Il me semble que j'ai déjà écrit sur le fait que la thalassémie en me rendant fragile et dès l'enfance consciente (alors que j'ignorais pourquoi j'étais si souvent malade) du bien précieux qu'est la bonne santé, m'a protégée de toutes sortes d'excès (1) ; ce qui fait qu'au bout du compte je suis à présent en meilleure santé que bien des personnes de mon âge.
Un billet sur un blog que je crois pas connaître, retrouvé par la grâce d'un rétrolien ancien, me fait prendre conscience d'un autre élément de la vie dont m'a protégé mon handicap léger : c'est l'envie et la jalousie.
Bien sûr je peux l'éprouver lorsqu'un amoureux me quitte totalement pour une autre et que je donnerais n'importe quoi pour qu'il ne l'ait pas fait.
C'est jusqu'à présent le seul cas.
En effet n'étant pas à armes égales avec les autres, d'une façon naturelle, et plutôt logique, je ne me compare pas. Et jusqu'à présent en dehors de ma famille ou d'échanges avec quelques personnes venues par ici, je n'ai pas croisé dans la vie de personnes également atteintes. Par exemple aucun de mes camarades du club de natation ne souffre de cette faiblesse globulaire. En plus que nous n'avons pas les mêmes âges et que les garçons à qualité de nage égale avancent plus rapidement (nous n'avons pas non plus la même taille), il n'y a personne avec qui je pourrais en vitesse ou résistance partir à jeu égal. Je suis (et de loin), la meilleure des thalassémiques de ce groupe qui n'en comporte aucun(e) (autre).
Il est néanmoins vrai que la société ultra-concurrentielle dans laquelle nous vivons ne nous pousse pas à faire état de nos éventuelles sources de faiblesse. Tout au long de ma vie et même si en pratique, pour un emploi, une sélection, un concours, j'aurais effectivement dû me trouver confrontée aux autres (2), je n'ai été au fond qu'en concurrence avec moi-même et en lutte pour tenter de voisiner ce moi-même sans fatigue que je peux seulement imaginer, car je ne fréquente cette personne que lors de rares journées (par exemple, l'an passé le lundi 4 février, un jour miraculeux dont je n'ai pas su faire grand chose tellement j'y suis peu habituée).
D'où que je ne suis pas envieuse des autres, qui vivent de toutes façons une vie à laquelle, à moins de rencontrer enfin Panoramix, je n'ai pas accès. Au vu de la souffrance que cela semble être pour la plupart des gens, surtout les garçons - qui pour un oui pour un non se sentent en concurrence -, je me dis que c'est un avantage certain.
Moi je suis comme ça peut mon petit bonhomme de chemin, ce chemin particulier, déjà bien assez semé d'embûches qui est le mien. Un handicap léger parfois peut protéger.
Et l'ambition, la seule vraie, consiste à tirer le meilleur de ce dont on peut disposer.
(merci à Cécile Missir pour le lien)
PS : Je n'ai jamais non plus été jalouse de la pleine santé des autres ; enfant j'avais intégré le fait que j'étais fragile, c'était un fait, comme d'avoir tiré un numéro pas formidable à une lotterie. Je me consolais en me disant que je n'avais pas de maladie grave et (j'ignore d'où je tenais que ça n'était pas évident ailleurs dans le monde ou à d'autres époques, mes lectures avides, probablement) me sentais chanceuse d'avoir accès à des soins et des parents qui lorsque ça allait très mal et malgré les reproches permanents qu'ils me faisaient (ma mère en particulier est incapable de considérer que l'on peut tomber malade sans y être pour quelque chose, Si tu es enrhumée c'est que tu ne t'es pas couverte (Si quelqu'un a un cancer du poumon c'est qu'il a fumé etc.)) prenaient soin de moi enfiévrée.
Quand vers 19 ans j'ai su d'où venait cette faiblesse, ça a été un soulagement, savoir qu'il y avait une cause et qu'elle n'était pas a priori évolutive et potentiellement destinée à aller en s'aggravant. Donc voilà, mon lot c'est d'être ainsi. D'autres ont d'autres ennuis. Je n'ai ni temps ni énergie à perdre de chercher à savoir ce qui serait survenu si toutes choses égales par ailleurs, ça n'avait pas été le cas.
(1) Sauf la lecture, à nos état de fatigue si bien adaptée.
(2) Et en compensant par un sérieux sans faille, j'ai pu assez raisonnablement m'en tirer. Dès lors qu'il ne s'agissait pas de beauté (physique), mais la thalassémie n'a que peu à voir avec ça.
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