3 - Syndromes et symptômes

Le syndrome de Poulidor

 

    C'est d'être quand même assez doué-e au départ, et assez bosseur/euse pour parvenir dans un domaine ou un autre ou tout simplement dans la vie à un certain niveau. Celui qui fait qu'on s'intéresse à vous, que ce soit pour une mission, un emploi, ou humainement par affection, voire pour les prémices d'un amour. Hélas l'existence en général et le monde capitaliste en particulier exigent souvent de l'exclusivité, ne serait-ce que par rapport au spermatozoïde initial élu qui a préludé à nos arrivées dans le monde où il faut respirer.

Alors le syndrome de Poulidor c'est être assez bon-ne pour être sélectionné-e et resélectionné-e, finalement arriver là où il n'y a plus que deux personnes possibles ... et que ça soit finalement toujours l'autre qui soit prise, chaque fois à un cheveux près (1).

 

(1) Blond, si l'on est une femme hétérosexuelle et qu'il s'agit d'amour. 

L'attaque des mésaventures d'inadvertance

Différentes circonstances ou certains états d'âme peuvent faire un temps de la personne la plus structurée un être totalement distrait et donc la distraction entraîner des mésaventures d'autant plus resplendissante que qui la subit n'est pas accoutumé à faire avec ce défaut. 

L'amour à ses débuts ou ses chagrins issus, la mort d'un proche ou d'une personne admirée, ou une grande bonne nouvelle sont chez moi déclencheurs de violentes attaques de mésaventures d'inadvertance. J'imagine que je ne suis pas la seule soumise à leurs aléas.   

The By the way syndrome

Survient lorsqu'on est en communication avec quelqu'un pour une raison courante de vie quotidienne (professionnelle ou affective peu importe) et que la personne dans sa réponse glisse incidemment une information pour soi capitale et qui dans un sens ou dans l'autre change tout. 

Il peut s'agir de quelque chose d'extrêmement heureux ou de totalement destructeur. Le By the way survient le plus souvent par téléphone ou par mails - si on voit physiquement l'interlocuteur assez souvent il est peu probable qu'on ne soit pas averti de ce qu'il nous assène - :

• C'est toujours d'accord pour déjeuner vendredi ? Que dirais-tu de la petite pizzeria pas chère près de la gare ?
  - Avec plaisir. Au fait, on se verra de toutes façons lundi chez Drouant. 
  - Chez Drouant ?
  - Ben oui, pour ton prix.
• Tu es certain que tu ne pourras pas venir à Paris pour la présentation d'Ilaria ? [informations techniques pour se mettre d'accord sur comment recevoir l'invitée d'une rencontre littéraire]
  - Non je ne peux pas, mais je viendrai le lundi d'après, même si pour un aller-retour dans la journée. Je te fais confiance pour la rencontre [précisions d'intendance et recommendations]. Sinon, je voulais te dire que ça serait bien que tu ne m'envoies plus de SMS, tu comprends, j'ai rencontré quelqu'un et ça devient pesant, ça peut être embarrassant.
  
  
  

Il existe une forme particulière, le By the way par inadvertance. On est persuadé-e que l'autre est déjà au courant de ce dont on parle alors que non.  

• Je t'appelais pour te proposer qu'on déjeune, j'étais en vacances mais ça y est me voilà rentrée  [conversation pour préciser un rendez-vous de déjeuner "en ville"]. Au fait, tu y vas ou pas ?
• - J'y vais ou pas où ?
• - Ben à [nom d'une école d'ingénieurs]
• - Oh, je crois que je vais devoir repiquer une année.
• - Pourtant c'est une bonne école.
• - Oui mais ça m'étonnerait que je l'aie. 
• - Ben si, tu l'as, tu es dans la première liste tu auras même le choix. [un silence]. Tu ne savais pas ?

Ainsi qu'un By the way aggravé : la personne après avoir donné l'info bouleversante, s'absente (volontairement ou non) et ne répond pendant plusieurs jours plus à aucune question. L'aggravation s'aggrave si l'on n'a aucun autre contact qui nous permettrait d'en savoir plus.

• Salut, j'espère que tu vas bien. Dis saurais-tu si [demande d'une info pratique par exemple sur un mode de déplacement encore possible ou non, bus ou tram ou funiculaire pour rendre service à une amie qui visite la ville de l'interlocutrice] ?
• - Oh justement je pensais à toi. La Tante Xxxx (1) vient de mourir et nous étions avec [nom d'un cousin] à la messe en son honneur et nous parlions de vous, que ça fait trop longtemps que l'on ne s'est pas vus. [suit la réponse aux infos pratiques demandées et quelques phrases affectueuses]
  puis plus de réponse pendant 48 h au moins 
  
  
• (1) quelqu'un qu'on n'avait pas revu depuis longtemps mais qu'on aimait bien et avec qui on échangeait encore jusqu'à peu des vœux, quelques mots parfois.

Il est parfois un peu dur de ne pas compléter un solide "By the way" par quelque mésaventure d'inadvertance, car on peut rester un moment assez moralement assommés. 

Il est courant au cours d'une existence que l'on soit successivement le destinataire de quelques By the way mais également son producteur, particulièrement dans le cas du By the way par inadvertance, lorsqu'on est persuadé-e de n'être pas une personne détenant des informations encore confidentielles ou qu'on n'a pas deviné que quelqu'un nous avait mis dans une intime confidence (2) et qu'on estime notre interlocuteur beaucoup plus proche de qui s'est confié. Après avoir été plusieurs fois dans ma jeunesse une fauteuse de By the way j'ai pris l'habitude de poser la question de la confidentialité dès qu'on m'informe de quelque chose d'un peu sensible.

J'oubliais : il existe également un Tactful By the way : la personne qui le fait se doute qu'il y a anguille sous roche et n'osant pas poser directement la question, tâte ainsi le terrain.

Par exemple surprise d'une question sur le funiculaire de Montmartre à deux jours du décès de la tante Xxxx que tout le monde chérissait et sans même un mot de condoléances sans parler d'envoyer des fleurs, une cousine se demande si finalement il n'y avait pas eu une fâcherie avec la tante ou si l'info du décès ne lui était pas parvenue, ce qui est bizarre car l'info avait immédiatement été transmise à M. qui devait avertir sa branche de la famille. Ne voulant pas avoir l'air de reprocher une absence de réaction après l'annonce d'une mort, ni la non-transmission par M. d'une info capitale, elle tente un By the way. 

 

(2) cas typiques : l'annonce d'une union, d'un changement de sexe, ou d'une naissance à venir.

 

Le théorème du début fini

Si tu dois te débarrasser de ton rival, attends la fin du début.

(valable pour tout domaine, même si principalement amoureux)

réflexion inspirée librement par ce film ("2 automnes, 3 hivers" de Frédéric Betbeder), un bijou.

Le syndrome du chien enragé

J'ai le souvenir d'un roman d'Agatha Christie qui l'évoquait fort bien mais sous d'autres termes : une jeune fille accusée d'un vol dont elle ne pouvait se défendre tant il est difficile de prouver qu'on n'est pour rien dans quelque chose que l'on n'a vraiment pas fait, ni même songé à faire - du coup totalement pris au dépourvu d'en être soupçonné -, finit par adopter exactement le comportement d'une voleuse ce qui la rend coupable aux yeux des autres.

(heureusement Miss Marple ou Hercule Poirot veillaient)

Le syndrome du chien enragé tient de ça : Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Mais à force d'en être accusé, le chien peut devenir enragé.

Ça vaut pour à peu près tous les domaines de l'existence : acculés à une certaine situation par le biais de reproches, ruptures, accusations qui au départ servent surtout à qui les émet à justifier une sale conduite de sa part, la personne finit par entrer en conformité avec ce dont on l'accuse.

C'est typiquement le cas de la femme quittée, "tu n'es pas attirante pour moi" (implicite : ma nouvelle conquête, elle, l'est) et d'être délaissée et condamnée à une longue période d'abstinence sexuelle forcément on flétrit, on devient plus grise, sans énergie et nous voilà conforme à ce que l'amoureux versatile prétendait.

C'est le cas dans un grand nombre de harcèlements au travail : quelqu'un dont tout boulot est systématiquement dénigré - alors que peut-être au départ il ou elle n'a que l'heur de déplaire, de n'être pas conforme au moule comportemental du moment - finit par accumuler les erreurs, du fait d'être inquiet, de se sentir sur la sellette, de savoir que quoi qu'il fasse on lui dira que ça ne suffit pas. Le [mauvais] manager n'aura plus qu'à dire à sa propre hiérarchie : il / elle est nul(le), vous voyez, je vous l'avais bien dit.

C'est le cas dans les endroits où l'on se montre systématiquement soupçonneux envers les gens qui viennent. Et qui pour certains d'entre eux franchiront le pas d'agir en fonctionne du soupçon qui pèsent sur eux : puisqu'ils sont déjà considérés comme ayant mal agi, pourquoi s'en priver ? Autant disposer au moins des avantages éventuels de la mauvaise action (1).

Il est excessivement difficile de lutter contre l'enragement où l'on nous met, malgré la conscience qu'il permettra à celui qui nous y a mis de dire à qui est la cause de notre malheur : Tu vois, je te l'avais bien dit [il / elle est ainsi et c'est insupportable]

 

(1) Pour la même raison il convient de ne jamais acculer les autres à n'avoir rien à perdre. Qui n'a plus rien à perdre peut devenir capable de tout, ne serait-ce que pour avoir la sensation de mériter un tant soit peu le sort qu'on lui fait.

 

L'imprescriptible loi de la gaussienne humaine

source : fonction gaussienne article wikipédia 

On le constate chaque jour en vieillissant : toute activité humaine ou touchant les humains ou un groupe de ceux-ci suit une courbe de Gauss. 

Cela vaut dans le travail, dans des répartitions de taux d'immunisation, dans l'évolution des liens affectifs, l'état de santé de chacun (pour quelqu'un qui était normal enfant) ... 

C'est flagrant pour les activités de groupes, l'évolution des blogs et des rassemblement y afférents a été celle-ci très exactement, une montée en puissance vers 2007-2008 quand les pionniers œuvraient depuis la fin des années 90 et à présent après ce pic un étiage qui ne contient plus que ceux pour qui l'activité a un sens solide (par exemple les blogs liés à des activités professionnelles), les autres ayant migré vers les réseaux sociaux lesquels prenant un virage espiono-mercantile ne vont pas tarder à être supplantés etc.

C'est flagrant pour les réunions autour d'activités, lesquelles sont sources de bonheurs tant que de nombreux participants ne sont pas appariés. La place des hommes ensuite chute de façon drastique. D'ailleurs le plus souvent une fois leur dévolu jeté sur une partenaire et que la séduction a eu lieu elle continue un temps à venir (tant qu'ils ne sont pas installés sous le même toit) et lui déjà ne vient plus ou pas.

C'est flagrant pour les lieux de convivialité, il y a un moment de pente ascendante, une bonne adresse que l'on se communique entre initiés puis on se l'est si bien communiquée qu'elle devient trop fréquentée, on s'y fait même réprimander si l'on rit, et alors les premiers habitués se mettent en quettent d'un endroit plus calme et resté authentique.

E cosi via.

Le tout pour s'en sortir et n'être pas trop malheureux est d'avoir assez d'allant pour conbiner différentes activités et avoir suffisamment d'amours et d'amis pour que la fin d'une gaussienne concernant l'un ne coïncide pas avec la fin des autres. Sinon le désespoir survient.

Il se trouve qu'en ce moment, heureusement que je démarre un nouveau boulot avec toute l'implication requise car sinon plusieurs de mes refuges sont simultanément en fin de cycles - l'amour des uns ne fait pas le bonheur des autres - sans compter l'amour même qui dans mon cas a vu sa gaussienne brutalement brisée - si la souffrance des ruptures subies est sans doute à ce point insoutenable c'est parce qu'elle correspond à une courbe brisée, un cycle de notre biologie interne mis à mal.

Il faut savoir que l'on peut enchaîner plusieurs cycles concernant la même personne, la même activité, que dans de rares cas on parvient à induire une progression sans décroissance mais c'est généralement au prix de vigoureux efforts (je pense à la condition physique, on peut à force d'entraînement différer l'amorce de la phase descendante).

Mais cette forme d'évolution dans le temps est inéluctable et particulièrement quant au désir des hommes. Qu'on se le tienne pour dit.

 

Le syndrome de la collaboration littéraire (et des roucoulades publiées)

 

Si d'aventure deux personnes qui écrivent et sont de sexes et orientation sexuelle compatibles se mettent peu de temps après leur rencontre à collaborer sur différents projets, leurs conjoints ou compagnons ou fiancés respectifs peuvent se faire du soucis, fors à être d'heureux poyamoureux.
Depuis le temps que je fréquente le milieu, je ne connais pas un seul cas qui n'ait été le signe d'une idylle qui devrait perdurer. Et les gens qui écrivent sont généralement assez doués pour fracasser ceux ou celles qu'ils délaissent, sans doute en raison d'une forme d'égoïsme nécessaire pour parvenir à consacrer son temps à l'écriture et qui rejaillit sur le reste. 

Alors surtout si vos propres emplois ou travaux vous mènent vers d'autres centres d'intérêt, ne soyez pas naïfs évitez de vous féliciter de ce que votre bien-aimé(e) ait trouvé un compagnon de jeux. Il risque de devenir prochainement le compagnon tout court.

L'étape suivante, ce sont les roucoulades, cousines à quatre mains des poèmes de CE2, parfois d'un niveau presque supportable car les femmes, souvent, savent écrire sur leur amoureux (1). Mais forcément insupportables pour ceux dont l'aventure, la nouvelle passion, fait des laissés pour comptes. C'est aussi parfois un moyen que trouvent, croient-ils souvent en toute bonne foi involontairement (2), les néo-amoureux pour avertir de leur infortune le partenaire précédent et non seulement le délaisser mais lui imputer la rupture, puisqu'il lui sera impossible de lire ou d'entendre lu (3) sans réagir et que 7 fois sur 10 dans de tels cas (4) la réaction induit une séparation, quand ce n'est pas un suicide - ce qui est aussi une forme de séparation mais plus définitive -. La crédulité fictionnelle confine parfois à l'aveuglement mais n'est pas sans limites.

Pour l'instant je ne connais qu'un seul couple qui fait exception et a su s'en tenir au stade fructueux de projets communs, faire que leur 1 + 1 soit supérieur à 2 unités de créativité, sans pour autant tomber dans rien qui puisse peiner leurs amours antérieures. Pour eux le plus grand respect. Puissent-ils perdurer. Je crains que la passion n'engendre le "un pas de plus" avec fatalité.

 

(1) Ça peut même être troublant les similitudes entre ce que deux femmes peuvent écrire de leur expérience respective avec le même homme, alors qu'elle ne se connaissent pas et qu'un des textes, parce que certaines amoureuses savent rester un peu dignes, est demeuré impublié. Et qu'il n'y a donc pas eu de communication possible.

(2) Le fameux : Je ne comprends pas, d'habitude elle ne lit jamais ce que je fais. Ou pour qui publie sur l'internet : Mais comment se fait-il, il n'y va jamais ?

(3) Ah, les moyens modernes d'enregistrements et leur cruauté électronique ...

(4) Les 3 cas où ça ne se passe pas concernent des citadins surrendettés ou qui peinent tant à deux à payer d'exorbitants loyers qu'il leur est impossible matériellement de ne pas faire toit commun si le nouvel amour ne s'offre pas avec hébergement intégré. 

 

Le syndrome amoureux du poème de CE2

Il touche essentiellement les hommes hétérosexuels.

Probablement parce que les femmes ont été de générations en générations formées à éviter de trop dévoiler leurs sentiments, et que celles qui savent y faire excellent à prétendre qu'elles ont bien d'autres prétendants - rien de tel pour rendre, hélas, un homme vaillant -.

Et que par ailleurs les homosexuels n'étant pas concernés par des siècles et des siècles de contes de belles blondasses (1) vulnérables princesses à petits petons, et preu chevaliers venant les délivrer, les embrasser, les chausser sont peu ou moins tentés de plaquer des images d'épinal sur leurs propres sentiments. Ils sont condamnés à innover et par là même évitent certains poncifs.

Le poème de CE2 est donc cette production plus ou moins rimée maladroite qui survient dès lors qu'un homme hétérosexuel tombe amoureux d'une (belle, forcément belle, voire très belle) femme, lors des débuts de floraison de la sensation ce sentiment. Un truc qui peut être terrifiant si l'on est l'élue et que l'idylle naissante se trouvait équitablement appréciée - Bon sang, mais c'est donc ça qu'il a dans la tête, mais il a quoi, 10 ans ? - et totalement sidérant si l'on est juste une bonne copine passant par là sur un blog qu'il tient, ou pire : consultée sur la bonne tenue de l'œuvre et les potentialités favorables de sa réception.

Attention : s'il est émis par un homme qui vit loin des livres et des lettres ou dans une autre langue et s'essaie pour une fois au français, le poème de CE2 peut être extrêmement touchant. Il ne mérite en aucun de ces cas d'être accueilli avec ironie. Il est alors le fruit d'un très louable effort.

Il n'en demeure pas moins que le cas le plus fréquent est celui de l'homme éventuellement écrivain de profession, en tout cas fin lettré, et qui soudain dégringole au niveau d'un petit bonhomme dans la cour de récré, tentant de ressortir des bribes mal assimilées de ce qui en classe lui a été inculqué. Il y aura des Mélusine, des enchantements, des chevelures dégoulinantes ondulantes, des parcelles de corps excessivement admirées, des jambes interminables (non, à la réflexion, assez rarement, la jambe interminable étant réservée à la description alléchante pour des tiers) ; parfois de la grandiloquence dans un sursaut d'orgueil, afin de se montrer cultivé. La mythologie grecque est du meilleur effet (2). 

La lectrice extérieure se dira : Oh le pauvre, qu'est-ce qui lui prend ? 

Si elle a un tant soit peu d'expérience elle comprendra qu'il lui faudra se passer de la compagnie de cet homme, tout bon copain qu'il fût, pendant environ un an, voire deux dans les cas graves. Après, ça se tassera et il récupèrera l'usage adulte de son cerveau. Si l'élue de son cœur n'est pas d'une jalousie maladive, il devrait même à nouveau pouvoir disposer d'un peu de son temps pour partager avec les ami(e)s à nouveau de bons moments. 

L'amie, la camarade devra aussi se blinder pour ne pas éclater de rire, ce ne serait vraiment pas charitable envers la nouvelle aimée, lorsqu'il la lui présentera des étoiles plein des yeux ; il n'est pas du tout exclu que la douce et fine Mélusine soit certes une fausse blonde aux cheveux longs mais dûment équipée d'un physique de lanceuse du poids, et que les escarpins élancés évoqués dans la 3ème strophe soient de taille 43 ; l'amour fou génère parfois d'étranges effets sur l'ophtalmie. Il est d'ailleurs fort probable que la plantureuse et généreuse poitrine soit menue, ou les petits seins si délicats à prendre en paume de vulgaires gros nichons (3). Bref, si vous tenez le rôle de la bonne copine, sachez-le, il faut s'attendre à tout (et presque systématiquement au contraire de ce qui fut écrit).

 

Le poème de CE2 est généralement dépourvu d'une longue fratrie, il a parfois un ou deux cousins de moindre envergure dans les premiers mois, à moins que la belle au début ne se montre à ce point réservée qu'il faille en produire de nombreuses répliques censées l'aider à céder - avec parfois l'effet inverse, un sauve-qui-peut assez sensé au vu de la production littéraire énamourée -.

Il ne convient toutefois pas de se réjouir trop vite qu'un homme qui ne vous laisse pas indifférente et semble s'intéresser à vous échappe à ce syndrome, voire reste capable de proposer à votre intention des textes courts, réellement poétiques et vraiment émouvants. Cela peut-être simplement le signe que vous avez affaire à un séducteur aguerri qui, sans parfois en avoir conscience tant ce comportement est ancré en lui, a entrepris à votre intention une manipulation dont il maîtrise les étapes. Si ridicule qu'il soit, le poème de CE2 est le garrant d'une sincérité qui peut même se révéler solide et d'assez longue durée.

Il convient simplement de parvenir quoi qu'il en coûte à ne pas s'esclaffer. 

D'ailleurs au fond de moi, je plains secrètement ceux de mes amis qui n'ont pas eu l'occasion d'écrire ou pas depuis longtemps leur propre poème de CE2.

 

(1) On aura remarqué que Blanche Neige est la seule brune revendiquée du lot.

(2) On parle d'ailleurs alors plutôt de poème de CM2.

(3) Entendons-nous bien, dotée moi-même d'un physique assez peu gracieux si ce ne sont des attaches fines et des yeux d'une couleur assez rare, je suis au contraire ravie que certains hommes, malgré l'intense conditionnement sociétal, s'intéressent à d'autres types de femmes que les crypto-Marilyn, certaines femmes de footballeurs (4) et autres poupées Barbie. C'est seulement du contraste entre la perception, l'écrit et la réalité dont je souris.  

(4) Je parle de celles qui sont assorties à la Porsche Carrera ou à la Ferrarri. Heureusement tous les footballeurs en sont pas si prévisibles. 

 

Le syndrome malencontreux du grand amateur

Tous ceux d'entre vous qui ont une (ou plusieurs) passions dans leur vie l'auront tôt ou tard éprouvé.

  

Voilà : vous êtes professionnel dans un domaine, par exemple les pompes funèbres, l'aide aux personnes âgées ou la comptabilité, et grand amateur dans un autre qui ne vous permettrait pas d'en vivre : l'opéra, l'œnologie, les grands whiskies, le cinéma, le théâtre, la photographie, la littérature, le rock'n'roll des années 60.

  

Alors voulant vous faire plaisir, et comme votre métier de base comporte un taux d'inspiration de cadeaux joyeux faible, vos proches, amis et connaissances ont tendance s'ils doivent vous accorder un présent, à tabler sur un élément lié à ce dont on vous sait passionné. Là réside toute la difficulté : en tant que grand amateur vous en savez davantage que tous vos camarades réunis, à moins que vous ne fassiez partie d'un club et que vos proches aient la bonne idée de s'adresser à leurs membres éclairés. Variante : vous possédez déjà tout ce qui peut être acquis à un prix raisonnable. Et voilà que voulant vous prouver qu'on vous aime on vous offre, des places onéreuses pour une interprétation que vous aviez soigneusement évitée, un deuxième grand cru classé et d'une mauvaise année au lieu du premier, un blended à la bonne réputation usurpée, des films aux bonnes critiques mais qui sont de ceux que vous détestez, des tickets pour une performance expérimentale extrême (au prétexte que vous aimez les choses un peu élaborées), un matériel incompatible avec votre équipement préalable, le dernier Goncourt (1), un disque de new-wave (que vous détestez, Mais pour te changer).

  

Bien sûr on est à une époque où les cadeaux se recyclent sur e-bay (3), mais voilà, il se trouve que le grand amateur est souvent vieille-école et a des scrupules encore à adopter de notre époque certains comportements cavaliers.

  

Le grand amateur est donc pratiquement condamné à ne jamais recevoir de surprise à ses goûts. À moins que ceux qui l'aiment ne sachent lui faire découvrir quelques délices dans des domaines qu'il n'a lui-même pas encore explorés, ou n'aient le sens du cadeau utile, simple et classe mais qui facilite la vie. 

 

(1) Sauf cette année car il est très bien (2). Mais justement comme il l'est, vous l'avez lu.

(2) De Pierre Lemaître "Au revoir là-haut"

(3) Au fait qu'as-tu fait de la montre que je t'avais achetée, en la choisissant avec soin afin qu'elle puisse t'aider ?

PS : Si votre domaine professionnel est un tantinet glamour, par exemple chef cuisinier dans un restaurant élaboré, le syndrome associé aux cadeaux, variante de celui-là, peut-être pire : on croira vous faire plaisir en vous équipant d'un élément lié à votre travail. Onze risques sur dix qu'il ne vous serve à rien (à moins d'une enquête préalable de proximité sur quelque chose qui manquait), qu'il corresponde à des trucs amateurs dont vous ne ferez rien (vous êtes à des coudées au-dessus du niveau de ce qui vous est présenté), ou même s'il est bien visé qu'il tombe dans votre zone de saturation (par exemple évitez d'offrir un roman à votre ami éditeur qui s'épuise déjà à lire - je dis ça, il m'est arrivé de le faire -)

Le syndrome du bide de la boudeuse

(Je dis boudeuse parce qu'elles sont plus nombreuses en proportion que les boudeurs, mais ils existent aussi)

 

Alors voilà il y a quelqu'un qui est mécontent, de vous ou de façon plus générale (par ex. sur les réseaux sociaux), et qui choisit de marquer son mécontentement par le silence ou l'effacement.

Le hic c'est que par exemple s'il s'agit d'une amie qui soudain ne me répond plus, j'ai une tendance naturelle à lui trouver des tas d'excuses, me dire, elle doit avoir trop de travail (ou au contraire : être en vacances et souhaiter de l'isolement) et il se passera très longtemps avant que je ne revienne aux nouvelles - généralement sans même imaginer un seul instant que le silence était calculé -. Variante : quand la relation est déséquilibrée et qu'il s'agit de quelqu'un qui nous suit de près mais qu'on considère comme une simple connaissance, le silence peut carrément passer inaperçu. C'est en recevant un message, soit de type Renouons les liens, soit vindicatif avec des reproches portants sur une parole pour nous anodine et prononcée des mois plus tôt et sans la moindre arrière-pensée, qu'on s'aperçoit que l'autre boudait.

 

Variante sur les réseaux sociaux : on veut faire comprendre à quelques-uns qu'ils ont abusé (ça peut être après un débat saignant comme l'internet en produit parfois - plus facile de dire des horreurs à un écran qu'en face à un humain, on a tendance à aller plus loin et le ton n'est pas là pour indiquer à quel degré de colère ou de dérision on se trouve -) alors on efface son compte, on disparaît. Huit fois sur dix ce ne seront pas ceux qu'on cherchait à toucher qui vont s'inquiéter mais bien d'autres contacts paisibles qu'on avait et qu'une volatilisation aura alarmés. 

Dans un cas comme dans l'autre la bouderie est une méthode risquée : on se prive d'échanges pour une efficacité hasardeuse envers qui était concerné.

(PS : Je ne l'ai jamais pratiquée, quand je suis silencieuse c'est tout simplement que je suis débordée - auquel cas je ne réponds qu'aux choses immédiates et concrètes, quand bien même j'adore mes correspondants (1) -)

(1) Et peut-être d'autant plus que car alors j'attends d'avoir un moment calme pour leur répondre vraiment ... et qui ne m'est pas accordé avant parfois longtemps.