Le train de banlieue qui se prenait pour un TGV
19 mars 2006
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Ces rues ne sont pourtant qu'à un quart d'heure de la mienne, ou même pas. Mais elles ne font pas partie de mes circuits quotidiens ni même hebdomadaires. Elles se situent à l'est de la ville quand je suis complètement à l'ouest.
Pour cette raison précise, un rendez-vous médical y portait mes pas. J'ai découvert avec surprise, sur ces chemins que par ailleurs je connaissais, au moins deux immeubles entiers complètement nouveaux, déjà tout grandis, bien plus que bourgeonnants.
L’un d’eux possédait déjà des feuilles des rideaux aux fenêtres.
A l'angle d'un passage, un café-restaurant se préparait là où auparavant la façade était muette.
J'ai pensé, enfin le printemps ! Sourdement, continûment, comme la ligne claire d'une mélodie profonde mais qui ne nous lâche pas, la ville à force de grandir a ainsi poussé, quittant les scories des temps précédents pour des habits de béton neuf.
Un jour récent à l'heure du goûter
Stéphanot passe dans la cuisine et vient faire un sort définitif au restant de demi-baguette qu'il avait entamée à peine plus tôt.
Ca tombe qu'à ce moment précis, j'y suis moi aussi.
Depuis que mes forces ont fui et que par une étrange et néfaste capillarité notre connexion internet a fait de même, ça m'arrive beaucoup moins. L'ordinateur n'a pas bougé. Mais il est devenu muet. Ma place d'épuisement est désormais au fond du lit en compagnie de rêves sans beauté.
D'ailleurs Eugène s'ennuie.
Stéphanot tartine son pain avec l'allégresse du régal promis, je le vois alors esquisser un sourire et puis tout de go il énonce à voix haute exactement la pensée qui au même instant me traversait et n'avait que peu à voir avec sa présence filiale, ni son activité.
Je m'en étonne légèrement :
- Tu lis ainsi dans mes pensées ?
- C'est normal, me répond-il du ton d'un ancien propriétaire revenant sur ses lieux, c'est toi qui m'as fait.
Débarquée au siècle dernier d'une soucoupe pour toujours envolée, je n'ai jamais rien éprouvé de tel avec aucun de mes parents. Je me demande alors d'où vient ce que j'ai pu transmettre, à mon bonheur et mon insu.
Ces temps-ci, en gros
Alors que grâce à mes proches et à l'automobile, l'horizon de mes dimanches s'élargit peu à peu, que dans ma ville je peux à présent sans trop de crainte marcher, je me demande pourquoi un esprit solide peut résister à l'enfermement réel, réduit et dangereux quand je vois des barreaux au simple ciel de mon quartier ; pourquoi aussi le souvenir d'un mourant l'an passé accompagné zone mes chagrins présents qui pourtant n'ont rien à voir.
Pourtant le secours retrouvé de Stéphanot grandi, qui désormais prend ma main dans la sienne et la guide et me console devrait déjà me libérer.
En sortirais-je un jour dés lors que j'ai lâché prise ? Le lien salvateur et un travail digne me sont arrachés pour toujours ou peut-être à jamais (1). Dans ces conditions moindres l'avancée en âge a-t-elle encore un sens ?
Je compte cinq fois 157 pas de chez moi au cyber-non-café et j'enrage d'être en cage.
(1) l'expression d'origine n'est pas de moi
Clichy la Garenne, par les temps qui courent
Longtemps il m'a énervé celui-là. Enfin non, pas si longtemps en fait. Quand nous sommes arrivés dans cette ville, il était muet, les photos en argentique et qui coûtaient cher, j'en prenais le moins possible c'est à dire quand même trop, mais cependant pas au point de parcourir les rues le nez en l'air.
Je n'avais donc même pas remarqué sa présence.
En haut du toit de la mairie. Décoratif et silencieux.
Un beau jour, ou un moche, selon l'opinion qu'on en a, le maire de la cité ou bien quelqu'un d'autre mais puisqu'il s'agit d'hôtel de ville, chargeons-en le décisionnaire en titre, décida qu'il convenait
de faire concurrence au carillon de l’église de Don Camillo
que le clocheton qui ornait la toiture du fier bâtiment retrouve sa voix.
L'idée en soi n'était pas désagréable, qui pourrait à l'occasion agrémenter la rumeur de la ville, avant tout automobile, vrombissante et de klaxon les jours d'embouteillage, d'un son des temps passés, où il accompagnait sans doute les claquements sur pavés des sabots des chevaux non mécaniques qui servaient alors.
Sauf que.
Par je ne sais quel hasard d'appel d'offre, sens de l'humour, goût de la dérision ou au contraire du grandiose, notre petite horloge locale fut dûment munie de la glorieuse sonnerie de Big Ben.
Pour ma part, au charme céda l'agacement. Un air assorti aux bords de la Tamise
Comme je travaille à l'extérieur et le plus souvent loin de chez moi, ce n'était pratiquement qu'une exaspération de dimanche et jours fériés. Je pris le parti de n'y plus trop penser sauf quand parfois le carillon précis qui égrenait aussi, mais plus discrètement, les quart et les demies d'heures, me rappelait que j'étais en retard pour une démarche, une sortie d'école ou une commission.
Jusqu'à ces trois dernières semaines, où la tête en coton, les jambes à peine mieux, le coeur étreint et les larmes toujours trop proches, j'ai dû faire face à une réduction drastique du domaine de mes luttes, au quartier domiciliaire, cabinets médicaux, commerces de proximité, poste, cyber-non-café et (quand même) librairie incluse ; lesquels voisinent la mairie.
La petite mélodie anglicole du clocheton est donc venue peu à peu rythmer ces jours mous, m'aidant à repérer le temps d'autonomie qui me restait avant de regagner mes pénates par crainte que la batterie déchargée qui me sert désormais de moteur corporel ne me lâche en chemin.
Et ma foi, je l'aime bien, ce petit secours venu d'en haut et qui m'évite la fatigue de consulter ma montre.
Quand j'irais mieux et que reviendront les rêves peut-être me donnera-t-il l'élan de retourner à Londres connue autrefois, écouter sa lointaine cousine et saluer les ombres d'aînés admirés.
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Clichy, aujourd'hui
Les douleurs et les blessures n'étant pas de nature à s'apaiser sans le secours du temps, mais la vie ne permettant pas d'en rester trop longtemps à l'écart sous peine de mourir de faim plutôt que de chagrin, ce qui contrarierait Giuseppe (1), j'ai décidé ce matin d'entreprendre ma rééducation.
Eugène m'a regardée d'un air accablé. Depuis que d'un voyage entrepris en quête d'antidote je suis revenue malade (2), il hésite entre moquerie et compassion et n'ose plus me raconter d'histoire par crainte de me propulser dans d'autres quêtes aussi vaines que semées de périls. Il m'a néanmoins encouragée à prendre le risque de pousser au delà du coin de la rue pour un semblant d'activité quotidienne usuelle d'extérieur.
J'ai donc enfilé mon anorak rouge à la doublure polaire, pris un panier, un peu d'argent et entrepris de faire les courses.
Afin de commencer en douceur, la première étape fut pour le marchand de journaux, puisqu'elle me motivait plus que tout autre : en bonne santé j'aurais attendu avec impatience "Le matricule des anges". Aujourd'hui j'étais juste soulagée de l'y trouver sans avoir à revenir plus tard.
Puis le petit supermarché du coin de la rue (3), ce qui comme il est à l'autre coin ou plutôt l'autre rue, m'obligeait à oser non sans témérité le tour du pâté de maisons.
J'y achetais des pommes, du lait et une plaquette de beurre, mais pas de galette, trop mal m'en a pris récemment de me conformer de trop près à certaine tradition de l'histoire littéraire. Et puis aussi des ampoules à vis de 75 watts, car lorsque je pète les plombs, elles ont tendance à griller dés que je touche un interrupteur.
Enfin je m'arrêtais au cyber-non-café voisin, lire les messages que de chez moi je ne peux toujours pas consulter (4) et y répondre un peu.
Ce n'est qu'en regagnant ma cuisine, presque fière de moi, le seul avantage des KO sévères étant que lorsqu'on en réchappe un rien devient exploit, que je me rendis compte que j'avais oublié le pain.
(1) par exemple :
http://blog.matoo.net/index.php/archives/2006/02/26/rigoletto/
(2)
http://gilda.typepad.com/traces_et_trajets/2006/02/toujours_pas_de.html
(3)
http://gilda.typepad.com/traces_et_trajets/2005/11/_ici_et_mainten.html
(4)
http://gilda.typepad.com/traces_et_trajets/2006/02/dgroups.html
C'était un mercredi, c'est ma seule certitude
et l'automne n'était pas encore froid
Je sortais de chez le coiffeur. J'y vais rarement, aussi je m'en souviens.
Afin que je patiente en attendant mon tour de shampe, l'aimable barbière m'avait procuré quelque lecture. Un de ces magazines pour dames où l'on se sent encore tenu, entre deux pleines pages de réclame, de glisser parfois un articulet culturel, le dernier livre ou film à la mode, celui dont il faut savoir parler même sans l'avoir lu ou vu.
Ceux dont les rédac-chefs se souviennent vaguement d'une révolution qu'il n'ont pas su faire ajoutent également entre la mode et les produits de tartinages corporels, un dossier au ton sérieux sur un sujet de société.
Ce mercredi-là, la société de papier pour dames s'inquiétait donc du difficile métier de coursier en ville, les accidents de leur travail, les risques de la profession.
C'était bien avant que Wytejczk n'ait le sien.
Je lus donc l'article dans une relative insouciance, non sans penser à lui, que j'avais brièvement croisé le jour de ma reprise de travail, mais depuis plus rien.
Peut-être sur cet élan, c'est en quittant cette boutique, la tête vaguement parfumée d'un gel inhabituel, que je lui avais téléphoné.
Il faut dire qu'un groupe de cabine était juste planté là, au beau milieu du trottoir, comme un ordre intimé.
J'avais obéi à cette injonction des choses, d'autant qu'il me revint que mon amie Françoise cherchait l'adresse d'un peintre sérieux pour des travaux urgents et que le frère de Wytejczk, à moins que son beau-frère, pratiquait ce gagne-pain. S'en remettre à nos hasards merveilleux de rencontres, qui déjà se raréfiaient, ne suffisait donc plus.
Quelque distrait avait confondu la veille cabine d'appel et urinoir, sans doute s'était-il à peine étonné du design inhabituel, d'un relatif manque d'intimité et de l'absence de raccordement au réseau des eaux usées ; les lieux s'en ressentaient, mais l'appareil était propre et fonctionnait correctement, je fis donc abstraction de l'environnement olfactif.
Du moins je prétendis.
Ce fut quelqu'un de sa famille qui décrocha mais Wytejczk était bien là ; chance étrange un jour de semaine en pleine journée, mais comme tout concordait jusque-là, de la demande à formuler à la présence d'un téléphone, en passant par l'article lu, j'oubliais de m'en étonner.
Il proposa qu'on se voit, et même rapidement, en insistant avec égard que ce soit un jour où je serai d'usine, qu'il viendrait me chercher après pointage du soir.
Je n'en demandais pas tant, juste une information, mais lui semblait heureux d'une occasion de se revoir, et ma foi je ne tenais pas tant que ça à m'attarder dans ces lieux malodorants le temps de noter l'intégralité d'une adresse d'entreprise dont il pourrait me fournir la carte à transmettre seulement 2 jours après.
Certaine de n'en rien oublier fors désintégration du noyau atomique, mort subite et personnelle ou nouvelle guerre mondiale et de proximité, je ne pris même pas la peine de noter notre rendez-vous dans mon agenda que pourtant j'avais en main, ne connaissant pas son numéro par coeur et l'ayant lu dans le carnet d'adresse qui y était fixé.
Mon allégresse ne vécut cependant qu'entre la conclusion efficace de notre accord et mon geste de raccrocher.
A cet instant précis, je sus qu'il ne viendrait pas ; avec une certitude aussi forte que l'impulsion qui m'avait fait entrer dans cette cabine alors que dans ma poche se tenait sage et silencieux mon téléfonino en parfait état de marche.
Je fus désolée pour Françoise.
Opéra Bastille, en matinée, le même dimanche
Il ne comprend pas pourquoi sa femme semble ainsi morose. C'est pourtant bien elle qui a voulu venir jusqu'ici voir cet opéra, de qui déjà ? Ah oui, Verdi. Oui c'est très italien comme musique. Il aurait dû s'en douter.
C'est même plutôt divertissant en fait, un peu comme les histoires de capes et d'épées qu'il lisait gamin. Il n'a pas tout suivi, ça lui a pris un temps fou de comprendre qui était le Duc, que Rigoletto était le père et non pas l'amant (en fait c'est facile, il a une bosse et l'autre pas). Et puis de toutes façons, ça va finir mal.
C'est un peu comme en affaires, quand c'est mal emmanché d'entrée, c'est rare que ça ne se barre pas en couilles.
Les mariages aussi, tout bien réfléchi.
Il aimerait quand même bien comprendre pourquoi Christine semble ainsi faire la gueule. Pourtant il a gentiment proposé de prendre un café, sans faire son radin comme elle le lui reproche si souvent et il n'a consulté son Palm que très brièvement ; tout était calme, on est quand même dimanche.
Quoi qu'une fois ce soit déjà arrivé que tout le central informatique du service dont il était responsable, crame. Et que ça soit un dimanche. Un trop sale coup. Heureusement qu'à l'époque il était jeune et qu'il avait encore du jus. Ca arriverait maintenant, il se demande s'il aurait encore l'énergie ; des jours passés à se battre sur tous les fronts ; des soucis techniques à n'en plus finir, lui dont ce n'était pas directement le job, ça, la technique.
Enfin bon, c'est arrivé une fois, maintenant il s'estime éligible à ce que tous ses dimanches soient calmes jusqu'à sa retraite.
C'est vrai que pour le calme, l'opéra, c'est bien. Ca a même permis d'éviter sans faire d'histoires le traditionnel déjeuner chez les beaux-parents. En fait, c'est une bonne idée qu'elle a eu Christine.
Mais alors pourquoi fait-elle la tête ? Qu'est-ce qu'il a encore dit ou fait ou pas dit ou pas fait et qu'il aurait dû ?
C'est quand même pas l'interprétation qui la déçoit. Elle connaît mieux la musique que lui sa femme, elle a cette compétence, il faut reconnaître, mais pas au point de faire la fine oreille.
Et puis la petite, là, qui chante le rôle principal, comment c'est déjà ? Ah oui, Gilda (tiens c'est marrant, il croyait que ça s'écrivait avec un s, que c'était un prénom d'homme ...), oui alors la chanteuse là, elle se débrouille rudement bien. Pourtant ils ont dit qu'elle était malade.
Comment c'est son nom déjà ? Ca doit être marqué dans ce programme ...
Il a fini son café, juste avant qu'il ne soit froid et cherche la réponse ; l'espèce de glas bizarre qui marque la fin de la pause commence à sonner, il va falloir reprendre place et sa femme n'a pas desserré les dents de tout le temps que ça a duré. Il n'ose même pas lui poser la question, se dit qu'elle va encore râler que ça fait 10 fois qu'elle le lui a dit.
Après tout, ce serait peut-être mieux que ce silence obstiné.
Allez savoir.
un après-midi de février, opéra Bastille, pendant Rigoletto. C'est un dimanche
C'est quand même plus marrant quand Thérèse est là. Elle tient la traversière à côté de Céline. En plus c'est pour Rigoletto. Le livret est tragique, mais pour les musiciens c'est un opéra qui porte bien son titre, on peut se laisser un peu aller, en faire des caisses, de toutes façons c'est ce qu'on attend d'eux. Et puis même si en fin de carrière la lassitude peut s'installer, pour les moins aguerris dont la jeune femme fait partie, il y a un plaisir presque enfantin à jouer ces "tubes" de tout son coeur.
Thérèse est heureuse de retrouver Céline. Elle-même fut absente un peu longtemps en décembre, entre le répertoire qui ne nécessitait pas toujours sa présence et un parent âgé et malade dont il fallait s'occuper en mettant de côté sa propre vie.
Ensuite ce fut Céline qui n'y était pas, son petit Lucas atteint de bronchiolites avec rechute et hospitalisation.
Les répétitions n'ont pas suffit à écluser tout ce que les amies avaient à se dire, elles s'appréciaient depuis longtemps comme collègues, mais leur séparation prolongée les découvre l'une à l'autre confidentes de première bourre, ce qu'elles ignoraient jusqu'alors ; depuis l'admission de Céline dans l'orchestre elles se voyaient en effet à chaque jour de travail sans nécessité de convenir d'aucun rendez-vous, ni de se contacter par ailleurs.
C'est en interrogeant ce qui reste du 12 que Thérèse a d'ailleurs obtenu le téléphone de sa jeune collègue lorsqu'à son retour elle ne l'a pas retrouvée et que Pierre, le premier alto, qui la connaît depuis longtemps évoqua un enfant malade qui justifiait l'absence.
Alors en ce dimanche, avec cette légèreté particulière que donne l'ambiance des matinées, les deux dames sont peu attentives aux applaudissements pourtant nourris, elles en profitent pour reprendre avec animation leur conversation là où elles l'avait laissée.
Il faut dire aussi que Stanley est là lui aussi, juste le rang derrière elles. Il tient, selon les cas le hautbois ou le cor, et sans faille une bonne humeur contagieuse. Céline adore son humour qu'elle qualifierait d'anglais si elle ne craignait de le susceptibilité un peu étant donné ses origines Néo-zélandaises. Souvent il ponctue d'un commentaire bref, marrant et judicieux, l'exécution d'un passage particulièrement délicat ou qui aux répètes avait mis le chef en rogne car quelque chose ne correspondait pas au ressenti qu'il en voulait. Thérèse a dû mal à ne pas pouffer de rire, ce qui lorsqu'elle doit enchaîner premières mesures de la suite avec sa flûte n'est pas sans difficulté.
Sur Verdi, et comme Céline tient essentiellement le piccolo, elles sont à l'abri de ce genre de dérive, les flûtes servent surtout à ponctuer les fins de phrases, les puissants crescendo de quand tout l'orchestre s'y met. Et puis quand on intervient souvent la concentration est plus facile à tenir.
Céline croit d'ailleurs qu'elle s'en est bien sortie sur le passage où elle avait le privilège de jouer elle aussi de la traversière, celui qu'entre elles elles appellent l'air de la poule qui a pondu ; quand au moment de se diriger vers les coulisses pour le temps de l'entracte Pierre est passé près d'elle, il lui a posé affectueusement la main sur l'épaule dans un geste à la fois de félicitation et d'encouragement, auquel elle a été sensible.
Avant la reprise, le chef, lui n'a discuté qu'avec les trombonnes. Elles n'ont pas su ce qu'il leur disait.
Plus détendue pour le le second acte, elle a même pu apprécier le moment de grâce qui s'est produit sur "Cortigiani, vil razza dannata", elle qui parfois se croit déjà blasée. D'ailleurs ce décor en escalier pour les scènes chez le bouffon et sa fille puis en hauteur pour le bouge où le duc s'amuse avec Maddalena, permet de jeter quelques coups d'oeil à ce qui se passe sur scène, ce n'est pas si souvent et plutôt plaisant. D'autant que les costumes, pour cette mise en scène plutôt classique, ne manquent pas d'allure. Elle aime particulièrement celui de Gilda quand elle va frapper chez Sparafucile puisqu'elle n'a plus rien à perdre et son bien-aimé la vie à sauver. C'est sur la fin juste avant qu'elle ne se retrouve la tête dans le sac, qui est inévitablement moins seyant que ses tenues précédentes, quoique pour une agonie ce soit finalement assez pratique.
Céline aime assez ces morts spectaculaires qu'offrent la plupart des livrets, si loin de la vraie comme pour en conjurer la peur.
Elle se souvient d'une nuit récente aux urgences pédiatriques, entre Lucas au souffle sifflant qu'elle aurait tellement voulu relayer, et Ludovic son compagnon que la panique pour son fils avait gagné et qui de fait n'aidait en rien. L'interminable attente. Et le silence dans sa tête, alors qu'à l'ordinaire s't fredonne toujours au moins une mélodie au moins en sourdine. Mais là, non. Les cris et chuchotements des autres malades, les bruits d'allées et venues, et la respiration si fragile et fêlée de son bébé ne dormait ni ne pleurait, comme si tout son corps n'était plus consacré qu'à cette seule activité pour laquelle il luttait.
Thérèse a remarqué un instant d'inattention et la pousse du coude, on approche du final, ce n'est pas le moment.
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