Le roumain malheureux, le jeune homme et sa modernité
23 septembre 2005
Je suis une femme cruelle. Je ne donne pas de monnaie à ceux qui au métro entrant dans une rame (1) nous imposent leur musique quand je souhaite la plupart du temps lire ou somnoler.
Je fais parfois exception pour ceux dont le talent réel et le travail me rendent chagrine leur présence en ces lieux.
Celui de ce soir-là n'était pas dans ce cas. Il braillait en roumain une chanson méconnaissable. Au point qu'à qui ne connaissait pas la langue il était impossible de déterminer s'il s'agissait d'amour, d'à-boire ou de drapeau. Il ne chantait pas faux, mais d'une façon brutale et forte qui heurtait ma fatigue, celle qui m'empêchait de quitter mon strapontin et bondir dés la station suivante vers un wagon plus hospitalier.
Quand il passa demander son obole, je n'ai rien pu faire d'autre que lever les yeux vers lui et lui faire signe que non, désolée.
A côté de moi un jeune homme, détendu et souriant, prit le temps de fouiller dans son sac de sport et en tira de quoi faire un don généreux.
Le Roumain montra alors tous les signes de la plus grande reconnaissance et pour prouver celle-ci, entonna à pleine voix une nouvelle rengaine. J'y vis la punition de mon égoïsme, tandis que d'autres voyageurs pourtant plus loin placés enfonçaient légèrement leur cou dans leur col, ce qui me rassura (sans me consoler) quant à ma capacité d'appréciation musicale.
Au bout d'à peine un couplet, l'artiste s'interrompit et fit à son mécène provisoire un signe impérieux.
Ce dernier, conciliant et avec un sourire contrit, ôta alors les oreillettes du baladeur mp3 qu'il écoutait depuis le début de son propre trajet.
(1) les bons mois je suis en revanche volontiers généreuse envers ceux qui enchantent les couloirs où je suis libre de passer rapidement ou de m'attarder, faudrait pas croire.
Cette note de redémarrage est pour Christie (Maviesansmoi), Satsuki, Berlioz, Richard, Dan et quelques autres qui se sont inquiétés. Ils m'ont fait comprendre que dans certains cas, des mots mêmes maladroits étaient préférables au silence, qu'un blog si discret soit-il on le tient pour les autres, et qu'on n'a pas à laisser tomber dés que dans notre vie quelque chose ne va pas.