Tu décides avec l'homme de la maison de t'inscrire à la course à pied annuelle de ta commune. Il y a cette satisfaction de se dire que la distance qui te paraissait un objectif important il y a quatre ans est désormais pour toi au rang simple d'un habituel entraînement et que l'enjeu, si tant est que tu veuilles en mettre un, serait de finir dans un bon temps par rapport à ton rythme habituel lequel, pour une future triathlète (!), est trop lent. Il faut un certificat médical. Qu'à cela ne tienne, tu avais scanné celui de la course à laquelle tu as participé cet automne, tu vas donc sur gmail (ce compte qui te sert d'archives, c'est probablement imprudent) et tu cherches "certificat médical" et bien sûr il apparaît. Mais la recherche ramène aussi un message de 2010 que t'avait envoyé le bien-aimé à une époque où, pour une raison restée obscure, son adresse mail était bloquée (au niveau national) par ton opérateur ; vous aviez donc utilisé ton adresse de secours. Dans le contenu du message vous aviez dû parler de "certificat médical" (1), voilà ainsi cet échange qui de façon intempestive ressurgit. Et alors que depuis des jours tu sauvegardes d'anciennes photos, plutôt satisfaite que celles qui le concernent ne te fassent plus d'effet, plus trop. tu te manges violemment la réapparition de son nom. Du simple fait que tu n'étais absolument pas sur tes gardes. Une rupture subie tient beaucoup du deuil. Des années plus tard, on s'en croit sorties et voilà qu'au moindre élément de réminiscence, le chagrin, une bouffée de celui-ci, ressurgit. L'avantage de l'âge et de l'expérience c'est que tu sais qu'un jour, sans doute dans longtemps, il n'en sera plus même ainsi. Tu souriras de ta faiblesse envers ce grand couillon (ce qui t'arrive parfois déjà, mais pas encore lorsque tu ne t'y attends pas).
En attendant, tu es toujours apte à la course à pied.
Et tu n'iras pas courir seule.
C'est déjà ça.
(1) Tu te refuses à aller y voir de plus près. Mais c'est sans doute ça. Ou alors les deux mots étaient mentionnés mais dans des phrases qui n'avaient rien à voir entre elles. "Médical" revenait souvent : il était malade si régulièrement, que tu l'avais cru quand il t'avait dit que l'amour c'était fini pour lui, qu'il ne pouvait plus. Tu avais fait preuve à l'époque d'une forte naïveté, mais elle était logique. La gentillesse et la logique, ces impardonnables défauts [en ce bas monde].