(billet non relu : sommeil vainqueur)
Longtemps qu'un essai ne m'avait pas fait cet effet-là : un grand bonheur de lecture, la sensation d'être plus intelligente que je ne le suis ordinairement, la compréhension limpide (1) de choses subtiles.
Vincent Message, l'auteur part de l'exploration de cinq œuvres à titre principal (mais de tant d'autres en passant, quel régal) pour nous laisser entrevoir ce qu'elles ont de commun et la compréhension qu'elles nous offrent du monde et les questions qu'elles posent en commun.
Bizarrement (2) je n'en ai lues aucunes. Il s'agit de :
- Terra Nostra de Carlos Fuentes ;
- Tout-Monde d'Édouard Glissant ;
- L'homme sans qualités de Robert Musil ;
- L'Arc-en-ciel de la gravité de Thomas Pynchon ;
- Les versets sataniques de Salman Rushdie (3).
Pour autant la lecture de l'essai passe crème, tant y est expliqué sans aucune lourdeur, ce qui est nécessaire.
J'éprouve un bonheur de lecture proche de celui que m'a procuré "Confiteor" qui pourtant jouait avec les atouts du roman (et notamment l'appétence du lecteur pour le sort ultérieur des personnages) : une œuvre qui m'entraine au dessus de mes capacités personnelles, quelque chose qui nous prend par la main pour nous entraîner là où l'on savait peu ou rien et sans qu'on n'éprouve au passage de grandes difficultés. Quelque chose qui nous embarque dans une concentration supérieure (j'adore ça, n'ai que trop tendance à lire tout en pensant à d'autres choses voire parfois dans ma tête en écrivant, quand je ne lis pas tout en pleurant d'un chagrin antérieur et sans rapport que l'on m'a infligé et que la lecture ne me laisse pas assez oublier), qui permet de nous laisser oublier que l'on a un corps pour régaler à fond le cerveau.
Il se trouve que dans la partie consacrée aux sociétés et cultures en situation pluraliste, des mots sont mis sur ce qui fait mal plus particulièrement ces temps-ci (les haines et les replis, pour faire court quoique réducteur) et pouvoir saisir les processus en jeu aide à ne pas s'en laisser désespérer.
Grand merci à l'auteur pour son travail et aux camarades de chez Charybde qui en l'invitant m'ont en quelque sorte mis ce livre exigeant entre les mains. Il [me] fait le plus grand bien.
(1) Sauf page 197, il faudra que je pose la question, un point de raisonnement me reste obscur.
(2) Parce qu'il semble évident par ailleurs que nous avons des goûts de lecteurs communs.
(3) À la réflexion je les avais sans doute abordés, mais ils ne m'ont pas marqués, j'ai comme un souvenir de lecture confuse dans laquelle je perdais pied face à trop de références qui me manquaient. C'était mes années de cadre en entreprise et je ne lisais qu'épuisée.
PS : J'en ai même manqué une correspondance de métro, tant j'étais captivée. C'est la première fois dans ma longue vie de lectrice métropolitaine que ça m'arrive pour un essai !
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