"Tu n'imagines pas comme ton message tombe à pic. Je ne suis pas encore sauvée de cette sombre histoire avec Serge. Si sombre que j'avais cru l'avoir tué.
Le pire c'est qu'au fond ça me soulageait. Si tu savais le choc que ça m'a fait de voir sa photo dans le journal, mais qu'en fait ce n'était pas lui la principale victime.
Depuis plus rien. A moins que ça soit lui qui tente de m'appeler. Mais comme il changeait de numéro ou de téléphone sans arrêt ...
Bon j'arrête, je deviens confuse. Et puis ce n'est pas pour te raconter ça que je t'écrivais. C'est juste que ça me tracasse trop tout ce qui s'est passé, et puis tant de questions. T'avais-je dit qu'il n'aimait rien tant que de me voir incarner ses héroïnes d'opéra qu'il adorait ? Au point de vouloir me vêtir de la robe de Lucia dans Lucia di Lammermoor en prétendant que c'était la vraie robe de scène de Natalie Dessay.
J'ai aimé au début être sa Talie, c'était si fascinant. J'ai cru qu'il éprouvait lui aussi quelques sentiments, mais ils n'étaient guère que pour son fantasme et je ne le l'intéressait que pour ma ressemblance avec l'objet de ses délires. La pauvre, si elle savait le nombre de givrés parmi ceux qui viennent en extase l'écouter.
Je me demande aussi qui peut être la fille du journal, à elle, quel rôle il faisait jouer. Si elle a pas trop morflé. Pour moi c'est rude tu sais.
Mais bon je te raconte ça, et c'est surtout toi qui ne vas pas. Moi je l'ai bien un peu cherché. En fait je crois que j'avais été mal habituée, j'avais perdu la méfiance depuis ma fréquentation de l'ami photographe, Romain, je sais pas si tu te souviens, celui qui est parti au Japon à présent (forcément on se voit moins). Fétichiste, certes, mais respectueux. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi l'un empêcherait l'autre. Et puis tellement soucieux des autres. Je garde un souvenir ému et amusé de l'époque où pour lui emplâtrée j'ai posé. D'une photo, en particulier, très triste pour la mise au point de laquelle nous avions tellement ri à cause des complications dues au lieu choisi.
Donc oui, voilà, j'avais du coup fait confiance à ce Serge qui lui ne le méritait pas. Un beau salopard celui-là.
Pardon, je te parle de Serge et c'est de Sofia que tu voudrais parler. Vois-tu je la connais finalement assez peu mais suffisamment pour la savoir du genre prédatrice. Tu l'as intéressée le temps qu'elle te sente ferré, après c'était moins drôle. Ne t'es-tu jamais posé de questions sur le lieu de votre rencontre ? Si elle "chasse" ainsi dans les bars gays, c'est pour corser l'affaire. Un type seul dans un rade quelconque, belle comme elle est, en deux coups les gros c'est plié. Alors qu'aller là où des hommes elle peut supposer que l'orientation sexuelle d'elle les désintéresse, c'est tellement plus exitant.
Oui je sais tu vas m'en vouloir de te parler d'elle aussi cyniquement, mais il y a de ça au fond. Peut-être que le temps que ça a duré elle a éprouvé un réel attachement. Il était simplement en CDD. Elle le savait. Toi non.
Je comprends ton chagrin.
Il y a Domi qui s'est mise en tête de mener son enquête dans les bars pour tenter de faire parler les gens au sujet de Serge. Elle voit bien que tant que je n'aurais pas compris, y compris sur mon crime tellement imparfait que la victime (lui) n'en est pas morte, je ne parviendrai pas à me le sortir du cerveau.
Et puis il y a cette robe, quand même, que j'aimerais tant récupérer. Comme si tant qu'elle était en d'autres mains je risquais ou d'autres un mauvais danger.
Alors si tu veux, viens donc avec nous à cette virée "entre filles", et qui promet d'être bien arrosée. Peut-être que tu en oublieras un instant tes malheurs en devenant à ton tour un fin (et imbibé) limier.
Et puis ça fait un bout qu'on ne s'est pas vus. Je me demande comment j'ai fait pour laisser Serge avoir une telle emprise. Tu ne m'en veux pas trop ?
Je t'embrasse
Marie"
Ceci est une participation au jeu de fous des Matriochkas .
Vous avez déjà vu, vous, une histoire qu'on finit d'écrire par son milieu ?
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