C'est deux jours avant le soir de Noël

    Cette période est si étrange. Le travail me fait du bien mais arrivée au soir je tombe de fatigue. Presque tout ce que j'avais prévu de faire dans la maison m'est impossible, je n'ai plus la force. La chose positive (merci les années d'expériences, merci le début d'entraînement de triathlon) c'est que mon corps, contrairement à l'époque VIIIème ou XVIème (arrondissements), s'il est fatigué de retour chez moi n'est pas douloureux, tout va très bien, c'est merveilleux. 

Je pourrais même sans problème effectuer les trajets en vélo. J'ai d'ailleurs cru que ça serait possible (si le temps restait clément) dès la semaine prochaine (1). Seulement ma mère va devoir rester à l'hôpital encore quelques temps : tout n'est pas si bien organisé qu'on a voulu nous le faire croire (2) et l'association qui avait un partenariat prioritaire avec l'hôpital pour un retour en hospitalisation à domicile ... ne couvre pas la commune où ma mère habitait habite. 

Ça me rappelle les histoires d'assurances santé qui ne couvrent qu'une région dont il est question dans "Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose" de Roz Chast. Je suis éperdument reconnaissante envers Milky qui me l'a conseillé.  C'est d'un immense réconfort, on se sent moins seules dans le marigot des fins de vie parentales non préparées. On se sent moins seules de n'être ni dans une configuration de type chagrin insoutenable de perdre des parents qui nous ont tant soutenus et aimés, ni dans une configuration de haine, juste un accablement, beaucoup de compassion et la sensation persistante d'une erreur originelle de casting, mais qu'on se doit d'assumer.
Après, ce livre parle du merveilleux cas de figure dans lequel l'argent y est. Ce n'est pas le nôtre, dans lequel l'argent n'y est pas non plus totalement pas. Juste ce "pas assez" qui empêche à la fois des aides suffisantes et des possibilités d'accès. 
Nous allons néanmoins essayer. En ce qui me concerne ça tient du respect de ce qui ressemble déjà à des dernières volontés.

Mais j'ignore comment nous allons y arriver.

Au milieu de la dureté et de la peine il y a des petits îlots de bons moments. 

La beauté des lieux. Habiter Paris ou certains points de l'Île de France, y travailler, c'est côtoyer quoi qu'on en dise pas mal de beauté.
Le métier de libraire. Quand les clients sont des gens décents, voire dans pas mal de cas formidables et que les finances vont à peu près bien, c'est un travail qui apporte de belles satisfactions. La matinée de ce jeudi aura été magique. Avec de bien belles conversations (tout en paquetcadeautant). 
Un bon repas. Ça n'était pas plus prévu que ça, mais pour l'un entre deux démarches à l'hôpital, pour l'autre à sa pause déjeuner, voilà. L'Italien du haut de la colline s'appelle Sempre al Viccolo et l'on s'y régale pour un prix raisonnable. J'ai eu de l'énergie tout au long de l'après-midi d'avoir si bien mangé.
Un SP attendu, qu'on m'a envoyé par gentillesse - ça n'était pas le circuit officiel mais quelqu'un avec lequel on travaillait dans les librairies précédentes -, et à peine ouvert, j'avais les larmes aux yeux. J'en parlerai sans doute bientôt Côté papier. Bonheur corollaire : Antoine Volodine parmi les personnes remerciées. Je ne sais pas pourquoi mais ça me fait toujours chaud au cœur, et même au sens littéral, une réelle sensation de chaleur, lorsque deux personnes que je connais (qu'il s'agisse d'amis ou de personnes que j'ai croisées dans le milieu professionnel) et dont j'admire le travail et que j'apprécie se révèlent être de grand-e-s ami-e-s. 
La lecture dans les transports. Combien il est satisfaisant d'à la fois effectuer un déplacement, prendre plaisir à une activité que l'on fait en même temps (lire), et ne pas contribuer à alourdir (trop) la pollution.
Les racontes du fiston au sujet de son boulot. Il raconte en rendant drôle. Il apprécie ce qu'il fait. 
Le bonheur de ma fille rentrant ravie de son premier opéra (en tant que spectatrice).
Quelques souvenirs heureux ressurgis grâce au "ce jour-là" sur FB.
Quelques messages d'ami-e-s, aussi. Et comme ça aide dans des périodes compliquées comme celle-ci.

Encore deux jours de boulot très intenses puis je pourrai souffler une journée - qui risque d'être rude, mais peut-être que changer de fatigue est une façon comme une autre de récupérer -. 

 

 

(1) Tant que ma mère est à l'hôpital qui est à 6 ou 7 km de mon travail, je fais (en voiture) des trajets triangulaires domicile - hôpital - travail. Dès lors que ma mère sera chez elle - plus loin -, aller la voir ne sera possible qu'en cas d'urgence ou les jours non travaillés ou travaillés à temps très partiel. Je pourrai donc récupérer ma possibilité des trajets simples domicile - travail en vélo.

(2) Je ne suis pas surprise le moins du monde. Ni non plus par les frais qui ont déjà commencé à fleurir sur le terreau du "pris en charge" qu'on nous avait présenté. Je ne demande pas à ce que tout le soit, mais j'aimerai que les frais ne dépassent pas la pension de ma mère. Ce qui est pour moi particulièrement flippant c'est que mon salaire horaire est inférieur à celui d'un-e auxiliaire de vie. Alors j'ai cette sensation de l'endettement qui se profile - même si en pratique je ne suis pas censée prendre en charge tout ça avec mon salaire - 


Lundi soir (moi aussi)

Le café serré de Thomas Gunzig 211216 (pas trouvé la version "Embed")

À part que je n'étais pas nue, et que je ne rêve pas de belles filles dans un jacuzzi (1), que je n'étais pas tout à fait à deux doigts du bonheur (cf. (3) et (4) et l'absence de (1)) et que je n'ai pas consulté les infos une fois au lit avant de m'endormir [pas folle la guêpe, disait-on dans le temps], mais bêtement en allumant l'ordi histoire de me détendre en rentrant du boulot de l'hosto (3). Voilà ça m'a fait pareil que lui. Et dans le même ordre. Et au bout du compte avec la même envie. De repli. Comme un réflexe de survie. 

Le boulot, intense ces jours-ci, et de ceux où l'on est requis - pas moyen de s'isoler perdu dans ses pensées -, fait office de bouclier. Et les spaghetti, c'est moi qui ce soir les ai mangés. Mais voilà, on en est là.

PS : Au passage, j'ai apprécié sur la page concernée, section "détails", l'humour du résumé

Capture d’écran 2016-12-21 à 21.27.31L'humour, ce qui nous reste encore parfois, quand tout est désespéré.

 

 

(1) Mais d'un beau garçon dans la piscine de mes rêves (2) à Bruxelles, pourquoi pas ?
(2) Sauf que j'apprends en cherchant une image qu'elle est devenue un peu moins de mes rêves depuis trois ans, ils ont profité que je ne venais plus ;-) pour lui ôter son élégant plafond et refaire les cabines (leur côté "à l'ancienne" participait de son charme fou). J'apprends au passage que ledit plafond avait tendance à tomber ; peut-être que je risquais ma vie lorsque j'y allais. On est peu de chose. 
(3) Pas pour moi, visite. Mais c'est sans espoir sur l'issue.
(4) L'affaire de la fuite d'eau invisible qui en raison d'une fixation obsessionnelle infantile de l'homme de la maison et d'un manque de transmission d'informations à notre égard, n'en finit plus et risque de nous coûter un fric fou qu'on n'a pas.

 


Monday evening

 

Capture d’écran 2016-12-20 à 00.26.00

J'avais à peine écrit un billet ce matin que j'ai dû filer, et environ une heure après j'apprenais par un SMS que finalement je n'aurais pas à aller travailler et puis la journée a semblé se détricoter, c'était très étrange, tout ce qui était cohérent et logique s'effilochait sans que j'y sois pour rien et puis finalement je suis quand même parvenue à me faire accompagner à l'hôpital où survit ma mère ces temps-ci et je me suis à nouveau fait accuser de tout et n'importe quoi (1). 
Un entretien avec le médecin, une jeune femme, active et compétente, comme sa collègue du service précédent, a permis de stabiliser quelque chose. Je persiste à penser que le choix pour la suite est une erreur, mais c'est celui de la patiente. On peut supposer que sa mise en œuvre effective marquera le début de la fin.

C'est donc très triste que je suis retournée chez moi, mais en ayant au moins vu la vieille dame reprendre courage à l'idée que ce qu'elle souhaitait se fasse. 

Pressée par l'homme de la maison, j'avais quitté celle-ci sans mon téléphone. J'avais passé presque l'entière journée loin de l'ordi. 

En le rallumant, j'ai été cueillie par cette stupéfiante photo qui circulait en toute liberté (2) :

Le début de la finque j'aurais cru tirée d'un film si le touiteron qui la relayait n'avait pas en deux mots expliqué de quoi il s'agissait. Le reste de la soirée, n'aura été qu'une succession d'annonces d'horreurs (Zurich, Berlin) et pour clore en beauté la confirmation de Trump par les Grands Électeurs. Tout venait merveilleusement en place pour une 3ème guerre mondiale (une première guerre nucléaire ?). "Plus rien ne ressemble à rien" avait dit la malade plus tôt dans la soirée, faisant preuve d'une sorte d'hyper lucidité prémonitoire. D'ailleurs il avait été jugé plus tôt dans la journée qu'on pouvait contribuer au détournement par un tiers de 400 millions d'euros de fonds publics et s'en tirer par une petite remontrance.

Alors j'ai tenté de remettre en état l'imprimante, sans doute la seule (toute petite) chose qui n'allait pas sur laquelle je pouvais encore espérer avoir de l'emprise. Et puis j'ai préparé ma journée du lendemain, dans l'hypothèse assez présomptueuse qu'elle ait lieu comme prévu, et regardé avec la complicité d'@athanorster, un dernier pétard avant la fin du monde.

Que faire d'autre quand tout se délite à ce point-là ?

  Capture d’écran 2016-12-20 à 02.03.03

 

 

(1) Je ne sais pas ce qui fait de moi un si bon bouc émissaire. Est-ce parce que je suis trop gentille et que les gens ainsi espèrent pouvoir abuser sans représailles ?
(2) J'ignore du coup qui créditer. Le photographe Burhan Ozbilic, présent au moment des faits a gardé un sang-froid remarquable et pris des photos jusqu'au bout mais il semble au vu de leur angle qu'il était de l'autre côté.