Je lis ce matin ce billet chez l'amie d'une amie :
Lucy in the Sky with Diamonds
Il s'agit de ces amitiés fortes et qu'un jour on s'aperçoit qu'on a perdues. Le passage qui me marque est précisément celui-ci :
Je ne parle pas des amours ni des amitiés fondatrices - j'en ai perdue une et ne m'en suis jamais remise totalement de ne pas savoir pourquoi, de n'avoir vu aucun signe avant-coureur, rien -, je ne parle pas non plus des ruptures molles : peu à peu on diverge, on évolue vers des façons d'appréhender le monde qui d'un peu différentes finissent par devenir opposées. J'ai ainsi semé quelques amies en bondissant joyeuse dans le train de l'internet qui aura effectivement changé ma vie en beau (voire : me l'aura sauvée grâce aux personnes que j'y ai rencontrées) et elles qui considéraient l'outil comme un lieu de perdition très adolescent. Une autre aussi qui avait transferré ses ambitions sur ses enfants, au point de les serrer dans un studieux carcan, allant jusqu'à faire les devoirs presque à leur place. Un jour qu'elle se plaignait de la vie infernale qu'ainsi elle s'imposait (en plus de la leur imposer), je lui ai signalée que leur vie n'était pas la sienne et que certes ils "réussiraient" mais non sans lui en vouloir de les avoir étouffés. Il ne faut jamais quêter mon approbation ou ma compassion car alors je dis ce que je pense et ça peut surprendre. Depuis, plus de nouvelles, je crois qu'elle est fâchée.
Ces pertes-là sont sans (trop de) regrets : la relation si elle avait perdurée serait devenue insatisfaisante. Peut-être par fatigue je suis incapable de faire semblant, d'hypocrisie - pas même un vernis mondain -.
En revanche il y a un wagon de jolies amitiés que j'ai perdu par pure fatigue. Incapable de dire pourquoi le lien s'est distendu. Peut-être un message auquel par mégarde je n'ai pas répondu : arrivé un de ces jours où je travaillais en bureau, l'attente du soir pour y répondre, le soir tomber de sommeil à peine la toilette faite, remettre au lendemain soir, éventuellement être prise par ailleurs ou simplement récidiver. Remettre alors la réponse au dimanche (1). Mais le dimanche soudain occupé, proposition amicale de dernière minute, sieste rallongée, un ciné ... et ne pas se mettre à jour, et ensuite les jours passent et le message reste négligé alors qu'on pense à la personne bien aimée qui nous l'a envoyé. C'est simplement par trop grande fatigue une fois le boulot accompli de consacrer la moindre énergie à autre chose qu'à l'indispensable. Je parle de messages mais ça vaut aussi pour un coup de fil non directement reçu. Peux-tu rappeler Sylvie ? demandent l'un ou l'autre des enfants alors que je rentre à la maison. Même schéma, les contraintes horaires d'un appel en plus.
Peut-être que c'est l'autre qui, trop prise par sa vie, n'aura pas répondu. Et moi trop fatiguée pour songer à relancer. Ou à ce point longtemps plus tard que ça n'a plus grand sens.
Il m'est arrivé un jour de devoir quitter une soirée pourtant agréable et en bonne compagnie de façon prématurée, au bord de la défaillance, tombant de sommeil, littéralement, soudain - malgré que je n'avais fait aucun autre excès que celui d'avoir travaillé dur dans la journée -. L'amie qui nous avait convié ne nous a plus jamais réinvité, même si nous nous donnons encore des nouvelles de loin en loin.
Au fond c'est sans doute dans ma vie sociale et amoureuse que je souffre le plus de cette légère différence induite par l'anémie. On ne finit par fréquenter que des personnes capables d'y mettre du leur, de faire l'effort pour nous d'être présentes, de comprendre nos moments d'absence au monde, d'admettre que nous pouvons avoir l'esprit vif mais pas tout le temps. Que certains jours, pris dans les serres de l'épuisement, on ne parvienne que très lentement à suivre une conversation, un raisonnenement. Que nous sommes des gens plutôt fiables mais au rayonnement inconstant. Ou du moins fiable mais faibles et donc pas tous le temps.
Pour l'amour c'est l'incapacité de consacrer de l'énergie aux artifices de l'apparence qu'on prend de nos jours pour l'expression de la féminité, la difficulté d'endosser des habits peut-être élégants ou sexy mais malcommodes (surcroit de fatigue, laisser tomber : particulièrement pour les chaussures) ou insuffisamment chauds (je crois que l'anémie fait de la plupart d'entre nous des gens fragiles au froid), d'où qu'on se fait quitter pour des poupées barbies ou juger peu attirantes. Simplement du fait d'avoir d'autres priorités que de se déguiser en créature affriolante et faire qu'arrive aux hommes le coup du loup. Je survis, tu permets ? Après, si j'ai un jour de trève peut-être que comme les autres je tenterai de t'aguicher puisque vous êtes nombreux à ne pas savoir autrement fonctionner, mais sur l'ensemble d'une longue période je suis incapable de jouer, mentir ou tricher.
Oui au fond les relations affectives, la vie sociales sont les domaines où il est difficile de mener une existence normale lorsqu'on est anémié(e)s.
Il en vient, comme toujours en toutes choses au moins un avantage : ceux qui restent auprès de nous sont à coup sûr des personnes d'une extrême qualité et que le handicap léger au bout du compte nous permettrait de filtrer. Mes ami(e)s résistants sont tou(te)s de bonnes personnes sur qui je sais pouvoir compter. C'est juste que j'ai perdu des personnes remarquables qui simplement ne savaient que faire de quelqu'un d'amoindri. Et des hommes au cahier des charges sexuel pré-défini.
(1) qui est le jour où d'ordinaire je tente de rattraper mes divers retards domestiques ou messagers.
Les commentaires récents