Ces jours-ci je ne touche pas terre : un travail s'achève, un autre débute, plus stimulant, plus intense, ça chevauche un peu, je suis au bord de mes débuts en triathlon (un rêve qui m'a saisie en 2011, six ans pour parvenir à tenter ma chance, cette ténacité qu'il faut quand on a peu de temps personnel et peu d'argent), il y a le deuil de ma mère, sa maison à vider, des papiers à faire, encore des papiers, un cousin perdu et cette peine est grande, je croyais tant pouvoir compter sur cette part-là de ma famille, et puis ces présidentielles aussi au cours desquelles nous avons senti le vent du boulet - en 2022, sauf si le nouveau fait des miracles, ça sera pire, le racisme est revenu et se sent légitime, les gens limités se trompent d'ennemis, certains ambitieux sont prêts à passer par là pour se faufiler jusqu'au pouvoir -. Bon et bien sûr avec toute cette surcharge j'ai négligé mes appareils photos, celui du téléfonino et le vrai, et d'ailleurs l'ordi aussi et voilà que tous saturent. Alors je fais du ménage urgent, tout vite, en ce moment.
Je retrouve ainsi cette photo prise chez mon amie Flo lors d'un réveillon que chez elle nous passions. Il semble qu'elle me l'a envoyée le 13 juin dernier, je crois pour tenter de ramener à ma mémoire l'une des personnes qui y figurait. C'est un peu effrayant cette façon que j'ai de ne pas me souvenir du tout de certaines personnes, comme s'il fallait certaines qualités ou défauts particuliers pour être éligibles à ma mémoire et que sans ce mélange, mes frères humains tombent sous mon radar, pas captés, comme si le moment qui nous avait vus nous côtoyer n'avait pour moi pas existé, ou qu'ils en avait été ôté. Ma mémoire a un petit côté stalinien, qui retouche les images. La seule chose qui m'en console c'est que parfois la personne ainsi gommée est une star, peut même être celle autour de qui l'événement qui nous rassemblait était organisé. Ma mémoire est sélective mais fort égalitaire.
Je m'aperçois que cette photo est joyeuse et jolie, ce que je n'avais pas vu de prime abord - sans doute trop occupée à tenter de reconnaître la personne cause de son partage -. Je me souviens de cette soirée heureuse, de notre retour pour grande partie à pied, car trop tardif ; qu'après deux années de détresse affective, après la rupture subie d'avec ma grande amie, je me sentais à nouveau en place normale au monde, j'étais amoureuse, je me sentais aimée, j'étais au bord de quitter un boulot qui n'avait plus de sens - mais je l'ingorais, peut-être que cette soirée était l'un des ingrédients qui m'avait donné la force de le faire, qui sait ?-, j'écrivais.
Cette photo me remet en place toute la reconnaissance que j'éprouve envers Flo, qui malgré sa vie bien remplie (et la mienne de ouf) a su trouver le temps toujours de me soutenir. Je la dépose ici pour pouvoir y revenir lorsque je fléchirai dans mes (à présent nombreux et stimulants) projets.