Morts étranges de compositeurs


Capture d’écran 2018-11-20 à 22.00.40     Qui a eu cette idée folle de compiler sur France Musique les décès très SFU d'un certain nombre de compositeurs ? Le résultat est surprenant et fascinant. 

Respect à Enrique Granados, mort en tentant de sauver sa femme qui se noyait après que le bateau où ils circulaient ait été torpillé par l'armée allemande (c'était pendant la première guerre mondiale). Les photos sont très belles. 

(photo : Sergueï Prokofiev jeune, trouvée ici, j'espère qu'il n'y a pas de tracas de droits)
article de Léopold Tobisch


Mon téléfonino vous écrit


    Je venais d'envoyer un SMS pour parler à qui de droit du vélo de rêve dont je venais de faire l'achat, un SMS assez technique, de fait, puis de prendre le chemin du retour avec deux roues de rechange (du coup un peu chargée). J'avais mal fermé mon téléfonino, lequel avec la complicité de ma poche de pantalon s'est mis à être très bavard. 

Aux séries de hyhyyhyhyhy et autres hhhhh hij6yh que j'ai expurgées près, il a trouvé le moyen d'envoyer tout seul le SMS suivant : 

"Y y et et et de To To do et que je thé tchétchène de Clichy dans un état un état un état t'aime fort fort et de duvet hic hic c'est que jhve quelqu'un qui hhhh"

Je me demande encore où il est allé chercher tout ça (1) mais si ça continue il publiera avant moi.

 

(1) En particulier "tchétchène" et "duvet" que je ne crois pas avoir jamais mentionnés dans un SMS. "Le thé tchétchène de Clichy" ferait un bon titre. 


Les conséquences persistantes

 

    Ça fera trois ans en janvier l'attentat contre Charlie Hebdo, cette journée entière passée entre espoir et attente d'une mauvaise nouvelle, et de toutes façons déjà fracassée par ce qui s'était passé quand bien même l'ami, le camarade, lui s'en sortirait. La journée de boulot accomplie malgré tout (comment ai-je tenu ?), l'errance le soir à Répu, croiser les gens qui grelottaient, se rendre compte alors que moi si sensible au froid j'étais anesthésiée, après la mauvaise nouvelle, finir la soirée chez l'amie commune, bien plus que moi touchée. 
Ça faisait du bien de parler.

Le retour à Vélib en criant mon chagrin.
J'ignorais qu'un coup sordide m'attendrait le lendemain. Et que Simone me sauverait du vacillement compréhensible face à une réalité qui dépassait l'entendement. 

Les soirées passées avec les amis, notre seule façon de tenir. Mais combien ce fut efficace.
La grande manif du 11, qui nous donna la force, après de continuer.

Et pour moi : l'absence de ressenti intérieur du froid, et qu'elle perdure. J'en avais tant souffert, du froid perçu jusqu'aux tréfonds des os, c'était comme un cadeau. 
L'absence aussi de "frisson dans le dos". D'où que Poutine ne me faisait plus peur, alors qu'une simple photo de cet homme déclenchait jadis chez moi une réaction épidermique - de proie potentielle sur le qui-vive devant un prédateur -.

D'où que je ne percevais plus ni les regards sur moi, ni les présences derrière moi.

Quelque chose est resté débranché depuis tout ce temps-là. Je m'efforce de me préparer à une éventuelle réversibilité, mais j'en suis de moins en moins persuadée.

Ça change encore mon quotidien.

Je dois veiller intellectuellement à ne pas me mettre dans un froid persistant, car si je perçois moins le froid, mon corps en est traversé, l'absence d'alerte ne signifie pas l'absence de symptômes. Je m'enrhume davantage (1).  

J'ai dû m'habituer à cette sensation si nouvelle pour moi : avoir chaud. D'accord j'avais chaud par temps de canicule ou après le sport au sauna, mais c'était pour moi si rare, je savourais. J'apprécie encore, à ce titre l'été dernier m'a terriblement frustrée, à peine quelques jours à frétiller pleine de l'énergie reçue. Pour le reste grisaille et être habillée comme en demi-saison.
Ce matin encore en arrivant à la BNF, quelques secondes pour comprendre : ah oui, j'ai chaud là. C'est chauffé [chez nous toujours pas, seulement à partir du 15 octobre je crois]. Et je me souviens alors qu'en ces lieux la température est maintenue constante, j'y portais l'été des pulls légers et à partir d'octobre des pulls épais ou des gilets, tout en me disant C'est sympa les lieux publics mais ça n'est pas très chauffé et la clim l'été quelle plaie ! On a froid. En vrai : c'est tempéré, stable, et plutôt bien réglé. 

Ce matin aussi : ne pas avoir sentir sur l'escalator que quelqu'un me talonnait - du coup avoir failli, de surprise quand je l'ai constaté, foncer dans la personne immobile sur l'escalier qui me précédait (2) -. Avoir laissé se rabattre une porte au nez de quelqu'un d'autre : comme j'étais un peu pressée j'avais omis le coup d'œil de vérification avant de la tenir ou non. Je me souviens très bien d'un temps où je n'avais pas besoin de regarder, je percevais si quelqu'un me suivait. 
Combien de fois sur les trottoirs des trottinettes me frôlent, leur pilote persuadés que je les ai sentis venir et fais ma mauvaise tête mais vais m'écarter. Si l'engin est silencieux et leur coup de propulsion, je ne me rends pas du tout compte de leur présence. 
Et quand je suis perdue dans mes pensées ou que le #jukeboxfou de dedans ma tête me passe une musique assez fort, je n'entends même pas ce qui serait audible. Du coup dans la foule, je bouscule ou me fais bousculer, j'ignore des présences, j'écrase parfois des pieds.

Étrange héritage qui me met à la fois à l'abri enfin, et aussi en (léger) danger.

 

(1) Même processus avec l'ivresse : l'absence de signes doit être compensée par une vigilance accrue - ne pas dépasser certaines quantités -.  
(2) C'est l'ennui de ces longs escalators mono-voie. Si quelqu'un s'arrête tout le monde est bloqué.


Quatre ares cinquante centiares


    Moi que les documents administratifs et légaux mettent si mal à l'aise, avec leur langue au sens souvent dévié par rapport aux mêmes mots dans le langage courant, avec leur façon de créer une glaciation de la vie, une lyophilisation réduite aux instants les plus officiels - parfois en si cruels décalages d'avec la réalité charnue -, voilà que je suis tombée en fascination avec ce document. 

La copie n'est pas toujours très lisible, mais il en ressort clairement que mes grands-parents avaient acheté la petite maison, sa cour à l'arrière, son jardinet à l'avant ("Quatre ares cinquante centiares") en février 1943 lors d'une enchère à la bougie sur laquelle ils étaient les seuls enchérisseurs. Le nom de famille de certains des vendeurs - il s'agissait d'une large succession, une veuve morte sur place en 1940 et qui semble-t-il n'avait aucun descendant direct - est celui d'une famille dont ma mère me parlait comme des amis. Qui sait si mes grands-parents, qui avaient économisé en vain pour tenter d'acheter la maison où ils vivaient, au dessus de la boutique sur la place du marché, n'ont pas vu là l'occasion tout en ne laissant pas perdre leurs économie d'aider à dénouer une situation bloquée. 

Le document permet de comprendre qu'un propriétaire précédent détenait la maison depuis 1912. De quand date-t-elle donc ?

L'agrandissement qu'à fait faire mon père, un coin cuisine et une salle d'eau - WC et que je croyais construit d'à partir rien a en fait remplacé un cellier et une rangée de clapiers qui en dur existaient.

Ma grand-mère était probablement à l'origine de la décision, elle tient boutique au centre de la petite ville, une mercerie. Les autres femmes sont mentionnées "occupée au ménage", quant elle est "commerçante". Pour autant la phrase clef "En conséquence, Me Lemeland notaire adjuge [...]" stipule précisément "à monsieur et madame Gigory qui acceptent, la femme autorisée de son mari [...]" (1)

Signes encore plus cruels des temps, parmi les nombreuses personnes concernées par cette succession, trois des hommes étaient "actuellement prisonnier de guerre en Allemagne". L'un d'entre eux y a même un matricule et une adresse "14466 M.Stamlager S.C. [ou S.O., le document est peu lisible] Arbeit Kommando 1317].

Enfin, et le pire : dans les attendus ("Lesquels intervenants ont dit qu'ils se présentent [...], qu'ils sont mariée l'un et l'autre [...], que madame [...] était veuve, [...énumération de tous ceux concernés par la succession qui causait la vente]", cette précision finale : "qu'ils ne sont passibles d'aucune hypothèque légale, que tous les vendeurs sont de nationalité française et aryens." 

En effet à l'époque (2), eussent-ils été juifs, la maison aurait tout bonnement été confiée à un administrateur et certainement pas vendue en leur profit. Il tient donc à cela que la petite maison ait accueilli ma famille : personne n'était d'origine juive. Je tente de m'en accommoder en sachant que dans la petite ville, ce bout de Normandie, personne n'était concerné, que mes ascendants de fait n'ont grillé la place à personne, et que ça n'aurait rien changé, que la mention n'a été faite que parce que la loi inique d'alors le demandait, il n'empêche que ça peine. Me voilà extrêmement consciente que par deux fois dans ma vie, mes origines m'ont accordées un accès au logis (3). Et que c'était si discret que je ne l'ai su, ou n'en ai pris conscience qu'après, tant il est vrai qu'on ne sait par toujours qu'on bénéficie d'une sorte de rente séculaire de domination.

Je regrette de n'avoir pas connu l'existence de ce document auparavant. J'eusse aimé poser à ma mère quelques questions de son vivant. Il est trop tard à présent et un oncle par alliance est le seul survivant de sa génération. 

Le couple qui occupa la maison un moment s'était marié en 1897. Ils ont donc grandi du vivant de Victor Hugo. Comme c'est proche, comme c'est lointain !

Quant aux jeux des circonstances extérieures qui empêche de dérouler son existence, mes grands-parents maternels sont champions loin devant moi : une première guerre mondiale à leur 20 ans, une seconde en leur quarantaine et un achat de maison 1 an et 4 mois avant que la zone ne soit lourdement bombardée. Au fond mes difficultés admissibles ne sont que l'écho atténué perpétuant une tradition familiale. Et je suis plus âgée que ma grand-mère ne l'a jamais été.

 

(1) En revanche les femmes semblent de plein droit quand nécessité l'exige tutrices d'enfants mineurs garçons ou filles.

(2) Les lois "sur le statut des juifs" ont commencé à être prises en France dès octobre 1940. La confiscation de leurs entreprises et bien date d'un ordonnance du 18 octobre 1940 et depuis juin 1942 les arrestations ont commencé sans plus besoin du prétexte d'une infraction commise.

(3) L'autre fois c'était à la cité universitaire d'Antony, nous étions le seul petit couple d'étudiants locaux à demander un studio. Tous les autres, nous l'apprîmes à l'usage étaient occupés par des familles immigrées (avec enfants petits) qui trouvaient là des logis bon marché. Les étudiants français dédaignaient les lieux, réputés mal famés et effectivement très décrépis. La rapidité avec laquelle fut traité notre dossier reste pour moi le signe évident d'une discrimination positive.

PS : Un élément troublant est que la petite maison avait la même valeur chiffrée, à peu de choses près, en francs de 1943 qu'en euros de 2017 

PS' : Une des personnes mentionnée est "sœur naturelle de droit" de l'une des autres. Je ne suis pas certaine du sens de cette expression. 

 


Trois mystères dont un (vraiment) mystérieux


    En vidant, rangeant, triant, les objets personnels qui dans la maison où vécurent mes parents restaient nous concernant, nous sommes tombées sur trois micro-mystères.

  • Une "boîte" de feutres sans marque des années 80 encore en pleine forme d'état de marche 

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  • Ma calculette du temps des premières un peu perfectionnées, dont je m'étais finalement peu servie car à mesure que j'avançais dans mes études les autorisations s'agrandissaient. Le droit à la calculatrice aux examens, était passé de la simple, à la pourvue de fonctions mathématiques assez complexes, jusqu'à sa cousine programmable. 
    J'avais donc passé la mienne à ma sœur au moment où la programmation entrait en jeu. Elle l'avait utilisée jusqu'à son bac, une bonne calculatrice Casio FX180. Le bachot c'était en 1987. Et voilà qu'en poussant machinalement sur le bouton de mise sous tension ma sœur constate que l'outil fonctionne.  P7142085
    Trente ans après, la pile même pas HS (ce qui est stupéfiant).  
    Il fut un temps où l'obsolescence programmée n'avait décidément pas encore été inventée.

 

  • - Dix-huit diapos du Mexique. Des paysages, une vue urbaine avec mention du PRI, aucun doute (sauf pour une qui fait davantage Cordillère des Andes), c'est bien du Mexique qu'il s'agit. 
    Elles se trouvaient dans le bureau (meuble) de ma sœur, laquelle n'y a jamais mis les pieds ni personne de ses proches connaissances. 
    Nos parents, jamais n'ont voyagé si loin. Ni non plus moi. Aucune des vues ne permet de voir quelqu'un de notre connaissance. 
    Ce sont de bonnes photos (mes reproductions ici en sont mauvaises), quelqu'un qui avait la technique et un plutôt bon regard. Certaines sont des kodachrome, et leurs couleurs sont resplendissantes. Quelques unes portent une inscription "SEP 81"  d'autres "OCT 83" d'autres rien. Il y a une vue aérienne, or aucun d'entre nous à ces dates n'avait encore pris l'avion. Pas d'inscription sur la boîte qui est de plastique jaune d'or (celui des dias Kodak).
  • Bref, nous n'avons aucune idée d'où elles sortent, de pourquoi elles sont là, de qui aurait pu les confier à ma mère ou ma sœur ou mon père (auquel cas : pourquoi se seraient-elles retrouvées parmi les affaires personnelles de ma sœur ?) ni pourquoi.
    Elles pourraient être à l'un de mes cousins, alors fameux voyageurs. Mais pourquoi ont-elles atterri là ? 
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Nous voilà donc avec un fameux "Mystère des photos du Mexique" pour lequel le secours du Club des Cinq, du Clan des Sept, de Mick Chat-Tigre ou de Sherlock Holmes seraient le bienvenu.

Un petit tracas de temps (tic tac)


    J'ai toujours eu un problème avec le temps qui passe, et je pense que c'est à cause de ça qu'enfant j'ai commencé à écrire : le besoin d'un ancrage (encrage ?) face à son défilement affolant. Entre deux phases de longues heures de salles d'attentes ou de maladie, des bons moments qui filaient et qu'on se retrouvait au mauvais moment suivant, la vie cette grosse arnaque organisée par les grands. 
Devenue adulte à mon tour, je n'ai jamais sauf aux périodes de maladies (personnelles ou les plus graves des plus proches) trouvé le temps long. Ou si : à l'Usine une fois saisie par l'écriture et alors que ça correspondait à une époque de flicage de tous les instants et donc impossible de prendre une respiration, devoir aller aux toilettes jeter sur un calepin quelques notes - souvent les trouver illisibles au soir -, les journées de boulot n'en finissaient pas. Mais les soirs d'écritures une fois accomplie la présence et les devoirs familiaux passaient comme un éclair.

Ces derniers temps j'ai remarqué que j'avais comme un tracas avec la fin des années 80 et les années 90 du siècle passé. J'ai bien intégré que jusqu'en 1986, en gros mon enfance et ma jeunesse, l'âge venant, il s'agit d'un "autrefois". Le pays n'est plus le même, les mœurs, les façons de vivre ont évolué, les objets (irrésistible gif chez @sandiet), Capture d’écran 2017-03-19 à 22.13.06 pour certains ne sont depuis si longtemps plus utilisés que des adolescents d'à présent ignorent comment s'en servir si d'aventure ils en croisent.

Mais voilà :

Je ressens bien au quotidien que ma jeunesse est loin et ça y est j'ai parfaitement admis d'être d'un autre temps. Lorsque je regarde des images des années 60 que j'ai traversées bébé et petit enfant, c'est terriblement flagrant - une grande accélération des choses, que l'on croyait alors progrès, ayant eu lieu durant la décennie 70 -. Ce qui fait qu'en plus d'être assez amusant, on a l'impression d'être une survivante de temps anciens, c'est tout à fait digéré.

En revanche, et d'autant plus du fait de ma libération en 2009 d'un environnement professionnel qui n'avait aucun sens pour moi sinon permettre de payer notre logement, je n'arrive pas à admettre enregistrer que les débuts de ma vie d'adulte, l'air de rien, ont trente ans. Pour moi c'était hier, vraiment. Exactement comme si vingt ans n'avaient pas eu lieu et que je venais de commencer - ce qui n'est pas totalement incohérent, en tant que libraire mon expérience est de sept ans -. Je suis donc stupéfaite en constatant que les années 80 et même 90 nécessitent dans les films une reconstitution, que c'était même d'autres vêtements (1), qu'une video de 1987, que je perçois comme toute récente (je me souviens fort bien de ce que je faisais alors) date d'il y a trente ans, 30 ans, TRENTE !

J'ignore combien de temps perdurera cette stupéfaction. 

 

(1) Bon, ça c'est aussi que je m'habille sans modes. Et que depuis ma #viedelibraire et son manque d'argent je pratique le streetwear. 


BDJ (probably) - For the first time in months (or years ?)


    Il était 22 heures-quelque-chose, je venais tout juste de terminer tout ce qui était devant être fait, dont des lessives à dépendre, étendre, lancer et un peu de repassage obligé (1), je m'apprêtais à jeter un dernier coup d'œil sur mes mails peut-être répondre à quelques retards (2) quand soudain j'ai vu passer l'annonce de la libération anticipée possible de Chelsea Manning en mai 2017 via une grâce accordée par Barack Obama (3). J'ai mis un moment avant d'y croire (il m'a fallu attendre un touite d'Otir), puis pour la première fois depuis des mois et des mois, ma petite soirée personnelle - rien d'extravagant, je comptais vite tout éteindre et filer me coucher - aura été bouleversée par l'annonce d'un événement extérieur mais qui pour une fois me semblait juste, humain et réjouissant.

Je me suis alors rendue compte d'à quel point depuis le 7 janvier 2015 on (4) a pris l'habitude de voir des pans de nos vies quotidiennes happés par des éléments de l'actualité qui nous touchent, parfois même concrètement de près, et ont au moins l'impact (dans le moins pire des cas) d'interrompre ce que nous étions en train de faire pour nous laisser un temps l'attention fixée sur des fils d'infos, puis l'esprit ailleurs même si l'on a cessé de suivre. Mais que nous avions totalement perdu l'habitude que ce qui créait une aspiration de l'attention puisse être créé par une nouvelle positive, par quelque chose qui nous réjouissait, par exemple une décision politique que l'on approuvait.

Certes il y aura eu en France la grâce récente de Jacqueline Sauvage par François Hollande mais comme elle a eu lieu en deux temps et que l'affaire est peut-être (ou pas) moins simple qu'il n'y paraît, ça n'était pas une réjouissance nette - j'avoue avoir pensé avec le mauvais esprit que je ne sais pas ne pas avoir parfois Est-ce une vraie grâce ou encore une qui compte pour du beurre ? -. Pas une surprise non plus, plutôt de l'ordre du Enfin, il finit le travail ; probablement très injuste. Nous ne voulons plus de François Hollande comme président car il s'est comporté comme un retourneur de veste, menant dans bien des domaines une politique inverse de celle qu'il avait annoncée - ce qui est pire que simplement ne pas tenir ses promesses électorales -, mais on se rendra compte quand on aura changé pour bien pire, que sur le fond du travail il aura plutôt pas mal fait le job. Et aussi assuré dans des moments dramatiques. Mais bien souvent il n'aura pas été clair et net comme il est parfois souhaitable qu'un chef d'état le soit.

Donc le vrai effet de Ça alors ! Une décision humaine et pas si simple à prendre, bravo ! c'est venu ce soir par le président des États-Unis sortant.

Alors bien sûr ça ne résout rien de tant d'autres cas, eux aussi douloureux. Mais au moins pour celui-là les choses semblent s'arranger. 

Et une petite loupiote d'espoir que politiquement tout ne soit pas foutu se rallume. Timidement.

Et fort bordée de questions, comme le résume ce soir @edasfr : Pourquoi tant de bonnes mesures prises par Barack Obama à ce point au tout dernier moment, "se sentait-il contraint ? pourquoi ?". Qu'un politicien principal ne puisse prendre des mesures de bon sens et d'humanité qu'alors qu'il est presque libéré de ses fonctions, me semble très inquiétant.

En attendant, ne boudons pas notre plaisir, notre soulagement pour cette lanceuse d'alertes. Avoir ses activités interrompues par une bonne nouvelle générale, n'est vraiment pas, ou plus du tout, si fréquent.

 

(1) Nous réduisons le nôtre du mieux que nous pouvons mais comme il s'agit de quelqu'un d'autre et qui est malade, j'imagine, peut-être à tort, qu'une part d'hygiène entre en jeu

(2) En ce moment sorti du boulot, de l'accompagnement, des engagements sportifs (voilure réduite, j'ai déjà renoncé à des stages, des courses possibles) mode Je-fais-ce-que-je-peux On. Alors je suis en retard dans tout ce que je fais. Et l'appartement ressemble à un champ de bataille (après la bataille).

(3) Après, vu l'incontrôlable qui lui succède, n'y a-t-il pas de risque d'annulation ?
(4) ma petite famille ? la plupart de mes amis ? pas mal de mes concitoyens ? (je ne sais pas trop qui ce "on" contient, mais je suis assez persuadée de n'être pas la seule dans ce cas)

addenda du 18/01/17 vers 9h : Je m'aperçois grâce à Kozlika que je n'étais pas la seule 

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Ne jamais jeter sans les ouvrir ce que vous croyez être une publicité

 

    La semaine avant les brèves vacances dont nous tentons cette semaine de profiter malgré tout a été si chaotique que j'avais embarqué sans l'ouvrir le courrier papier reçu ces jours-là. 

Ce matin, passé les premiers bonheurs de festivaliers et une belle sortie de 16 km de course à pied le long de la Scarpe canalisée, qui est aussi un bonheur mais un peu fatigant, enfin un peu redevenus nous-mêmes, calmés de ce qui secoue lors de la perte d'un proche même déjà depuis longtemps entamée, j'ai entrepris de traiter ces documents, et payer les habituelles factures, électricité et communications. Un reliquat d'impôt dont la date limite est supérieure à notre retour attendra.
Deux courriers EDF sous son nouveau pseudo concernaient en fait un relevé (et non une demande de paiement) lequel a déjà eu lieu, c'était la première demi-bonne surprise. 
Une autre missive, que j'avais prise pour une publicité, sans doute une revue littéraire qui me cherchait comme abonnée, et que lassée d'être sans cesse et par tous les canaux sollicitée (1) (2). j'aurais très bien pu jeter, logo très discret, je l'avais seulement gardée car elle venait d'un pays que j'aime sans doute encore, comportait une invitation pour une soirée à l'Ambassade de Belgique en l'honneur d'un poète du temps où les poètes étaient souvent maudits mais admirés - et où poète ou peintre pouvait être considéré comme une sorte de métier, du moins pour les messieurs -.
Ce n'est pas incohérent que j'y sois invitée, je suis une bonne personne pour apprécier que son travail soit lu et sans m'y ennuyer, serait-ce au fin fond du Val d'Oise, ou dans un vestige de MJC mal chauffée. On n'est peut-être plus si nombreuses. D'ailleurs même si mes horaires de travail ne me permettront guère d'assister à l'ensemble de la présentation, je pense que j'irai.
Mais que diable me vaut l'honneur de cette invitation, pour laquelle je ne connais aucun des protagonistes annoncés, musiciens ou lecteurs ? 
Voilà un petit mystère de la vie qu'il m'amusera de (tenter de) résoudre.

En attendant, je me contenterai de partager un conseil que je me donne désormais à moi-même également :

Ne jamais jeter sans ouvrir ce que l'on croit être une publicité. 

 

(1) Merci à Anne (Savelli) pour ce lien vers le piégeage du consommateur par ultrasons 

(2) J'ai même reçu récemment une réclame pour amazon par courrier postal (!!!!!)


Les tenues

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Je n'achète pratiquement plus de vêtements fors quelques occasions qui nécessitent une tenue particulière, par exemple pour assister à un mariage, ou il y a trois ans pour me vêtir en vue d'un entretien d'embauche. En fait j'utilise ce que j'ai, et pour le reste je me débrouille en mode Fortunes de rues - lorsque je travaillais dans le XVIème arrondissement, j'ai refait la garde robe de toute la famille, l'air de rien.

À présent que l'inscription dans un club de triathlon me conduit à acheter d'un seul coup un complet équipement, aux couleurs de celui-ci, je suis donc toute surprise de cette profusion vestimentaire, d'une séance d'essayage durant laquelle je n'ai pas à arbitrer par manque de budget, mais qui sert simplement à déterminer la meilleure taille car les différentes pièces à acquérir sont déjà déterminées.

Du coup et pour la première fois de ma vie j'ai pu entrevoir l'ombre du début du frémissement de compréhension de ce qui poussait tant de personnes à aller parfois "faire du shopping", car c'est effectivement vaguement agréable que de sélectionner ce qu'on sera amené-e-s à porter, du moins lorsque le budget y est. Et où personne ne viendra vous faire le moindre reproche puisque c'est obligatoire.

Depuis mon enfance et les sessions achats de chaussures en Italie (plus belles, moins chères), j'avais oublié qu'effectivement, acheter peut comporter une part de plaisir, de festivité.

À part ça enfiler la tenue du club ça donner un préambule de trac. Serais-je [un jour] à la hauteur ?

 

[photos : contrairement aux apparences ce ne sont pas les couleurs du club (et j'ignore s'il y a coïncidence ou concertation)]


Dylan (encore un peu)

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Le week-end arrive et j'en suis heureuse : j'arrivais au moment où la fatigue risquait à nouveau de déposer une sorte de brume sur ce qui se vivait. Il faut dire qu'il n'y avait pas réellement eu de pause entre la semaine précédente et celle-ci puisque le seul jour de repos théorique avait été fort actif.

Pour la première fois depuis plus de dix ans, et même s'il y a eu du bon entre-temps, et (entre autre) une rencontre primordiale, je me sens soutenue par une brise favorable, ce n'est plus la tempête autour de mon radeau. La région est traversée par des vents violents et de sombres nuages d'amoncellent, mais en local, ça va mieux que ça ne le fut depuis 2003. Je naviguais à vue essayant simplement de ne pas sombrer et voilà qu'à présent je peux à nouveau considérer la carte, sortir les instruments, tenter de m'orienter. 

Ces discussions autour du Nobel de littérature participent de cette fragile et brève (je sais que ce temps sans turbulences sera de courte durée) euphorie. Ça fait du bien de se chamailler pour quelque chose de ce genre, ça détend, ça permet de souffler un peu. Le niveau global de violences et duretés a si bien augmenté depuis 2015, qu'on ne peut plus prêter attention à tout ce(ux) qui le mériterai(en)t. Un peu comme dans les transports en commun parisiens dans lesquels désormais pas une rame, pas un train n'échappe au passage d'un mendiant ou d'un autre. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut donner à tous, pour peu que l'on ait eu à faire plus de deux trajets et un peu longs. 
Alors se focaliser pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures sur un fait de divergence culturelle, c'est sans doute égoïste, mais ponctuellement ça fait du bien, ça permet de reprendre son souffle. 

Alors voici une image qui m'a fait rire, dont j'ignore l'origine, je l'ai pour ma part trouvée sur Instagram chez @driverminnie  et un texte subtil chez Vincent Message, qui permet à chaque lecteur de poser sa propre réflexion (je fais partie des libraires un peu chagrins, des "mais dans ce cas pourquoi pas Leonard Cohen ?" et de ceux qui savent combien certains écrivains auraient et mérité et eu besoin de la visibilité que donne cette distinction, je fais partie de ceux que ceci amuse néanmoins bien un peu) :  

 

« Le Monde » m’a proposé de réagir à l’attribution du prix Nobel à Bob Dylan. L’intensité des échanges sur les réseaux sociaux porte en quelques heures tout débat à ses points de saturation, et peut donner envie de passer à autre chose. Je pense néanmoins que nous pouvons nous estimer heureux de vivre dans un pays où chacun, à côté de la vie qu’il mène, est aussi sélectionneur de l’équipe nationale de football, ministre de l’éducation nationale et membre du jury Nobel. Je comprends, dans cette polémique, ceux qui disent que d’autres écrivains avaient plus besoin d’une telle reconnaissance, à une époque où la place de la littérature est extrêmement fragile. Je me sens plus loin de ceux qui affirment que Bob Dylan ce n’est pas de la littérature, ou qu’on ne peut pas être chanteur et poète. Mais au-delà de la polémique, j’ai voulu saisir l’occasion de rendre un hommage plus personnel à un très grand artiste, qui compte beaucoup pour moi.

"On raconte que l’été 1965, quand, au festival de Newport, Bob Dylan a mis un moment au rancart sa guitare acoustique et son harmonica pour jouer du rock électrique, les amoureux de folk dans le public n’ont pas suivi, ont sifflé et hué, ont crié à la trahison. On raconte que Dylan a continué sa route, désamour ou pas, accident de moto ou pas, pour traverser le blues, le gospel et la country, des mers et des montagnes, toutes les frontières. Aujourd’hui, ce sont les membres de l’académie Nobel qui le hissent sur un nuage en affirmant tout haut, avec le poids de l’institution qui consacre, ce que beaucoup de lecteurs se disaient déjà entre eux : Dylan est un immense poète.

J’ai découvert sa musique l’été 1998. Autant dire que je suis arrivé bien après la bataille. La marche sur Washington pour dire qu’on a un rêve, les eaux montantes des temps qui changent, c’était trois décennies plus tôt. Mais le combat ne paraissait pas avoir cessé. L’homme au tambourin et le jokerman continuaient de refuser, par sa voix, d’être les pions que manient les maîtres de la guerre. J’ai passé des années, ensuite, à recopier ses textes, à les faire lire à des amis, à suivre des yeux les vers que les notes portaient plus avant. On y regardait des bateaux se perdre dans la brume du lointain et, depuis la tour de guet, des cavaliers approchant sous l’averse. Le vent soufflait des réponses, hurlait, enflait en ouragan. Peut-être y avait-il, toute proche, comme un espoir, une jeune femme aux yeux tristes, la tête emplie des plus étranges visions, pour proposer un abri dans l’orage.

Il y a, dans les mondes de Dylan, des fulgurances qui éclairent brièvement, et des nuits de mystère que chaque lecture approfondit. Les énigmes qu’on y rencontre ne relèvent pas d’un ordre différent de celles qui se dressent à chaque vers des Chimères de Nerval ou qui hérissent la prose barbare des Illuminations. Il semble régner là une jeunesse éternelle. Personne peut-être depuis Rimbaud n’avait trouvé des mots d’une telle justesse pour dire l’indépendance sauvage, le mauvais sang qu’on a en soi, le feu qu’on veut voler et qu’on ira répandre partout. Dylan a continué de laisser sourdre la sève qui irriguait les feuilles de Walt Whitman ; il a lancé Mona Lisa sur l’autoroute à une vitesse surréaliste ; rêvé les vagues des océans depuis les chambres sans eau chaude qu’enfumait la petite bande de la Beat Generation.

Que cet insaisissable-là, nomade en refus permanent des responsabilités, qui a tenu très vite à n’être le porte-parole de rien, mais qui incarne toute cette époque, et ses espoirs, se retrouve célébré dans les palais de Stockholm, cela a quelque chose de doucement ironique.

On peut critiquer le choix. Les réactions que j’ai lues sont vives, souvent intéressantes : elles disent beaucoup sur les manières que nous avons de cartographier les arts et de penser les tours et détours de leur reconnaissance publique. Ceux qui regrettent de voir une si haute récompense aller à celui qui n’est à leurs yeux qu’un « auteur de chansons » ne se sont peut-être jamais penchés sérieusement sur ses textes, ou restent prisonniers d’une vision très hiérarchisée des formes d’expression, qui ne rend pas service aux arts. Il n’existe pas d’arts mineurs ou majeurs. Il y a, dans chaque domaine, une foule d’artistes banals, un bon nombre d’artistes honorables, et puis quelques très grands.

D’autres voudraient voir les catégories respectées, et les prix littéraires n’aller qu’à des auteurs connus d’abord pour des livres de littérature. Mais la littérature n’a jamais dépendu des supports qui la fixent ; elle déborde le livre depuis très longtemps, de tous côtés, et plus intensément encore à une période où elle s’écrit aussi pour internet, pour la radio, pour être dite lors de performances ou lue dans des expositions. Bob Dylan est-il moins poète parce que ses poèmes ont la forme de chansons ? Nous éprouvons encore beaucoup de difficultés à penser les œuvres hybrides ou les identités à traits d’union. Cela ré-ouvrirait l’avenir, pourtant, d’accepter qu’un poète-compositeur-interprète n’est pas moins compositeur ou poète parce qu’il est tout cela à la fois. Les Nobel ne disent pas que les frontières sont caduques ; ils n’affirment pas que toute chanson appartient de droit à la littérature, ou que la poésie passe aujourd’hui d’abord par la chanson. Ce que leur décision peut nous faire constater, c’est plus simplement que les limites sont poreuses, et que de grands artistes n’ont aucun mal à les franchir.

Sans contester le talent de Dylan, certains enfin soulignent que d’autres écrivains avaient bien plus besoin d’une telle visibilité que lui. Il est sûr que la littérature est un art des petites quantités, que le prix Nobel ne démultiplie à chaque saison qu’un court moment l’attention qu’on lui porte, et que la lumière d’exception qui va venir éclairer, dans les semaines qui viennent, l’œuvre déjà très exposée du songwriter aurait pu changer de manière plus décisive le devenir public d’œuvres comme les romans d’Antonio Lobo Antunes ou de Don DeLillo, comme les poèmes d’Adonis ou de Philippe Jaccottet.

Il n’en reste pas moins que jouer la carte Dylan, ce n’est pas jouer contre la littérature ou contre la poésie. Toute son œuvre s’en nourrit, y renvoie, y amène. Celles et ceux qui ne connaissent pas ses textes ont toute une Amérique à découvrir. Celles et ceux qui l’écoutent depuis des années peuvent se sentir en désaccord avec le choix des Nobel, mais pas, me semble-t-il, le trouver hors-sujet, aberrant ou déshonorant. Quand le bruit retombera, il restera Mr Tambourine Man, ou Shelter from the Storm, Sad Eyed Lady of the Lowlands, ou bien Visions of Johanna. Ces textes qui dans ma vie, et dans bien d’autres je pense, ont été comme des événements. Alain Rémond le disait dans le titre d’un des livres qu’il lui a consacrés : avec Dylan, un jeune homme est passé. Il est toujours jeune homme. Il continue de passer."

En récompensant Bob Dylan, l’académie Nobel a su reconnaître que la littérature ne vit pas que dans le livre. Elle nous invite à dépasser la difficulté que nous…
LEMONDE.FR
 
Le gag suprême est sans doute que, fidèle à lui-même, le principal intéressé n'a pour l'instant (que je sache) pas réagi à l'honneur qui lui était accordé
 
Depuis jeudi, un nombre impressionnant de clients nous ont souhaité "Bon courage" et nous nous demandions si nous avions si mauvaise mine, si c'était une allusion au surcroît de travail fourni par le vrai François et le Harry vieilli ou au manque à gagner du fait qu'aucun écrivain n'ait été primé.
 
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photo de photo prise lundi soir à la maison du Danemark 
 
 
addenda du 16/10/16 peu avant 16h : 
 
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