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boulevard Haussmann, samedi 29 octobre 2005, en orée d'après-midi.
J'achetais dans un grand magasin ou l'une de ses annexes, un accessoire de salle de bain ; fort consciente de le payer cher, mais également que l'opportunité de cet acquisition nécessaire ne se représenterait sans doute pas de si tôt.
Peu de personnes me devançaient aux caisses dans ce qui ressemblait à deux files d'attente disjointes pour deux postes de travail.
Je me plaçais dans l'une d'elle, derrière deux messieurs plutôt solides et de bon gabarit qui discutaient de choses et d'autres comme en attendant leur tour.
Ils ne semblaient pas très chargés ; j'imaginais leur passage rapide.
A côté un client partit, ayant réglé son dû ; prit son tour une jeune femme, à laquelle je prêtais assez peu attention, qui régla rapidement, salua poliment et s'éloigna d'un pas vif, que mes deux précédants emboîtèrent en parfaite coordination.
Ils étaient ses gardes du corps, professionnels et efficaces. Les deux caissières échangèrent un regard signifiant qui était-ce ?
Je payai à mon tour et rentrai bravement dans ma proche banlieue. Assez fière d'être seule, soudain.
L'homme du (proche) futur
30 octobre 2005
Je l'ai croisé au coin de ma rue, il tenait le telefonino dans la main droite et y parlait avec calme.
Son oreille gauche était équipée d'un appareil gris, de forme oblongue et très design qui y était fermement fixé par un dispositif sophistiqué.
Le reste de sa tenue était d'une neutralité débordante et lui très détendu à l'usage de sa panoplie technique
comme s'il était né avec
depuis la nuit des temps.
L'homme pressé
29 octobre 2005
pas à Paris, mais ça aurait pu, le vendredi d'avant le dernier
Son besoin d'argent liquide et frais est sans doute urgent. Il n'en prend même pas le temps de descendre de son vélo,
ce qui pourtant le rend très vulnérable à qui aurait mauvaise intention.
Wytejczk, revu jeudi pour mon plus grand bonheur, m'a assuré que jamais au grand jamais il n'en ferait autant en scooter,
et puis de toutes façons, tu comprends, on n'aurait pas la place.
Je ne demande qu'à le croire. Son métier de coursier n'est pas sans danger ; je m'inquiète facilement pour lui, même si le transport de fonds n'est guère dans ses attributions.
Il entra à grand pas
27 octobre 2005
ailleurs qu'à Paris, un soir doux de la fin d'octobre
Il entra à grand pas, des pas de géants comme on en fait dans les jeux, enfants.
Mais la boulangère ne disait pas "un deux trois ... soleil", elle se contentait d'accueillir avec le sourire ce client tardif,
qui désespérément tentait
de ne pas salir le sol tout propre, pas encore sec, à peine lavé et qui brillait.
Un homme m'aborde
26 octobre 2005
un soir de septembre ou peut-être d'octobre, je ne sais déjà plus.
Un homme m'aborde sur le quai du train que je m'apprête à prendre.
Perdue dans mes pensées et sans doute autre part, je lève les yeux vers cet interlocuteur que je n'ai fait qu'entrevoir alors qu'il s'approchait.
Je m'aperçois, mais un peu tard, que c'était mon mari. Il en rit. Je suis un peu triste. Non pas qu'il soit lui, le retrouver plus tôt qu'à l'ordinaire me console plutôt ; mais de ne l'avoir pas perçu immédiatement, avant même le premier regard, comme j'en étais fort capable autrefois.
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Naïveté
25 octobre 2005
Il était une boulangerie que je ne fréquentais guère ; dans ma banlieue, près de chez moi.
Le pain y était bon ; je suis piètre boycotteuse, je m'y rendais parfois.
Mais elle était très chère, plus que les autres du quartier, portait l'enseigne d'un nom générique ce qui à mes yeux dévoile plus de standardisation que de qualité, et surtout je n'aimais pas la façon dont la patronne
aux gens comme moi souriait, quand elle servait d'un air pincé les gamins de par ici, ceux qui sont de partout, et se fournissaient auprès d'elle en bonbons, avant l'école ou bien après.
Deux ou trois semaines passées, en accompagnant Stéphanot vers sa classe, dans la vitrine j'avais remarqué de beaux pains marocains ronds,
dont je ne sais écrire le nom, mais dont je n'oublie pas le goût qui me régale à l'occasion.
Je m'étais dit, un peu surprise, mais plutôt heureuse de ma mauvaise conscience, que j'avais mal jugé ces gens, qu'après tout cette boulangère savait donc être attentive à la clientèle, qu'au fournil et en boutique ils avaient peut-être fait cet effort exceptionnel à l'occasion du ramadan, qui sait ?
Disposant d'un peu de temps et du choix de mon pain, dans les familles pourvues d'enfants chacun a ses préférences et je me contente le plus souvent de ce que les autres ont désiré, j'ai songé aujourd'hui à goûter enfin ceux-là.
Ils en avaient encore et de tout frais ; très frais.
Et ceux qui les servaient étaient jeunes, très jeunes ; ils n'avaient d'apparence que peu en commun avec les précédents propriétaires que visiblement ils avaient remplacé depuis quelques temps déjà ...
De ma naïveté, je rigole encore quoiqu'un peu tristement : si le monde était à l'image de mes illusions, il y aurait moins de guerres (civiles) assurément.
Eugène, consolateur, me souffle, ça aurait pu. Quant à Wytejczk, j'ai cru entendre son rire alors que je sortais, pensive, de la boutique et qu'un peu plus loin en face, un scooter démarrait.
Comment acheter des mangas un samedi après-midi
24 octobre 2005
Comment acheter des mangas un samedi après-midi à Paris dans un gros magasin de produits technologiques et culturels
Stéphanot m'avait chargé d'une mission. Je devais lui acheter deux mangas, pas n'importe lesquels, les 39 et 40 d'une longue série qu'il semble apprécier.
Ne reculant devant aucun sacrifice et devant aller au cinéma sur zone, je pris résolution de ne pas attendre pour lui offrir ce plaisir.
Cet enfant est fort peu dépensier et rarement exigeant. Je suis donc plutôt encline à le satisfaire dés qu'il m'en est possible.
J'arrivai vers 15 heures 30, heure de pointe. Au rayon Mangas, que je fréquente ordinairement peu, les lecteurs debout, en rangs serrrés et plongés dans leurs livres se tenaient fixés comme des moules sur leur rocher. Impossible d'entrevoir le moindre titre derrière eux, ni d'établir une communication en vue de se rancarder sur les titres qu'ils cachaient aux regards. A moins peut-être de leur parler en Japonais. Mais je ne le pratique pas.
Je compris soudain la procédure. Il suffisait de délicatement les déplacer, un par un de préférence, se servir avec célérité des ouvrages recherchés, puis de replacer les amateurs dans leur position initiale. Ils semblaient ne pas s'en rendre compte.
Seulement certains gaillards étaient bien un peu grands.
J'ai réussi quand même et Stéphanot fut content.
[photo prise au Salon du Livre de Paris en mars 2005, qui n'illustre pas directement le propos, encore que]
Le repas familial du dimanche midi
23 octobre 2005
Depuis plusieurs dimanche, à mon retour de la piscine, je croise un groupe de personnes sur le pas de leur porte. Elles semblent attendre quelqu'un.
Les générations sont mêlées et certains d'entre eux se ressemblent. Ils ont ce qu'on appelle "un air de famille" et l'air d'une famille qui guette son dernier arrivant, le retardeux chronique et qui respecte sa tradition.
Quand il arrivera, ils iront déjeuner. Je leur espère d'autres plats que le gigot d'agneau-flageolet qui bientôt les lassera.
J'ai connu jadis ce doux esclavage des dimanches mous et mangés ; par ces réunions de famille, inévitables et organisées. L'exil en Province d'un brin de parentèle nous en a à présent sauvés. Les moments n'étaient pas mauvais et rarement pénibles, mais le temps du repas et le temps du retour, une fois rendu chez nous, du seul jour libre d'une semaine il ne restait plus rien qu'en hâte à effectuer la préparation d'un lundi à venir et reprendre le collier sans vraie respiration.
A présent, le dimanche, nous nageons et mangeons peu. L'après-midi nous appartient avec ou sans sommeil, nous sommes libres et légers.
Le plomb de la semaine n'est pas encore coulé.
Eugène, heureux, se réchauffe auprès du fourneau que nous avions éteint.
PS : le groupe de personnes de la photo, passants croisés par hasard mais en nombre similaire n'a rien d'autre à voir avec celui du billet.
Vous aimerez cela
18 octobre 2005
Ils sont aussi sur une photo et la racontent, chacun de son point de vue,
chacun à leur façon.
Pas du tout en fantômes, tout à fait en vivants.
Peut-être aussi qu'ils nous ressemblent.
A cette occasion vous pourrez mesurer l'écart entre récré brève d'un blog et vrai beau travail dans la cour des grands.
plus d'infos là : L'estuaire (maison d'édition)
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Si vous aimez ceci
17 octobre 2005
samedi 25 octobre 2003 – jardins du Luxembourg – au soleil déclinant de fin d’après-midi
La conversation des fantômes
photo : Pierre Cavard, "Les chaises" (jardin du Luxembourg)
fantôme n°1 à droite, à sa compagne : - Ta journée fut-elle bonne, mon amour ?
fantôme n°2, sa compagne : - Mon ami, as-tu donc oublié combien j’étais dormeuse, du temps de nos vivants. Je le suis restée et si je hante leurs nuits, je dois dormir le jour.
fantôme n°4, un homme jeune, vibrant et tourmenté ; tourne le dos à l’objectif et parle au n°5 qui est en face de lui : - Je n’avais rien bu, rien pris et rien fumé. Personne ne l’a cru, pas même mes parents, ni ma fiancée qui est restée vivante, mais que ça a cassé.
fantôme n°5, plus âgé, grisonnant mais sportif, qui ne fut pas son père : - Quand cesseras-tu de ressasser cet accident ancien ? Profite donc de ta mort. Retourne calmer les nuits de ta belle blessée et habiter ses songes afin qu’elle souffre moins.
fantôme n°3, au milieu ne dit rien. Il lit sans voir son monde, captivé et heureux. L’ouvrage est blanc, une photo dans un coin. Personne ne le voit. Sauf ses collègues, le photographe, et moi.