J'ai le souvenir d'un roman d'Agatha Christie qui l'évoquait fort bien mais sous d'autres termes : une jeune fille accusée d'un vol dont elle ne pouvait se défendre tant il est difficile de prouver qu'on n'est pour rien dans quelque chose que l'on n'a vraiment pas fait, ni même songé à faire - du coup totalement pris au dépourvu d'en être soupçonné -, finit par adopter exactement le comportement d'une voleuse ce qui la rend coupable aux yeux des autres.
(heureusement Miss Marple ou Hercule Poirot veillaient)
Le syndrome du chien enragé tient de ça : Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Mais à force d'en être accusé, le chien peut devenir enragé.
Ça vaut pour à peu près tous les domaines de l'existence : acculés à une certaine situation par le biais de reproches, ruptures, accusations qui au départ servent surtout à qui les émet à justifier une sale conduite de sa part, la personne finit par entrer en conformité avec ce dont on l'accuse.
C'est typiquement le cas de la femme quittée, "tu n'es pas attirante pour moi" (implicite : ma nouvelle conquête, elle, l'est) et d'être délaissée et condamnée à une longue période d'abstinence sexuelle forcément on flétrit, on devient plus grise, sans énergie et nous voilà conforme à ce que l'amoureux versatile prétendait.
C'est le cas dans un grand nombre de harcèlements au travail : quelqu'un dont tout boulot est systématiquement dénigré - alors que peut-être au départ il ou elle n'a que l'heur de déplaire, de n'être pas conforme au moule comportemental du moment - finit par accumuler les erreurs, du fait d'être inquiet, de se sentir sur la sellette, de savoir que quoi qu'il fasse on lui dira que ça ne suffit pas. Le [mauvais] manager n'aura plus qu'à dire à sa propre hiérarchie : il / elle est nul(le), vous voyez, je vous l'avais bien dit.
C'est le cas dans les endroits où l'on se montre systématiquement soupçonneux envers les gens qui viennent. Et qui pour certains d'entre eux franchiront le pas d'agir en fonctionne du soupçon qui pèsent sur eux : puisqu'ils sont déjà considérés comme ayant mal agi, pourquoi s'en priver ? Autant disposer au moins des avantages éventuels de la mauvaise action (1).
Il est excessivement difficile de lutter contre l'enragement où l'on nous met, malgré la conscience qu'il permettra à celui qui nous y a mis de dire à qui est la cause de notre malheur : Tu vois, je te l'avais bien dit [il / elle est ainsi et c'est insupportable]
(1) Pour la même raison il convient de ne jamais acculer les autres à n'avoir rien à perdre. Qui n'a plus rien à perdre peut devenir capable de tout, ne serait-ce que pour avoir la sensation de mériter un tant soit peu le sort qu'on lui fait.
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