Les émeutières - saison 1 épisode 2 - : Voyez comme on (en)tasse
10 avril 2006
on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, à Répu au début
résumé de l'épisode précédent : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée.
L'episode 1 est là : Les émeutières - saison 1 épisode 1 - : - Entrez dans la nasse
Voici le 2 :
crédit photo : Jérôme Demuth
Non seulement j'avais l'air sérieux, mais j'ai cette chance d'avoir les yeux verts, une lointaine ascendance normande, contrairement à toi, Laura qui est si brune. Ce n'est pas un défaut. Ca ne devrait pas l'être. Pour personne et jamais.
J'ai cependant cet avantage injustifié mais vérifiable en toutes circonstances de n'avoir aucun air du sud, quand bien même par mon travail je suis souvent trop fatiguée pour être séduisante.
Et en l'occurrence j'étais décalquée : je travaille pour un laboratoire pharmaceutique, ses programmes de recherche, le versant informatisé de la production. Il se trouve qu'avec la grippe aviaire, cette menace si flippante pour les européens sur-informés, on est assailli de questions par tous les médias possible, plus particulièrement concernant les délais de mise au point des remèdes préventifs. Se sentant mis sur la sellette, un des très hauts responsables a fait porter le poids de ceux-ci sur les traitements informatiques, un autre a pensé qu'une femme presque encore jeune pouvait donner une bonne image de l'entreprise, et puis nous sommes si peu à un certain niveau. Seule personne au confluent de ces deux critères, j'ai été désignée d'office comme sorte de porte-parole, les journaux m'ont estampillée "Expert" et d'une dizaine de jours je n'ai pas touché terre, d'une interview pour un jité à une émission de plateau ; des heures de préparation pour quelques interventions brèves et qu'il fallait précises.
J'ai détesté au début. Je suis quelqu'un de recherche et non de commerce ou de paroles. Puis très vite je m'y suis faite.
Te retrouver ce soir-là, Laura, était ma première détente depuis plusieurs semaines. Car entre deux télés, les projets continuaient, et d'autant plus pressants que l'épidémie crainte nous imposait sa loi. Je sortais donc à peine d'un tunnel de travail.
Pour ce qui était de prendre du repos, c'était réussi. On était purement et simplement en train de nous coincer dans une nasse, un piège bleu marine et qui se refermait lentement et sans communication possible avec des hommes qui me semblaient sortis des jeux vidéos de mon neveu. J'ai en effet une soeur qui a né un fils et donc possède un neveu, dont la principale qualité semble être de ne pas surcharger sa mère par une présence insistante : seule compte pour lui sa console de jeux.
J'avoue avoir senti mon incapacité à participer de façon cohérente à celui dans lequel j'étais par mégarde jetée, même en faisant équipe.
Pour l'heure, on nous encerclait et nous attendions, d'abord au large, puis à mesure que de nouvelles personnes se laissaient (sur)prendre, de plus en plus tassées.
Tu t'étais plus tôt assise un peu par terre, fatiguée par les distances parcourues l'après-midi même à la recherche de bonnes photos, tu dus te relever : l'espace manquait. La tension était palpable, la tentation d'une riposte toujours possible.
Comme activité apéritive, j'avais connu plus agréable, j'en conviens.
à suivre ...
RAPPEL :
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril dans Libé.
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. En ce moment elles sont parfois particulièrement encombrées, et l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter une de ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix :
" I don't want THIS democracy"
d'autres photos de lui par ici :
http://permanent.nouvelobs.com/social/20060401.OBS2653.html
d'autres photos de lui par ici :
http://permanent.nouvelobs.com/social/20060401.OBS2653.html