En écho à un billet de Xave. Merci à lui pour la réflexion induite.
C'est un billet qui m'a émue. Pourtant de la Saint Valentin au fond peu me chaut : assez âgée pour avoir grandi dans un pays où les fêtes anglo-saxones qu'on nous a depuis commercialement importée n'étaient connues qu'en tant que telles (quelque chose que nos voisins d'Outre-Manche fêtaient, mais pas nous autres français), je ne me suis jamais sentie vraiment concernée même au meilleur de mes amours.
Cette date m'a marquée il y a 5 ans, mais c'était presque un hasard et pour une tout autre raison. Peut-être l'écrirai-je sur Traces tout à l'heure, si le courage m'en vient ou la forme d'impudeur, ou bien plus tard, ou bien ailleurs.
Je n'ai jamais tentée d'être autre, tenté de m'adapter au monde, oui, et d'un point de vue professionnel il est flagrant qu'il m'en coûtait. Mais personne n'a jamais su m'influencer au point de changer. D'un naturel joyeux dans une vie pas facile, dés que le moindre répit s'annonçait dans les difficultés j'essayais qu'on soit heureux. Et puis aussi de ne pas faire aux autres ce que je n'aurais pas aimé qu'on me fît.
Les ruptures ne m'ont donc pas laissée étrangère à moi même. Pour la plus récente, amputée, oui. Mais c'est surtout de n'avoir pas compris ce qui l'avait provoquée. Ni où situer ma part de responsabilité dans la brisure d'un lien qui avait semblé de toute évidence, des deux côtés, pour toujours et à jamais.
En revanche à lire les mots de Xave, et à réfléchir par ailleurs aussi, je m'aperçois à l'heure où s'amorce un radical tournant de ma vie que j'ignore qui je suis.
Depuis mon arrivée à l'âge adulte j'ai en effet toujours plus subi que choisi la part professionnelle de ma vie. J'appelle professionnelle aussi les études qu'après le lycée j'ai suivies. Ce n'est pas qu'elle fût un échec, au contraire, compte tenu d'une santé fragile et d'un cerveau qui fut précoce mais n'est que ce qu'il est, j'ai accompli à force de sérieux, à l'arrachée, un parcours plus qu'honorable.
Je ne m'y suis jamais projetée. Il s'agissait de s'en sortir. Rien d'autre au fond pour moi. Et obstacle après obstacle, en me privant probablement de beaucoup de joies, j'ai franchi des barrières, négligé ma fatigue, et avancé avec ténacité.
Je n'étais vraiment moi-même au fond qu'aux temps sauvés, aux heures de lectures, aux salles de ciné, aux concerts, entre amis ou dans les bras de celui qui allait être, fut et est encore mon mari.
La personne professionnelle était un être sérieux et gris, qui s'efforçait à ne pas se faire trop remarquer sans toujours y parvenir tant le milieu qui l'avait accueilli lui était étranger.
L'autre était plutôt marrante et pleine de fantaisie. Elle cuisinait pas mal et avait de nombreux amis. Sans doute aussi trop peu d'amants.
Mais cette autre ne l'était qu'à demi : elle supportait en effet la fatigue pesante et oppressante issue de sa première vie, celle qui garantissait toit et subsistance et qu'à la maison le ménage soit fait.
Quand vint l'âge des enfants, qu'elle aima sans condition, il ne resta plus un gramme de temps personnel. Leur père était chargé de travail, souvent absent. Il fut aussi malade un moment. Il fallait faire face.
Une chorale puis une rencontre comme on en fait fort peu dans une vie mirent fin à cette période d'exemplaire robot. Et je me rends compte aujourd'hui qu'il aura fallu presque 5 ans pour que l'amie retrouvée (1) parvienne à me révèler mon chemin et me le faire accepter (j'étais consciente des dangers et ça n'était pas rien), puis encore 5 années avant que malgré ou à cause de dangereuses péripéties et solides accablements le processus ne soit mené à bien.
Je suis peut-être à l'aube de pouvoir être enfin moi-même à 100 % du temps. Libre d'organiser à ma guise celui-ci. Libre de céder à ma fatigue maladive dés que les signes s'en manifesteront, afin j'espère qu'elle m'épargne aux heures de reste. Libre de n'avoir plus à obéir de façon quotidienne et répétée à des contraintes que ma nature répprouve au plus profond ou estime absurde. Libérée de la menace permanente des jours d'enfermement.
Pour l'instant mes forces ont été salement entamées, et je vais devoir avant tout consacrer du temps à mon rétablissement, qu'un sentiment de solitude obère malgré moi.
Mais ensuite.
Qui sera cette personne que la vie ne me laissait pas être ? Qui serais-je finalement ?
Que vaudra mon travail évadé des temps sauvés et épanoui au luxe inouï des heures diurnes en coeur de semaines et sans congés bornés ?
Je suis curieuse des mois à venir. J'ignore à quel point les années d'esclavage minant mais confortable m'auront abîmée. Et, si je n'ai pour ma part pas peur du vide (2), trop heureuse que celui du temps entièrement libre arrive enfin, je n'évite pas une part d'appréhension et entre guérir du chagrin et m'habiter entièrement sais que les jours à venir risquent d'être secouants. Puissent-ils être épargnés d'autres disparitions.
Que sera sera.
(1) J'ai toujours et ai encore ce sentiment qu'il s'agissait de retrouvailles et non d'une première chance. Qu'on se connaissait depuis bien avant nous.
(2) En revanche le vide affectif ressenti, hélas est toujours là, j'en souffre à peine un peu moins qu'avant.
Mais bon, pas tout en même temps.
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