J'ai souvent avec des hommes, les femmes étant généralement plus habituées à se résigner à ce que l'existence nous fait, souvent cette discussion autour d'un "quand on veut on peut" dont certains sont friands, ce qui est assez curieux au vu des tours que leur joue leur corps (1).
Je réponds que si la vie m'a appris quelque chose c'est que peu résiste au travail, que la ténacité tant qu'on a assez de santé vient à bout de bien des vicissitudes, que les coups durs peuvent être des opportunités de libération et parfois surprenantes bifurcations, mais que néanmoins voilà, avec bien des contraintes et des coups du sort il faut "faire avec", qu'on n'a pas d'autre choix que les subir et qu'ils ne dépendent pas de soi.
Le hic c'est que je suis un mauvais exemple de ce que je défends.
Car au fond, partie seulement de la chance de naître hic et nunc - c'est à dire une vieille Europe pour l'instant sans nouvelle guerre, où l'on mange pour la plupart à sa faim, où des soins médicaux peuvent être dispensés, où les filles ne sont pas trop brimées -, mais pour le reste de l'environnement pas précisément pour le mieux doté, je suis parvenue à honorer chacun de mes rêves d'enfants.
Je voulais faire du cheval, l'idée même horrifiait ma mère en plus que l'argent manquait et que c'était vraiment un truc de riches, j'ai fini par pouvoir essayer - même si mal de dos et manque singulier d'autorité et oui aussi d'argent m'ont fait plus tard renoncer, n'empêche j'avais appris les rudiments -.
D'une façon générale j'aimais les animaux qui m'avaient plutôt à la bonne. Mais ma mère les détestait et un concours de circonstances malencontreux (un chien d'aveugle qui avait voulu jouer lorsque j'avais 5 ans, et dont elle avait décidé qu'il m'avait attaqué, mon seul souvenir étant d'avoir été projetée dans le sable et d'en avoir eu dans les yeux et la bouche) m'avaient inculqué la peur des chiens. Je m'en suis libérée. Et avec la plupart d'entre eux, m'entends particulièrement bien.
Je rêvais de violon, on m'avait collée au piano - ce qui était un bel effort parental, je le reconnais (mais si maladroit) - , j'ai fini par suivre des cours, longtemps plus tard (au sens d'y assister mais si je possède un jour un violon, ce qui m'étonnerait il en faut d'abord un pour ma fille, je saurais m'y mettre, les bases, je les ai).
J'avais le rêve américain, en bonne fille d'Italien, et si j'ai assez jeune compris combien il était faussé, je suis quand même allée une fois dans ma vie mettre les pieds en Californie.
Et puis aussi je voulais voir en vrai la région des souvenirs d'enfance de Pagnol, et ça aussi, c'est fait.
Vis-à-vis de mon enfance, je peux mourir en paix. Et effectivement à lire ce bilan on pourrait croire que qui veut, peut. Néanmoins je persiste : ce n'est jamais gagné, face à l'adversité.
(1) à moins qu'il ne s'agisse précisément d'un phénomène de compensation.