Les émeutières - saison 1 épisode 4 - Retenez qui vous voudrez
Les émeutières - saison 1 épisode 6 - Sa liberté est la mienne (1)

Les émeutières - saison 1 épisode 5 - Libérez qui vous voudrez

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, en fait à présent mercredi 29, au début à Répu puis dans un commissariat parisien.
               
résumé des l'épisodes précédents : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée car tel était notre trajet et nous retrouvons prisonnières dans la nasse d'un encerclement policier, puis embarquées avec quelques compagnons d'infortune dans un car policier. On nous emmène ensuite dans un commissariat parisien plutôt éloigné. L'attente se prolonge.
le 2 ici :
       
Voici le 5 : 
 
crédit photo : Jérôme Demuth  
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Nous nous taisions. Pas un silence sombre ou hostile, non. Plutôt vague et somnolent.
    
Nous étions côte à côte assises sur une travée. Ton estomac gargouillait famine. Le mien se comportait plus discrètement, mais n'en éprouvait pas moins, ou à peine.
On nous convoquait les unes après les autres pour ce qui semblait de loin être un bref interrogatoire avec échange de papiers. A l'issu de celui-ci, tous quittaient la partie visible de la pièce commune. Certaines furent menottées.
Quel était le ou les critères ?
         
 
Mon tour. Je décline mon identité d'une voix que je voudrais neutre. Pas eu besoin d'aller plus loin, l'homme en uniforme que j'avais en face et qui n'avait pas franchement levé les yeux entre la personne qui m'avait précédée et moi, l'a fait soudain, m'a scrutée un instant et ébahi, m'a fait :
         
- Mais je vous ai vue à la télé !
Je concédais :
- C'est possible.
Puis jugeai prudent d'ajouter, en m'efforçant de le faire du ton poli de la conversation de civilité, comme avec ma boulangère quand quelques jours plus tôt elle m'avait posé la même exclamation.
- C'était sans doute au débat sur la grippe aviaire ?
- Oui, oui, c'est ça, la semaine passée, a-t-il enchaîné, tout content, comme l'élève appliqué qui fournit la bonne réponse au maître. Ne quittez pas, euh ..., je veux dire, veuillez m'excuser, un instant, je reviens.
                
Et il fila vers un autre bureau ; revint rapidement, accompagné d'un plus vieux et plus ventripotent, qu'intérieurement je nommais commissaire sans savoir si ce faisant je lui accordais une promotion ou un mépris.
      
Le "commissaire" s'est présenté, mais, inattention d'épuisement ou de nervosité, je zappais son titre que pourtant je guettais. En milieu hiérarchique, les grades sont la dernière chose à négliger.
Il déclina son identité, je n'en ai non plus rien retenu, très sensible en revanche au fait qu'il me parlait avec déférence et comme en s'excusant.
            
En un clin d'oeil, on me rendit mes quelques affaires plus ou moins confisquées à l'arrivée, dont une lourde sacoche en cuir contenant des documentations techniques nécessaires à une réunion que j'avais le lendemain en première heure, en fait le jour même étant donné qu'à force d'attentes, minuit était passé.
Le type qui s'était trouvé chargé de m'interroger mais m'avait reconnue avant d'aller plus loin que nom et prénoms, m'a tendu d'un geste à la fois emprunté et cérémonieux, une fiche en bristol. Je crus à un formulaire officiel, j'ai sorti de mon sac retrouvé un stylo, tout en comprenant peu à peu et difficilement à ses explications confuses et soudain intimidées qu'il me demandait une dédicace, ou plutôt un autographe puisqu'il n'y avait rien à dédicacer.
         
Eberluée, je me suis attendue alors à un inévitable "Quand je dirais ça à ma femme ! " mais qui ne vint pas ; il devait à la télé davantage regarder les débats que les séries policières qui lui rappelaient le boulot.
Dans un sens tant mieux, j'eusse éclaté de rire et cette hilarité intempestive m'aurait probablement attiré les ennuis que mon semblant de notoriété était en train de miraculeusement m'épargner.
      
J'ai été raccompagnée jusqu'à la sortie avec la plus grande courtoisie et me suis retrouvée à battre le pavé sous la pluie persistante qui à présent et à nouveau tombait.
         
Dans les films, la personne recouvre ses esprits au moment précis où la lourde porte derrière elle se referme.
Je peux confirmer qu'il en est ainsi. J'étais libre.
 
      
à suivre ...
   
 
RAPPEL :         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril 2006 dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. Pendant la période de manifestations contre le CPE, l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix, ici la dernière sur son fotolog de la série
 
    

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