Je me rends compte ce soir parce qu'en hiver c'est pour moi exceptionnel : généralement je tombe de sommeil et fatigue avant d'avoir achevé ce que je considérais comme ma journée complète, qu'aujourd'hui c'est bon, je vais pouvoir disposer si tout va bien d'une heure à une heure trente de pur temps personnel sans aucun remord : j'ai tout fini.
Car en fait je fonctionne jour après jours comme une sorte de mécanique d'anti-procrastination : comme tout me demande effort et que la fatigue est (presque) toujours là, j'ai choisi de ne l'écouter que lorsqu'elle était terrassante (1). Ce qui fait que je déroule mes journées plus ou moins consciemment comme des sortes de courses d'obstacles. Un de passé, au suivant. Et que chaque matin même sans l'avoir prévu, même en période de vacances, j'ai comme une liste du minimum à faire si je veux que cette journée ne soit pas manquée ou ne reporte pas sur la suivante une surcharge infernale.
Généralement je parviens à assurer l'essentiel, par exemple d'être irréprochable et même dynamique dans l'exercice d'un gagne-pain. Ou quand les enfants étaient petits d'assurer sans faille ce qui les concernait.
Ensuite je parviens à accomplir une partie de ce qui est important (à mes yeux) mais éventuellement légèrement reportable.
Mais rarement tout.
Depuis l'écriture, il y a l'écriture. Et je m'y fixe des objectifs ambitieux. C'est ma survie qui est en jeu (c'est ridicule, j'en suis consciente, pour qui est normalement constitué et que cette malédiction délicieuse épargne).
Cette organisation mentale me permet de tenir le coup. Remplacer l'écriture par tout autre passion qui vous tient.
C'est l'incovénient de la fatigue qui fait de chaque activité, même les plus agréables, comme faire l'amour ou pratiquer notre sport préféré, en même temps un défi. Rien n'est jamais gagné. Une défaillance est toujours possible "au beau milieu du vif du sujet" (2).
Il se trouve qu'aujourd'hui, en vacances mais alors que j'avais quelques objectifs d'ordre professionnels que je m'étais fixés (je cherche du travail, il me faut donc me porter candidate là où l'on pourrait sait-on jamais m'embaucher), j'ai terminé vers 22 heures et le prioritaire, et l'important et l'amical (je ne crois pas pour une fois avoir laissé de messages en souffrance).
Du temps en roue libre, voilà qui m'échoit rarement. Je peux dormir si je veux, avec le sentiment rare d'une mission accomplie.
Mais je crois que je vais lire un peu. Pour le plaisir.
(1) On peut parfaitement et beaucoup plus raisonnablement choisir d'adapter son mode de vie à son épuisement et s'en tenir à une existence la plus prudente et restreinte possible. Cela dit, il est préférable pour ce faire d'être riche ou rentier. Or les familles de thalassémiques qui depuis des générations, forcément ont peiné sont rarement parmi les plus fortunées.
(2) L'expression était de mon amie Marie.
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