Poème concentré n°1

(J'ai trouvé samedi dans la rue un recueil de poésie datant d'il y a trente-quatre ans, imprimé dans le sud de la France ; dans la même veine que les poèmes express de Lucien Suel, je tente une petite expérience, histoire de voir si la poésie s'y retrouve)

 

L'image affleure
Mes larmes ont brûlé les rides, un bleuet.
Tu me livrais.

Pendant ce temps le chant
Ensorcelle
L'averse perce

Griffée, la fleur craque
Les oiseaux l'abandonneront.

 

Ce qui est très curieux, c'est que ça résume plutôt fort bien un certain état depuis jeudi en moi.


nb. : On est loin du texte initial, c'est pourquoi je ne le cite pas (en plus que je ne saurais en retrouver l'auteur pour lui demander son autorisation) n'en restent que certains mots, plusieurs expressions ("L'image affleure", "Les oiseaux l'abandonneront","L'averse perce", le début des larmes mais appliqué à autre chose) et leur ordre d'apparition comme au générique d'un film la liste des acteurs. Le sens final s'en trouve très différent. Ce qui est en commun est le champ sémantique. Merci à l'inconnu qui a jeté ce livre et à ceux qui en ce temps-là l'ont écrit et conçu.
billet repris dans La vie sans ailes (privé)


Hayden et Kendall à nouveau ensemble (à la manière de)


P7181934Parfois, je commets une photo de paparazzo. 

(prénoms empruntés à la presse pipole du jour, aucune idée de qui sont les uns et les autres - il m'a semblé que l'image était prise de suffisamment loin et d'une activité suffisamment peu compromettante - traverser au passage piétons - pour que je puisse la poster)


Recevoir la lune

(à nos mères irritées)

Il y a quarante ans, d'une banlieue parisienne.

Mon souvenir en est sans doute recomposé, puisque j'ai l'image d'un lever à l'aube quand c'est du soir français (me dit-on) qu'il s'agissait ; puis d'un père chuchotant quelque chose comme "Ça y est, ils sont arrivés".

Il ne s'agissait pas de mes cousins germains, que j'adorais, mais bien des cosmonautes (1) et qui alunissaient.

Que ça ait eu lieu un tard le soir et que papa me réveillait, ou un très tôt matin et que c'était elle par le bruit levée qui peinait à émerger, j'en garde forte impression d'irritation maternelle. Elle devait désapprouver une entorse à la régle rigide qui me voulait tôt couchée (2) ou bien de se croire obligée elle aussi de se lever alors qu'elle attendait un bébé tout bientôt à venir et qui lui pesait. Mémoire d'un été chaud (le fut-il ?) où elle souffrait et où de reproches justifiés (3) en réprimandes de principe (4) j'étais en train de perdre Mamamanbienaimée.

J'avais du mal à le croire, des êtres humains là-haut, dans cet astre étrange qu'on voyait certaines nuits, et les fusées comme des avions en pire. Souvenir précis des explications d'un père lui-même fasciné, et je dirais heureux, les étages successifs qui se détachaient et à la toute fin du périple le petit berlingot (5) qui tombait à la mer. Et ce sentiment d'injustice pour la période de quarantaine que ces grands voyageurs devaient subir après. Je les imaginais pères de famille avec des enfants éprouvés de ne pouvoir leur sauter dans les bras après déjà tant de jours et tant de grands dangers. J'étais si heureuse qu'il m'explique même si j'étais une fille et qu'il ne s'en tire pas avec l'esquive habituelle, Tu es trop petite (variante : Quand tu seras plus grande) que si souvent ma mère ou lui m'opposaient.

Il me reste aussi que la transmission du son me sidérait davantage que celle des images, allez savoir pourquoi. Peut-être parce qu'en ce temps là le téléphone était rare alors qu'envoyer des photos (d'accord sur papier, mais quand même) se faisait couramment.

Et une sorte de croyance populaire, naïve mais très ancrée : le progrès est si fort qu'il nous sauvera et puisqu'on est capables d'envoyer des humains là-bas on saura bien éviter cette foutue guerre nucléaire qui nous menace perpétuellement. Je ne crois pas que mon père l'ait dit mais je crois qu'il y croyait et se disait quelque chose comme puisqu'on a su faire, je ne connaîtrais pas, de mon vivant, de nouveaux bombardements et pas non plus mes enfants.

A ces bonheurs rares, se superposent quelques frustrations : que la phase entre le début de la retransmission et le premier pas ait été longue, si longue, bien trop longue. Qu'en revanche, après : bon, c'était fait, allez basta. Et pour cette part j'ignore si ce serait parce qu'on m'avait obligée à retourner dormir ou si c'était l'émission elle-même qui avait cessé. Et que j'aurais bien voulu revoir mais que ce fut une seule fois car pour cause de veto maternel je n'eus pas le droit jusqu'à un âge assez avancé de voir le moindre journal télévisé à cause des horreurs qu'il y avait. Et que bien sûr en ce temps-là les magnétoscopes s'ils existaient c'était pour la Nasa.

Et rétrospectivement je me rends compte combien c'était un privilège de grandir du bon côté de la planète dans un monde en progrès où tout irait de mieux en mieux. C'était l'évidence même. Rendez-vous compte, aller sur la lune, On l'a fait, rien ne pourra Nous résister.

Et ce sentiment, si gratifiant pour un petit enfant, d'avoir participé même si ce n'était que devant une télé à l'image vacillante, à Un Moment Historique, d'avoir comme les grands contribué.
 Fierté et émerveillement.


(1) Je sais qu'on dit astro- pour les USAméricains mais dans ma banlieue pourtant pas trop cosmopolite, on disait cosmo- pour tous. Et puis d'abord c'était logique vu qu'ils allaient dans le cosmos et non dans l'astros.

(2) Et que dés que j'ai su lire j'ai maladroitement détournée en attendant leur propre endormissement pour rallumer et bouquiner. Non mais.

(3) Je voulais apprendre à lire et on ne m'apprenait pas, du coup, comme j'ai vu longtemps plus tard dans "Pierrot le fou", je traînais dans ses pattes en litaniant "J'sais pas quoi faire", ou "J'm'ennuie" ; variante probable : je faisais des bêtises qui devaient l'excéder.

(4) Genre dans lequel mes parents excellaient.

(5) A l'époque le lait dans nos supermarchés naissants se vendait en berlingots et je trouvais que la forme ressemblait.