Parce qu'il me faut, c'est plus fort que moi, un coin dédié aux livres.
Parce que (honte à moi) je n'ai pas eu le temps de l'installer sous dotclear comme j'en avais la ferme intention.
nb : il s'agit de chroniques et notes de lectures, pas de critiques littéraires
Excellent thriller technologique : la guerre telle qu'elle se pratique maintenant, sans complaisance ni concession. On est à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, les mercenaires qui travaillent pour les Etats-Unis et leurs alliés s'équipent et combattent avec le soutien aérien de drones, les chefs de guerre locaux défendent leur honneur et leurs traditions. Un journaliste canadien tente de mener l'enquête sur un trafic de drogue(s) qui mêle tous les degrés de complicités locales comme internationales. A Paris deux femmes se rencontrent et ce n'est pas un pur hasard.
Brillant, captivant, tenu de main de maître : pour qui n'a pas peur de se laisser embarquer sans tout comprendre d'emblée, ce livre est époustouflant.
Il reste en tête longtemps, très longtemps.
Seul défaut : une fin en climax crapuleux qui nous fait attendre de façon un brin trop haletante le tome 2
Michèle Gazier et Pierre Lepape "Noir et or" (Seuil)
Roman d'une ascension sociale au mérite d'un être ambitieux et très doué, qui chutera peu après avoir atteint les sommets.
Comme dans "Le rouge et le noir", l'issue malheureuse n'est pas un secret. Celle-ci est indiquée dès le premier chapitre, mais une fois qu'elle est posée, reste à comprendre ce qui s'est joué. Juliette est issue d'un milieu modeste, père français mère venue d'un peu plus loin, elle est d'une grande beauté qui fait d'elle une séductrice naturelle. Des amitiés scolaires débouchent sur des amours avec un homme plus âgé, qui dans un premier temps la prendra sous sa protection, mais dont les circonstances la feront s'émanciper. Au passage elle participera à quelques malversations politiques puis bancaires, presque en toute innocence, pour se faire bien voir, pour aider.
Bon roman sur l'air des temps, style élégant, vocabulaire subtil, personnages ambigus, mais narration linéaire à partir du début de sa confession d'une enfant de ce nouveau siècle. Peut être offert (une seule scène violente, assez prévisible).
Mes seuls regrets sont :
- une légère réserve sur le vocabulaire et le style, qui ne correspondent pas tout à fait à celui d'une jeune personne de maintenant qui avoue en plus lors d'un passage n'être que peu attirée par la grande littérature ;
source : librairie sur les conseils d'une grande amie.
Une bombe dans le métro, station Odéon et la vie d'Olivier et Héloïse bascule. Ils ont échappé au pire, sont vivants, blessés mais pas d'une façon irréversible. Seulement voilà, ils sont à leur insu devenu des icônes de l'information et leur vie réelle se trouve bouleversée par la vie que les médias leur ont attribuée. Ecrit à trois voix, celle de l'homme, celle de la femme et celle de personnes interrogées dans le cadre témoins d'une émission de radio sur laquelle ils travaillaient avant le drame, le roman nous emporte loin, et de façon sensible, dans la réflexion sur une belle palette de sujets, dont l'importance de la mémoire liée aux images. Mais aussi très subtilement l'amour, l'usure des sentiments, leur force aussi parfois, l'influence de l'internet - en bien comme en mal -, et les zones de perturbations irrémédiables de nos existences. Style simple mais élégant. Une pépite.
Ce livre m'a terriblement donné envie de lire les autres ouvrages de l'auteure.
Il m'est arrivé aussi d'apparaître à mon insu sur une photo prise dans un moment collectif difficile, et même si dans mon cas c'était le contraire de dénudée et que l'image n'a pas été ou peu exploitée je sais quelque chose du fait d'être saisie dans un moment de particulière vulnérabilité. Ce roman est d'une extrême justesse. Et puis il fait du bien.
Michel Bussi "Maman a tort" (Presses de la cité 07/05/15)
Un petit enfant prend l'avion avec une femme qui est sa maman. Mais qu'en sait-on ? Une enquêtrice les poursuit. Mais n'est-il pas trop tard ?
L'histoire nous est ensuite relatée en un compte à rebours haletant, du point de vue des différents protagonistes ou de celui de l'enfant qui se repère dans le temps d'après la place des aiguilles d'une montre. On connaît presque une partie du dénouement, et l'on recompose le drame peu à peu. Plusieurs personnes sont mortes dans l'entourage du petit. Tout en menant l'enquête la commandante tente de préserver une courte part de vie personnelle dont une belle amitié, que nécessairement elle en vient à négliger.
On est en Normandie et le pays compte. On apprend peu à peu l'incidence de l'histoire locale récente, en particulier d'une mine qui fut florissante mais qui avait fermé.
Narration simple et efficace, whodunit bien mené. Certains des personnages sont émouvants. Et si le "vrai méchant" est un brin caricatural, et le "grand séducteur du régiment", les autres sont bien campés, jusqu'aux surprises finales dont l'absence décevrait.
Au passage, l'air de rien, ce roman est d'un féminisme très agréable. En particulier la plupart des personnages féminins se révèlent courageuses face à l'adversité. Ce n'est pas si fréquent, ça mérite d'être signalé.
Chez un auteur classe, la présence des sempiternelles fausses-blondes à jambes interminables destinées dans un roman guerrier à assouvir les nécessités de détente d'un belligérant aux désirs formatés par l'occident, ça donne par exemple :
"Il est déposé au Radisson Blu Downtown, où il a réservé une chambre. En début de soirée il grimpe à la Terrasse, le bar plein air de l'hôtel [...] décoration à la sobriété mondialisée, juste ce qu'il faut [...] pour créer l'illusion de ne dépayser personne. Le traitement post-FOB idéal. Il y a peu de monde, des voyageurs d'affaires et des petits princes locaux déguisés en branchouilles. Deux perches court-vêtues, au platine zéro-défaut, patientent à une table en sirotant des cocktails [...]"
("Pukhtu", DOA, série noire p 110)
Comme quoi, lorsque le cliché est inévitable (elles sont là et leur présence a un sens), il y a toujours moyen d'en jouer.
C'est un de ces livres à fort pouvoir ... ou non. On peut se laisser envoûter ou rester "en dehors" et sans nécessairement que l'on sache pourquoi. Du petit cercle de lecture dont je fais partie - lecteurs de goûts très variés -, environ un tiers des personnes est resté peu accroché et les deux autres hier ont été enchantés.
L'écriture n'est pas formatée, on sent un long travail de maturation suivi peut-être d'une urgence (je peux me tromper). J'ai aimé qu'il reste des échardes. Un passage m'a semblé superflu - la description de réceptions fastueuses sur la Côte d'Azur et de ceux qui les fréquentaient - mais c'était loin d'être l'avis général. La part d'évolution politique était de loin celle qui m'intéressait davantage.
On assiste en effet à l'évolution en mouvement inverse de deux branches d'une même famille : au départ deux cousines qui ont été élevées comme des soeurs au début du XXème siècle. L'une fait un beau mariage l'autre non, elles se trouvent propulsées dans des strates différentes de la société. Mais resteront néanmoins très liées. Un très beau projet de maison du peuple, la Fraternité, viendra fédérer après guerre un temps les énergies et les générations. Puis, comme par un effet de contrepoids irrésistible, les descendants de la partie la plus fortunée de la famille deviendront contestataires (1) et connaîtront les plus grandes difficultés tandis que leurs cousins feront partie des cercles proches du pouvoir. Et connaîtrons l'opulence.
Les extrêmes (de situations, d'opinions) auront rarement été si proches (affectivement).
L'auteur rassemble les témoignages et les restitue en s'y impliquant.
Il y exprime au passage certaines choses très justes sur la lecture - comme refuge, notamment -, l'écriture. La difficulté que c'est de la concilier avec la vie.
Ce livre que j'avais lu très facilement et rapidement a été surprenant dans sa persistance en pensées. Il laisse à réfléchir.
Enfin j'ai été particulièrement marquée mais c'est très personnel, par un épisode de déni, concernant ici un épisode de bagarre enfantine, revenu à la conscience dans son déroulement véritable une dizaine d'années plus tard, puis assumé. C'est la première fois que je lis une confession concernant ce phénomène étrange dont il m'est arrivé d'être par deux fois victime et qui est terriblement déstabilisant lorsque l'on est confrontée à celui qui a ré-écrit autrement en son fors intérieur la réalité. Si je n'avais pas eu des traces écrites pour me confirmer que je n'avais pas rêvé j'aurais pu en avoir ma raison menacée. D'avoir lu et bien raconté, du point de vue de celui qui a cru avoir fait autre chose que ce qu'il avait fait, le récit d'un mécanisme semblable m'a beaucoup aidé. Les romans parfois servent aussi à cela. Se sentir moins perdu.e.s. Comprendre ce qui un jour est survenu.
Ce point de réconfort constitue une raison supplémentaire pour moi d'avoir trouvé ce livre attachant. Mais même s'il n'y figurait pas je serais très reconnaissante à Fabrice Humbert d'avoir écrit ce livre. Heureuse de l'avoir lu.
Le film promotionnel réalisé par la
que je trouve plutôt fidèle à ce que le livre est (en plus que le décor de droite ressemble à chez moi, ils auraient pu venir tourner là)
(1) Jusqu'à faire partie de la mouvance d'Action Directe
source : achat personnel ; lecture pour l'Attrape-Coeurs
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