Traverser en RER (C) les prétendument Beaux Quartiers me fait me souvenir de cette période déjà balancée tout au loin du travail pour cette chaîne de librairies qui semblait très correcte au début puis, une fois un responsable compétent parti, s'était révélée avoir un mode de fonctionnement entrepreneurial (ce qui est pénible pour quelqu'un qui comme moi supporte mal les hiérarchies artificielles) et dysfonctionnel (faut-il que le marché de l'emploi soit atone ou que les gens n'aient aucun respect d'eux-mêmes pour rester ; autre possibilité : certains qui acceptent certaines choses sont bien traités, comme je le fus au début sans contrepartie autre que le sérieux et l'efficacité de mon travail, et ce que je trouvais naturel). Sans doute aussi que les jeunes générations ont intégré que dans l'entreprise on devait avoir un comportement stéréotypé, un peu comme si l'on participait à une émission perpétuelle de téléréalité et donc on n'agit pas en étant soi-même mais en faisant ce qu'il faut pour "gagner". Piéger les autres n'est en rien un problème, ça fait partie du jeu. Mentir également. Puisque tout ce qui compte c'est de ouinner.
Est-ce à cause de ses livres dont je devais supporter la vue ? Est-ce parce que ce fut là que j'ai encaissé les 7 et 8 janvier et traversé ce 9 si particulier - cette alerte qui eut lieu au Troca et dont personne fors quelques touiteurs n'avait parlé, les gens inquiets qui demandaient s'ils pouvaient entrer, et moi sans doute apaisante, parce qu'aussi si durement touchée que plus rien ne pouvait m'atteindre, à moins qu'il ne soit arrivé quelque chose à mes enfants, ou qu'ils ne se trouvent menacés - ? Toujours est-il que cette période reste associé à la rupture d'avec F., si violemment subie alors qu'elle était intervenue à la fin de Livre Sterling. Mais les souvenirs de Livre Sterling sont des souvenirs d'avec lui et heureux - même s'il fit faux-bonds par deux fois pour une dédicace -. Et c'est donc la librairie dans le XVIème arrondissement qui est attachée au chagrin de la perte et du sentiment d'avoir subi une escroquerie affective (en plus de m'être professionnellement laissée exploiter), même si à un moment donné il avait dénié être dans l'amour, puis était revenu, si tendre, si proche, si ressemblant de mots (et de regards) à un homme amoureux, puis reparti puis revenu tout en m'expliquant qu'il m'aimait mais qu'il ne pouvait plus - ce qui rendait enfin son attitude compréhensible -, jusqu'au déni féroce final : il avait trouvé celle qui correspondait à son cahier des charges sexuel (fort peu original d'ailleurs, en gros une crypto-Marilyn, ces genres de femmes trophées avec lesquelles les hommes aiment s'exhiber afin d'exciter la convoitise des autres mâles) et j'étais dûment priée de me mettre à distance, de toutes façons entre nous il n'y avait rien eu et tu m'avais dit que c'était fini, que tu ne pouvais plus (et comme tu étais si souvent malade et vu ton âge, je l'avais cru).
Tout ça fait qu'au bout du compte j'ai l'impression alors qu'en débutant le travail dans les beaux quartiers je pensais précisément commencer une nouvelle vie et tourner la page, je n'avais fait que plonger plus profond dans le chagrin de la rupture même (1). Et que c'est à présent qu'une nouvelle étape de ma vie, avec un vrai travail dans une vraie librairie (et non pas une chaîne où notre comportement est dicté, ainsi que toutes sortes de contraintes commerciales qui heurtent mon sens du service, mon respect des clients, mon bonheur du métier), va commencer.
Il est plus que temps.
(1) À ma décharge le deuil du 7 janvier 2015 et le message inadmissible du 8 n'ont fait qu'aggraver les choses, et grandement.
Commentaires