"Sporting club" d'Emmanuel Villin
éditions Asphalte, parution prévue le 1er septembre 2016
Parfois être libraire c'est avoir le privilège de lire les bons romans au bon moment. Ce délicieux "Sporting club" est un exemple typique : livre d'attente et d'été, il nous est accessible en juillet pour préparer la rentrée et j'ai apprécié de le lire en cette période dans l'ambiance de vacances qui flotte à Paris même pour qui ne part ni ne partira (merci aux touristes, d'ailleurs).
À la rentrée il sera parfait pour qui souhaite jouer, au moins intérieurement, les prolongations et atténuer le choc du rush généralisé.
C'est un livre calme et élégant, un livre de compagnie : pas grand chose ne s'y passe, un homme passe l'essentiel de son temps dans et au bord d'une piscine attendant des appels téléphonique d'un certain Camille que l'on comprend fameux et qui le convoque à des séances de travail dans l'idée que soit écrite sa biographie. Ou ne le convoque pas. Et c'est là la beauté de cette affaire, ce qui se tient dans les interstices, quelques rencontres, la ville de Beyrouth qui a une forte empreinte sans pour autant être décrite trop concrètement.
Fors quelques parenthèses que j'ai trouvées inutiles (alors que je fais partie des abuseurs de parenthèses (1) (elles correspondent à mon mode de pensée) (et chez Philippe Jaenada sont un pur régal) (mais je sais et je conçois que l'on puisse détester)), une certaine insistance par moment, comme si l'auteur voulait être certain que le lecteur a bien compris, et une phrase qui me laisse perplexe (2), ce qui n'est pas grand chose mais sur le moment m'a sortie de la douce ambiance qui m'avait charmée, mon cerveau ayant clamé Ça veut dire quoi cette connerie ? (sic), ce qui m'a fait sortir du songe par le texte induit, c'est une très belle lecture dont le plaisir n'est pas sans rappeler "Lo stadio di Wimbledon" de Daniele del Giudice (3). Et ce d'autant plus que le style est plutôt élégant, sans trop de ces effets de brillant qui sont souvent pesants chez les bons débutants.
Flotte également une ambiance de vieux films mythiques en noir et blanc, qu'ils soient cités explicitement ou que l'atmosphère elle-même n'y fasse penser, et qui ne laissera pas les lecteurs cinéphiles insensibles.
On a beau savoir que l'on est après guerre, assez longtemps après, et qu'une part de technologie quotidienne moderne soit présente - le narrateur attend que son téléfonino sonne, il enregistre les entretiens avec un appareil qui semble perfectionné -, l'ensemble présente un délicat côté "hors du temps", une calme parenthèse.
La première phrase est l'une des plus charmeuse de cette rentrée préparée :
"C'est finalement malgré moi que j'étais devenu ce qu'on peut appeler un assez bon nageur."
Elle nous met dans le ton d'entrée.
Enfin, ce qui ne gâte rien, la couverture est belle et a du sens compte tenu du contenu.
Bref, un doux enchantement.
(1) Et de notes de bas de page
(2) "La plupart des femmes, parce qu'elles étaient femmes, faisaient par exemple semblant de ne pas comprendre ce qu'un homme leur expliquait. Odile, elle ne réagissait jamais de la sorte." (page 34 des épreuves non corrigées)
(3) de ma part c'est un fort compliment. Article wikipédia en V.O. par là.
source : SP sollicité
conseil de libraire : parfait pour répondre à la demande C'est pour un-e ami-e qui est à l'hôpital. Suffisamment prenant mais sans violence, sans souffrances de maladies, sans mort brutale ni trop de sexe, et pour autant sans mièvrerie.
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