, qui ont connu des jours meilleurs mais en ont oublié le chemin. Pas le langage. Ils parlent bien. Du moins celui qui sans s'énerver, comme s'il était tout habitué à se faire ainsi jeter répond à la dame quelque chose comme,
On est là ce matin, mais on ne va pas rester, vous savez.
La dame lui répond. S'entame une conversation.
Je vois que les mots se disent de façon fluide, qu'ils s'échangent, que ça semble pas trop mal se passer alors je passe aussi.
Une fois de plus j'ai hésité, à m'en mêler ou pas. Je ne sais jamais. Je ne sais pas ce qui est bon ou ne l'est pas. Si ça peut vraiment aider ou au bout du compte, nuire. J'ai toujours peur d'être de trop. Je le suis souvent, et mal à ma place. D'un peu nulle part, d'un peu partout, plus de ma banlieue mais pas parisienne, loin d'être jeune mais pas encore âgée, un peu Française et un peu pas.
L'allée était large, qui voulait pouvait passer, même en poussette ou accompagné. Leur présence, leur pauvreté, la simple vue de leur misère oppressait, mais ils n'avaient rien fait et ne faisaient rien de mal. En bonne cousine remuée (1), j'aurais sans doute dû les aider.
Je ne sais souvent plus quoi penser.
mercredi 12 juillet 2006, non loin de la maison qui n'existe pas
(1) expression sauvagement piquée et détournée de chez Fred avec private joke et bizarre escient ; mais et puis zut après tout pourquoi pas et je ne pense pas qu'elle m'en voudra. Ca m'est (re)venu comme ça.
[photo : même jour même endroit à peine un peu plus loin]
Ce billet vient de loin, une vraie scène vue lors d'une chasse photo sur et aux abords de la promenade plantée
un texte croisé chez Emmanuelle Pagano
plus précisément par là :
pour le texte "l'homme dans ses ombres endormi sur un siège de ma voiture bleue"
plusieurs articles de Libé dont un de ce matin :
«L'idée, c'est de virer les SDF d'ici à la semaine prochaine»
Les campements sauvages provoquent l'ire des Parisiens. La mairie a missionné deux associations pour les inciter à quitter leurs tentes.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/194167.FR.php
Les campements sauvages provoquent l'ire des Parisiens. La mairie a missionné deux associations pour les inciter à quitter leurs tentes.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/194167.FR.php
A Paris, les SDF priés de sortir de la photo
La ville de Paris s'appuie sur des associations pour libérer les berges et les rues des tentes offertes par Médecins du monde.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/194854.FR.php
La ville de Paris s'appuie sur des associations pour libérer les berges et les rues des tentes offertes par Médecins du monde.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/194854.FR.php