(éditions Stock) (épreuves non corrigées)
Quelqu'un qui lit par profession a dit qu'il l'avait ouvert par devoir un jour à 16h et ne l'avait plus lâché. Alors dans le métro du retour, c'est ce livre-là que j'ai ouvert.
Et effectivement, aux contraintes de ma vie près, je ne l'ai pas lâché.
C'est un roman choral mais avec tout son sens, inimaginable autrement. On sait dès le début qu'un homme, jeune, a choisi de mourir, qu'il a pris tout son entourage au dépourvu et qu'on n'a retrouvé aucun mot, rien. Et le roman nous embarque avec ceux qui restent. La mère, le père, la femme, l'amie pour le sexe (mais pas que), la grand-mère, personnage lumineux qui soutient et inspire les autres. Et son fils aussi, enfant lors de la tragédie, que l'on retrouve adulte.
Travail d'orfèvre, le charme du parler Québécois en plus, ainsi qu'une certaine fraîcheur dans les rapports humains. J'ai été bouleversée, non sans voir venir certains "rebondissements", mais peu importait.
Seul bémol, le personnage du père, beaucoup trop parfait. Je l'ai cru inventé, ne suis jamais parvenue à y croire - pourtant qu'un tel homme puisse exister, j'aimerais -. Et puis cette insistance sur le métier du petit-fils qui m'a semblé un brin artificielle. En même temps la présence d'une logique, car il est typique de faux recours des gens perdus.
En revanche le personnage de la mère du défunt est une sorte d'exploit romanesque. Il s'agit d'une femme insignifiante. Et l'auteur parvient à la laisser telle qu'en elle-même tout en faisant que les passages où c'est elle qui parle avec sa voix ne lassent pas. On finit même par éprouver pour elle une once de compassion.
J'ai aimé l'absence calme de résolution. Le roman centré sur ceux qui restent, précisément. Et qu'il se passe sur un temps très long, ce qui laisse aux conséquences de l'absence tout le temps de faire leur chemin.
J'ai l'impression d'avoir grandi quant à mes propres deuils.
Après sa lecture, je suis allée poser quelques fleurs sur la tombe d'un ami mort volontaire il y a vingt et un an, ce que je fais parfois, mais je l'ai fait à nouveau là : profondément reconnaissante qu'il nous ait à l'époque laissé suffisamment d'indications (1) pour qu'aucun de ses proches ne se sente coupable, qu'il soit clair et net qu'il s'agissait d'un choix.
J'oubliais : grâce à l'humour et la vitalité de l'un des personnages féminin, la lecture de ceux qui reste est loin d'être triste, malgré l'émotion dégagée.
(1) Il avait tout préparé très minutieusement et choisi son moment des mois à l'avance.
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