Je n'ai jamais réussi à m'intéresser à l'argent et je sais bien un peu pourquoi : dans ma famille d'origine, on y arrivait tout juste, pour les fins de mois, c'était serré (1), alors si l'on voulait ne pas vivre oppressé, ne pas penser au fric était plus simple que d'en faire un centre d'intérêt.
Ce détachement m'est resté.
Je n'y pense que quand la situation devient vraiment tangente, n'y ai pensé vraiment qu'au moment de l'achat de notre appartement, j'y pense en vue de ma reconversion vers le "je risque de gagner plus rien". Mais sinon, non.
Et puis cette semaine, soudain une conjonction :
- Parmi mes fréquentations de l'internet, certains ont besoin de lever des fonds, je l'apprends via Embruns (pour Otir ), KMS ou François Bon (pour Philippe Désordre) ; je déplore, malgré une petite rentrée d'argent bienvenue et inopinée ces jours derniers de ne pouvoir pas vraiment les aider ou seulement éventuellement à la marge, tous calculs faits ;
- Un article d'ActuaLitté qui au fond ne m'apprend rien mais me met sous le yeux quelque chose à quoi je n'avais jamais songé ;
- Les explications que je fournis à un ami afin que certains frais de ses soins soient bien pris en charge, connaissance que j'ai hélas pour en être passée deux ans auparavant par le même chemin ;
- Ce matin un relevé de remboursements de ma mutuelle que je prends en main un peu surprise et accablée par les montants concernés ;
- Le fait enfin qu'à mon coeur défendant car ses consultations me sont d'un grand secours même si douloureuses, je suis un peu soulagée (financièrement) de l'interruption d'été de mes visites à Simone S., que j'en ai pris conscience hier en notant un prochain rendez-vous lointain sur mon agenda.
Alors j'ouvre celui-là, puis ceux des deux années précédentes, depuis ma première mort très exactement. Sur une impulsion perplexe je me mets à compter, depuis deux ans qu'il a fallu d'abord me prendre en charge de façon urgente puis que j'essaie de reprendre pied et ne pas me reconstruire autour d'une absence :
- 11 visites chez un médecin généraliste (je ne compte pas celles que j'aurais effectuées de toutes façons pour les maladies "de tous les jours" et autres certificats médicaux d'aptitude aux sports) dont une en ultime désespoir de cause à un ami écrivain médecin dont j'espérais qu'il pourrait aider par ce qu'il sait du rapport particulier à l'écriture ;
- 19 visites à une psychothérapeuthe vers laquelle il m'avait envoyée, et qui a été très bien, mais au bout du compte voilà, le temps avait passé, j'avais pu surmonter une à une les difficultés subies ... sauf une. Continuer à en parler ne me faisait plus avancer, j'avais au contraire l'impression de ressasser, et nous avons cessé, d'un commun accord.
- 2 visites à une spécialiste surtout excellente psychologue vers laquelle on m'avait envoyée mais réservée aux riches. (ne la revoir qu'en cas de très grave danger)
- 49 visites à un kiné pour de la kiné de coincée et du shiatsu dont la pratique, à mes frais, va me rester. Tant que le chagrin est là, j'en ai un besoin vital. Je pense qu'ensuite je continuerai, comme une hygiène de vie, pour respecter mon corps malgré une vie qui le malmène ;
- 9 visites (pour l'instant) à Simone S. pour tenter enfin de tourner la page (le grand secours douloureux dont le parlais plus haut).
- 1 arrêt maladie de 6 semaines en 2006 et que je n'ai pas souhaité prolonger dans l'idée que ne devant me rendre à l'usine qu'à temps partiel, je tiendrais. Plus tard, j'ai regretté car on m'a fait payer le fait de me rendre au bureau en étant diminuée au lieu de me marquer reconnaissance pour l'effort de ne pas peser par une absence prolongée ou des défaillances perlées, sur une équipe déjà réduite.
-des médicaments, au tout début quand on m'y a obligée. J'ai résisté depuis à ce genre de béquilles. Elles ne diminuent en rien le chagrin mais l'énergie vitale si. Tout le contraire de ce qu'il faudrait. Et en plus vont à l'encontre de ma nécessité d'avoir les mots affutés. Ça les rend mous.
Je suis parvenue à un total effarant (2) de 4937 euros (3) dont environ 2940 ont été à charge de la collectivité.
Ce total ne prend pas en compte les frais sérieux induits par les ennuis de santé que j'ai essuyés au début de cette année. Je suis persuadée qu'ils sont liés à mon état psychologique, à la profondeur du chagrin, au fait qu'il perdure. C'est probablement le cas pour les problèmes de thyroïde pour lesquels je suis traitée. Seulement rien ne le prouve.
Il y a aussi que ce qui m'est arrivé n'est pas le fait d'une seule personne mais bien d'un cumul : des difficultés particulièrement concentrées sur les dernières années d'une vie qui n'a jamais été particulièrement facile, l'agonie de mon père, une enfant malade gravement, la fin d'un amour conjugal stable et qui me constituait (fin imposée et non de mon fait), l'éloignement d'amis les plus intimes au moment où leur présence aurait aidé. Alors, que mon âme-soeur, ma meilleure amie se mette aux abonnés absents puis lors d'une rencontre occasionnelle me bannisse de sa vie sans réelle explication m'a achevée au sens littéral (J'ai failli y passer). Cet événement déclenchant n'est donc pas l'unique cause de mon effondrement.
Je persiste à penser qu'elle n'imaginait pas dans quel état de grande fragilité j'étais quand elle l'a fait (me bannir) et dit ce qu'elle n'aurait pas dû dire tout en taisant ce qu'elle aurait dû, dés le début d'un mal-aise de son côté, exprimer au lieu de me laisser poursuivre dans l'illusion d'une relation intime, tendre, proche et affectueuse.
Et dire que je me tracassais pour un resto de 30 euros resté sans réciprocité ...
et que je fus quelqu'un qui omettait souvent de faire parvenir à la Sécurité Sociale mes feuilles de remboursement.
Je ne suis décidément pas faite pour un tel monde. Indécrottablement sentimentale. Complètement inadaptée.
(1) et mes parents avaient une telle volonté de nous (leurs enfants) tenir à l'écart des tracas tout en s'engueulant comme on le fait quand il vient à manquer parce que c'est toujours l'autre qui a fait trop de frais que c'était pire que tout.
(2) pour moi : ça représente en effet 5 mois (en gros) de mon salaire net. En deux ans et avec les pires difficultés justement parce que je vacille et me traîne épuisée, j'aurais bossé 5 mois pour tenter de réparer le mal qu'on m'a fait.
(3) Finalement pas si éloigné de celui potentiel des obsèques évitées. (Qu'est-ce qu'il ne faut pas se dire pour (tenter de) se consoler :-( !)
PS : le rapport avec l'article n'est pas direct, l'amie disparue n'y est pas mentionnée, mais de fil en aiguille il m'a fait estimer en fourchette basse à 400 000 euros la "rente" induite par ses deux titres principaux ; même étalée sur 15 ans (en admettant), c'est deux fois plus que ce qu'en peinant et endurant je rapporte de "l'usine" à la maison. Je crois que je viens de prendre la résolution de ne plus donner le moindre coup de main à personne, ni d'oeil ou de clavier aux travails des copains sans contrepartie (un restau gastronomique au moins ou un très grand whisky voire un voyage). Dérogation bien sûr pour ceux qui m'ont secourue (y compris, la dérogation, s'ils feraient partie des cités de l'article initial - ma reconnaissance n'a pas de prix (au sens littéral ;-)) -).