(compagnon de déroute du syndrome de George Bailey)
Hélène Bessette était l'un des écrivains les plus géniaux de sa génération, mais voilà elle avait 40 ans d'avance, était une femme, ne rentrait pas dans le moule (jamais, aucun) et il faut bien l'avouer subissait une forme de poisse assez carabinée. Par exemple, son seul roman qui aurait pu lui valoir quelque reconnaissance commerciale fut interdit car quelqu'un qui s'y était trop reconnu (1) lui avait intenté un procès et l'avais gagné. Ou encore lorsque prête à tout pour s'en sortir elle part à Londres et s'emploie comme femme de ménage, mais voilà que son principal client s'avère être un ancien ponte mussolinien.
Le syndrome de la malédiction bessettine mineure c'est, lorsqu'on écrit, de se trouver confronté à des tuiles, des sales coups de la vie, chaque fois que l'on est bien partis et qu'un texte, un roman, est sur le point d'être bouclé ou presque présentable. Et que tant qu'à faire l'événement perturbant a suffisamment d'importance pour rendre caduques les efforts fournis, épuiser le sujet, le reléguer aux oubliettes. Par exemple subir une rupture amoureuse alors qu'on était en pleine lancée sur un projet soutenu et presque un peu guidé voire inspiré, par qui nous a quitté(e), devoir s'occuper d'un vieux parent âgé atteint d'une pathologie qui grignotte la mémoire alors que l'on écrivait en lien et restitution respectueuse de ses souvenirs partagés, être happé(e) par un job qu'on ne peut financièrement refuser alors qu'il nous manquait peut-être un mois de travail sur un roman se déroulant dans le milieu professionnel précédent - d'où qu'après, trop d'interférences ont brouillé le sujet -.
Pourquoi mineure ? Parce que qui que l'on soit il est peu probable que les ouvrages avortés aient eu, achevées, le niveau de ceux d'Hélène Bessette. Et qu'aussi elle est parvenue, malgré l'adversité a constituer une œuvre. C'est sans doute à ça qu'on reconnaît les plus grand(e)s.
(1) alors que, si mes souvenirs sont bons, ça n'était qu'accessoire ou involontaire ; rien à voir avec un livre à charge contre quelqu'un qui, dûment mis en cause et visé à titre principal, proteste.
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