Le mystère de la rue Montmartre
12 février 2006
saturday night with no fever, Paris sur les Grands Boulevards
J'ai soudain faim comme on prend froid. Une sorte de jauge à carburant intérieur se met au rouge sans avertissement préalable. La sensation que 20 mètres de plus et je tomberai d'inanition. J'ai abusé de sports et l'on m'y reprendra.
J'avise une échoppe "La crêpe de Paris", elle est à deux pas. Ils sont deux à servir, non sans efficacité. Deux billigs chacun et ça ne chôme pas. J'admire leur rapidité, la taille, l'abondance de garniture des galettes ; le prix, moins, qui est en conséquence.
Mais je n'ai pas le choix, il s'agit d'un cas de force majeure. J'en choisis une au fromage, accompagnée de champignons. Je pense que cet alliage sera mieux colmatant.
Il l'est. Empêtrée par mon sac, volumineux, mon autre sac, pour les papiers, un livre, forcément, la dragonne de l'appareil photo, forcément (bis), et la somptueuse galette, je poursuis mon chemin. Des amis m'attendent qui ne me verront pas.
Le fromage attaque le premier. Il refuse de se laisser sectionner par mes dents et s'étire en longs filaments, je fais ce que je peux de ma seconde main qui pourtant n'est pas libre. Quelques champignons audacieux en profitent pour se faire la belle.
Et j'atteins une rue qu'il me faut traverser.
Le boulevard est encombré, ainsi que les adjacentes. Est-ce que ça coince aux gares des Nords, en ce soir de chassés-croisés de vacanciers skieurs, zones de vacances et France en tranche ?
Et ce fromage qui ne l'est pas.
Je manque de trébucher. La courroie de mon sac, le grand et un peu lourd, me descend de l'épaule, je peste, la remonte et stoppe à deux pieds d'un taxi blanc qui venait de tourner à l'angle de la chaussée que je voulais passer.
Je distingue fort bien en passagère une dame aux cheveux blonds ou plutôt de ce châtain très clair que l'on fait de nos jours. Elle est si près de moi que la fenêtre fût-elle ouverte et elle aimant fumer, je pourrais lui proposer du feu. Elle parle sérieuse et déterminé à un homme situé à sa droite et dont je ne vois que le profil et une absence absolue de mouvement qui dénote l'attention ou l'envie d'être ailleurs et d'arriver enfin.
Ma propre tension remonte d'un coup, ce profil entre mille, je peux le reconnaître, et la main placée devant la bouche en signe d'écoute ou de réflexion, c'est sa façon, c'est lui, Wytejczk.
Je n'ai le temps de rien. Le taxi qui devait piaffer dans les embouteillages veut se rattraper qui file donc à grandes roues,
je le regarde longuement s'éloigner, non sans un regard triste et grande perplexité. Vrai mirage ou faux mystère ?
Qui était-elle ? Que faisaient-ils ? Pourquoi ne circule-t-il plus jamais en scooter ? Est-il au moins encore coursier ? Je ne sais plus rien de lui quand nous étions si proches, confiants et confidents.
Je ramasse le restant de crêpe que je viens d'apercevoir à mes pieds, le jette dans la poubelle proche. Mes doigts sont poisseux et mes neurones tout aussi ensuqués qui ne savent pas comprendre ce qu'ils ont pourtant bien vu.
Mon téléfonino vibre alors dans ma poche, je sursaute comme au premier réveil, et tente maladroitement de l'en extraire à temps.
Au même instant et si peu loin, le métro sur la ligne 6 voit son trafic très perturbé, des cinémas affichent complets et des gens dînent au restaurant.
[photo floue prise sur zone, peu avant ou peu après, par temps fictif, comment savoir ?]
merci à Stéphanie, qui m'a (re) donné envie de mystère :
http://chatbus.typepad.com/le_chatbus/2006/02/mystre_au_macdo.html