Julliard 20/08/15
9782260021339
C'est l'histoire de Pauline Dubuisson, connue à l'orée des années cinquante pour avoir tué son ex-amoureux dans des circonstances qui en d'autres temps lui auraient probablement valu une relative indulgence de la part des jurés ; c'était elle-même qu'elle voulait tuer. Mais elle avait déjà un passé de compromise, l'emballement médiatique en avait fait la coupable idéale, on se repaissait de l'horreur de son geste - toutes proportions gardées ça n'est pas sans rappeler plus près de nous l'affaire d'Outreau dans laquelle les rares journalistes simplement modérés ne sont pas entendus et la machine judiciaire part au galop en spirale offensive -, elle avait donc échappé de peu à la peine de mort. Plus tard, alors qu'elle tentait de reprendre le cours le plus normal possible d'une vie, le passé l'a rattrapée.
Philippe Jaenada a effectué un travail d'investigation remarquable. De personnage tragique, la femme dont il est question devient exemple symptomatique de la violence plus ou moins larvée que la société d'alors exerçait sur les femmes. On est pris par le processus, l'engrenage qu'elle vit.
Le récit ne s'autorise pas la première personne concernant la jeune femme. L'auteur-détective fait part de ses doutes à mesure de l'avancée de cette enquête sur un passé encore récent. Il prend la parole par parenthèses interposées, non sans humour (1). J'ai profondément aimé cette façon de faire, le respect dont cela témoignait, le féminisme qui se dégage de ce livre. Eté très touchée qu'un homme soit capable de faire une telle analyse, sans chercher au départ à être militant, mais prenant conscience à mesure de ce qu'il découvrait de la façon dont avaient été maltraitées et la femme et la vérité de la violence à leur encontre.
Au bout du compte cette histoire tragique, qui m'aura accompagnée pendant quelques jours de ce début d'été m'aura fait du bien.
Et beaucoup réfléchir.
(1) Seule réserve à émettre en tant que libraire : de ce fait l'ouvrage n'est pas pour tous, je sais déjà parmi mes clients si je le leur proposais lesquels hurlerait au "mauvais français" sans parler de ceux qui trouveront l'humour pour ce sujet insupportable. Pour moi en lectrice, les deux furent une qualité.
nb : Rien à voir, fors le sujet initial, avec le livre de Jean-Luc Seigle "Je vous écris dans le noir" qui prend un parti pris résolument romanesque et créé en "je" un personnage de fiction.
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