1990 puis 1995 - Allées Gambetta
Après la naissance de ma fille, j'étais revenue de la maternité dûment pourvue de l'ordonnance pour la rééducation post-natale, pas trop enthousiaste à l'idée de devoir travailler en plus des abdominaux la zone intime qui avait morflée. Mais je me disais que la recommandation ne devait pas être vaine et puis au moins les abdominaux.
Je ne me souviens plus pourquoi je n'avais pas pris une adresse auprès du pédiatre ou du médecin traitant, peut-être qu'ils manquaient de recommandation à offrir. Alors j'avais cherché dans l'annuaire (papier en ce temps-là, ou bien le minitel) une femme, kiné, près de chez moi (alors rue Martre). Un nom m'a immédiatement attirée : Andrée Breton.
J'ai donc pris rendez-vous chez cette personne. Lorsqu'elle m'a demandé qui m'avait donné ses coordonnées, j'ai dit personne, l'annuaire, et puis à cause du poète. Elle a éclaté de rire. C'était une femme forte à la généreuse bonhommie, qui ne m'a pas fait faire d'exercices trop intrusifs et accueillait avec gentillesse le bébé quand je ne pouvais le faire garder. Elle ne prenait pas plusieurs patients en même temps ou exceptionnellement.
Elle portait lourd : une vieille mère, grabataire, à la maison. Et elle sans conjoint ni enfant. Je ne l'ai su qu'à l'occasion d'un incident, un coup de fil qu'elle avait reçu en ma présence et qu'elle s'était sentie tenue d'expliciter. Elle n'était pas du genre à se plaindre, s'épancher.
Lors de la naissance de mon fils je suis avec joie retourner la voir. Elle m'avait accueillie volontiers mais devait cesser son activité pour retraite peu après. Je me souviens qu'elle semblait triste de ne pas retrouver de repreneur qui lui convenait. Je crois que le cabinet a purement et simplement fermé.
La maternité où mes enfants sont nés (celle de l'Hôtel Dieu) avait également fermé peu après la naissance de mon fils. Je n'ai pas pu m'empêcher face à ce cumul de penser qu'on l'avait échappée belle - comme si ailleurs nous n'aurions pas été (aussi) bien traités -.