À notre insu fuyant l'annonce
21 août 2016
Il y a donc eu hier un attentat de plus en Turquie, avec un cran supplémentaire dans l'horreur, c'est une noce qui était visée et il semble que le tueur soit un tout jeune, qui se serait fait sauter au milieu des convives. Qu'ajouter de plus directement à ce sujet sinon l'expression de la compassion pour les personnes concernées et pour ce jeune lui même à qui on avait bien enlevé toute capacité de réfléchir. S'il n'avait pas croisé ceux qui l'ont conditionné, s'il n'avait pas été ou ses proches dans une situation de difficultés telles que leurs propos s'en sont trouvés attirants, nimbés d'une vérité, il en serait encore à affronter les difficultés de l'adolescence et les mariés à débuter leur union ?
En revanche je peux peut-être témoigner de la sorte de terrifiante distance qu'on finit par établir, à notre insu, lorsque le monde part en pire, tant que l'on n'est pas ou ponctuellement plus directement concernés.
Ce n'est absolument pas délibéré mais il y a une part de fatigue. Depuis la tuerie de Nice, plus encore par les déclarations affligeantes de certains politiques qui ont suivie que par l'horreur initiale, que j'avais suivie en direct via les réseaux car j'étais devant mon ordinateur lorsque les premiers touites de personnes sises à proximités des lieux et témoins du mouvement de panique consécutif sont apparus dans ma TL, suivi par une video intelligente sur Periscope d'un gars qui entrevoyait une part de la scène de son balcon et s'efforçait d'en rendre compte avec calme, je me concentrais sur mon travail et l'énergie nécessaire pour tenir. Il y avait les infos du radio-réveil au matin et des moments de parcourir les infos sur les réseaux, par exemple en attendant les bus qui m'y emmenaient, ou m'en ramenaient. Quelques newsletters. Je tiens beaucoup à mon nouveau travail et j'ai bien compris après les ennuis (bancaires) absurdes que j'ai eus en novembre que lorsqu'on n'est pas dans une vie aisée, la plus légitime des périodes d'inattention - comme celle induite par une catastrophe ou un drame collectif qui nous marque, qui nous fait nous sentir concernés -, peut être source d'ennuis certes secondaires en regard de la gravité des événements mais qui compliquent une vie peut-être pas si simple.
C'est peut-être dans un réflexe de tenir bon que je me suis jetée dans le plaisir de suivre les J.O. et cette actualité particulière qu'est le sport de haut niveau. Finalement une manière comme une autre de voir (enfin) des gens exulter et d'autres malheureux mais pour une raison qui ne les mettra pas en danger, ou qui plus tard les verra consolés car ils ont quand même réussi de grandes choses et l'âge venant en deviendront conscients.
Aujourd'hui je me suis consacrée à ma propre petite pratique sportive, sans au réveil écouter d'infos, puis à suivre la dernière journée de cette session olympique de Rio - le marathon m'intéressait -. C'est par le biais du geste de revendication de l'un des athlètes et par les explications transmises par une amie - via Twitter, là aussi -, que je suis revenue vers le courant de la marche du monde. Et par une réflexion de l'homme qui venait d'écouter, en préparant le dîner, des infos à la radio que j'ai appris l'attentat de Gaziantep. En remontant ma TL, je me suis aperçue que les premières personnes que je connaissais à en parler l'avaient fait treize heures plus tôt. Il était 21h en France quand j'ai effectué cette recherche, ça remontait donc au tout début de la matinée.
Je crois que c'est la première fois depuis l'avènement des réseaux sociaux et leur côté Infos en temps réel du monde entier que quelque chose de cet ordre survient que j'apprends par ailleurs avec plus de 24 heures de décalage. C'est peut-être présomptueux mais il me semble que je peux faire partie de la moyenne des internautes occidentaux, quelqu'un qui pratique au quotidien mais qui a une vie prenante, et n'est donc pas dans l'addiction. Ce délai a donc peut-être un sens au delà de mon cas particulier - pour lequel peu importe mais c'est celui que j'ai à ma disposition -.
Ne serions-nous pas en train de nous acclimater au pire, à l'inhumain, et de le tenir à distance relative, afin de ne plus se laisser (trop) dévier de nos vies, tant que c'est encore possible et avant un chaos réellement généralisé ?