1 - Côté papier

How to get some good news

"Elle prit la gazette qui était en haut de la pile et elle se mit à en ânonner les gros titres. Le journal datait du siècle précédent, mais les nouvelles étaient encourageantes."

"Terminus radieux", Antoine Volodine (éd. Seuil 2014 p63)

Hé, Georges, t'avais méfu la moquette ou bien ?

"Dans son rêve, le patient protégeait une femme (l'auteur ?) et lorsqu'il demanda, la ville ayant été complètement "retournée", où il pouvait acheter des cigarettes (c'est-à-dire des mamelons phalliques) la maison se trouva dépouillée de ses murs et de son toit [...]"

Georges Devereux, "Psychothérapie d'un Indien des plaines" (ed. Godefroy 1982, p 465)

(ou alors c'est à cause de l'éditeur ...) #airdubitatif 

Tentative de liste pour mes lectures de "Rentrée 2014" (ou associées)

Adultes

David Peace "Rouge ou Mort" traduction Jean-Paul Gratias (Rivages) lecture en cours mais bien parti pour un 4/5 voire 5/5 très fort, Angleterre, football (mais peut intéresser même si pas passionnés) + art de la narration + style ; bons lecteurs

Olivier Adam "Peine perdue" (Olivier) 4/5 très contemporain, France, roman choral + splendide travail sur la construction ; tous lecteurs

Thierry Beinstingel "Faux nègres" (Fayard) 4,5/5 très contemporain, France, roman choral ; construction + style ; lecteurs exigeants

Laurent Mauvignier "Autour du monde" (Minuit) 4,5/5 très contemporain, Monde entier, roman choral ; art de la narration + style ; bon lecteurs

Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet "A la lecture" (Grasset) 3/5 pour les non-lecteurs de Proust 4,5/5 sinon ; un grand bonheur d'amour des livres ; bon lecteurs

Jean-Yves Jouannais "Les barrages de sables" (Grasset)

 Catherine Locandro "L'histoire d'un amour" (Héloïse d'Ormesson) 5/5, Italie, Rome ; d'amour mais pas mièvre, élégance du style et des sentiments ; tous lecteurs ; un coup de coeur au sens littéral : tombée sous le charme ; ma jolie surprise de la rentrée

Amélie Nothomb "Pétronille" (Albin Michel) 3,5/5 France, Paris ; l'histoire d'une belle relation tragique et mouvementée racontée de façon à faire sourire ; éloge du champagne ; roman à clefs ; tous lecteurs

Marie-Hélène Lafon "Joseph" (Buchet Chastel) 5/5 France, milieu rural ; pas un mot de trop, un personnage central d'une grande présence et densité ; tous lecteurs à condition de ne pas être hostile à la lenteur et aux vies simples et rudes.

Serge Joncour "L'écrivain national" (Flammarion) France, histoire d'écrivain ; léger mais élégant (pour l'instant), lecture suspendue parce qu'"Avis à mon exécuteur" lui a grillé la politesse mais j'y reviendrai. tous lecteurs.

Romain Slocombe "Avis à mon exécuteur" (Robert Laffont) lecture en cours, la classe narrative, on titille le roman d'espionage et le témoignage historique ; bons lecteurs férus d'histoire contemporaine.

Siri Hustvedt "Un monde flamboyant" (Actes Sud) lecture en cours, mise de côté à regret pour parer au plus pressé, très contemporain, cérébral ; lecteurs avertis.

Benjamin Wood "Le complexe d'Eden Bellwether" (Zulma) lecture en cours mais ça promet bien, très fort coefficient d'embarquement (un peu comme un Harry Quebert) ; tous lecteurs

Gabriel Josipovici "Goldberg variation" traduction Bernard Hoepffner (éditions Quidam) lecture en cours ; très travaillé, décoiffe, c'est probablement parti pour un 5/5 ; lecteurs avertis

Thomas Pynchon "Fonds perdus" traduction Nicolas Richard (Seuil) lecture à peine entamée mais ça pourrait dépoter ; bons lecteurs

Gauz "Debout-Payé" (Nouvel Attila) ; patchwork à dominante drôle

Florence Aubenas "En  France" (Olivier) ; compilation d'articles "société" pour Le Monde

Eric Vuillard "Tristesse de la terre" (Actes Sud) ; Buffalo Bill

Kamel Daoud "Meursault, contre-enquête" (Actes Sud) ; le personnage manquant que Camus délaissait, Meursault étant celui qui pour lui comptait. très fort et respectueux, mériterait un prix. Donne irrésistiblement envie de relire "L'étranger" puis "La chute".

Albert Camus "L'étranger" (Folio) (première parution 1942)

Antoine Volodine "Terminus radieux" (Seuil)

Xavier Boissel "Rivières de la nuit" (Editions Inculte)

Sylvain Prudhomme "Les grands" (Gallimard - l'Arbalète)

Sylvain Prudhomme "Là, avait dit Bahi" (Gallimard - l'Arbalète) (avril 2012)

Sylvain Prudhomme "L'affaire Furtif" (Burozoïque) (mars 2010)

Danuta Walesa "Rêves et secrets" (Buchet Chastel) (V.O. 2011) courrier international

Jean-Marie Blas de Roblès "L'île du point Némo" (Zulma)

Valérie Zénatti "Jacob, Jacob" (Olivier)

Philippe di Folco et Yves Stavridès  "Criminels , Histoires vraies" (Perrin)

Marlen Haushofer "Le mur invisible" (Babel - février 2001 - traduction Liselotte Bodo, Jacqueline Chambon)

 

 

Policier(s)

Olivier Truc "Le détroit du loup" (Métailié) 4/5 Grand Nord, Nina Nansen et Klemet Nango ; instructif (police des rennes) et bonne intrigue ; tous lecteurs

Monika Fagelhorm "Lola à l'envers" (Mercure Noir)

 

Jeunesse

Marie Desplechin "Mauve" (EdL) - 4/5 (parce que pour moi le 5/5 c'est "Verte" mais sinon 5/5) ; CM et collège

Esmée Planchon "Faut jouer le jeu" (EdL) 4/5 jubilatoire, Paris, concret poétique et contemporain ; attention : un tantinet subversif, attention : pourrait agacer certains parents ; lycéens et fin de collège

Jean-Noël Sciarini "Qui est le chasseur ? Qui est le chevreuil ?" (EdL)

 

Pétronille

Ils s'y sont mis à deux, hier, les amis, pour me signaler que le nouveau roman d'Amélie Nothomb méritait le détour malgré la période chargée pour qui bosse en librairie et tente plutôt de lire les ouvrages qui risquent de passer inaperçus si les libraires ne les signalent pas à l'attention de leurs chalands.

Effectivement j'ai passé un excellent moment, en profitant de ceux de calme - entre deux demandes pour le très attendu Glazerevitch -, et presque autant que "Stupeur et tremblements" ce roman m'a émue. Non sans m'avoir fait rire en le lisant et c'est l'art d'Amélie : le fond de l'histoire, une relation forte et qui a bien compté mais qu'on comprend achevée, pourrait embarquer vers un récit sombre ; d'autres l'auraient peut-être teinté de ressentiments, d'amertume, lesté d'un sac de larme. Il n'en est rien, ce sont les bons moments qui sont (re)mémorés, la rencontre chez les amis Alain et Michèle de l'Astrée est un bonheur (1), et au fil des pages le champagne coule à flot (2). Plusieurs fois j'ai éclaté de rire. Le souvenir du vin chaud m'avait probablement mise en de bonnes dispositions. Il n'en demeure pas moins que les livres qui font éclater de rire ne sont pas si fréquents (3). Un bon cru, donc.

 

 

(1) Je peux attester de l'ambiance réussie, des lieux tels qu'ils sont dits, de l'accueil des libraires et de la qualité du vin chaud.

(2) J'eusse préféré que la marque la plus fréquemment ingérée fût moins nommée, mais c'est mon côté vieille école (et très consciente le jour où je publierai quelque chose on pourra me faire le même reproche concernant les whiskies)

(3) Même si en cette période c'est le deuxième en peu de temps.

 

"En cas de victoire, je la mérite, mais en cas de défaite j'en ai besoin" Napoléon, paraît-il.

"Ne vous donnez pas tant de mal pour cette Fanto. Vous savez bien que dans le monde des lettres les prolétaires n'ont aucune chance". (paroles d'éditrice p 129)

Une romance, une belle histoire, mais pas seulement

"L'histoire d'un amour" de Catherine Locandro

 J'ai beau être passée pro et recevoir un bon nombre de livres par avance ou lors de présentation, avoir suffisamment d'auteurs que j'apprécie dont je m'efforce de suivre les nouvelles publications, ça m'arrive encore, parfois, de découvrir un livre "sur table", avec simplement l'impression que quelqu'un m'en a parlé (mais je ne sais plus qui) et qu'il vienne se poser dans mes mains. Et que ça soit pour moi le parfait "ici et maintenant".

Souvent c'est un peu surprenant. Par exemple je n'aime pas spécialement lire d'histoires d'amour - je préfère, préférais, les vivre - ; ne suis pas une bonne cliente pour les romances et pas non plus pour les grandes sagas sirupeuses.

Donc un bouquin titré "L'histoire d'un amour", malgré une couverture élégante et qui évitait de nous imposer la figure d'un personnage (1), partait avec un lourd handicap. En même temps j'aimais la simplicité de ce titre, c'est clair, c'est net, l'auteure a l'histoire d'un amour à nous raconter. L'option zéro-grandiloquence m'a inspiré confiance. Son nom ne m'était pas inconnu mais je n'ai compris pourquoi qu'après (2). 

Et puis en ouvrant l'ouvrage, j'ai lu la ligne qui indique que c'est un article d'un journal italien, datant de 1995 qui l'avait inspiré.

Il se trouve que longtemps avant d'être contaminée d'écrire, ça me faisait ça, je lisais dans les journaux quelques lignes, pas nécessairement des articles, ça pouvait être un entrefilet du carnet, la façon dont était annoncée par les proches une naissance, un décès, et je me retrouvais avec une histoire dans la tête ; parfois assez élaborée.

J'ai supposée que c'est ce qui était arrivé à la romancière. Et le fait que le journal soit italien et de l'année de naissance de mon fils (3) a achevé de me laisser aller à lire les premières lignes. Alors que je n'aime pas lire d'histoires d'amour et surtout pas depuis le 9 juin 2013 (4).

Très vite c'était gagné. Je suis tombée sous le charme de ce bref roman au style élégant : pas d'effets ni de fioritures mais les mots précis et justes pour exprimer les sentiments. Pas de pathos. Et une qualité de nous plonger en quelques mots dans une ambiance, un lieu.

Nous sommes donc à Rome, avec ce professeur qui s'apprête à entrer en cours, prend un expresso au comptoir du café près du lycée tout en parcourant le journal du matin. Il tombe sur un article qui le bouleverse au point de lui faire renoncer à se rendre au travail ; préviens un de ses collègues, qui effectivement lui trouve une drôle de mine soudain et file marcher à travers la ville.

On apprend très vite que l'article concernait la publication une vingtaine d'années après sa mort de documents intimes concernant une chanteuse qui fut célèbre, on comprend avant même de l'avoir lu que le professeur presque retraité fut un beau jeune homme qui dans la vie de cette femme avait compté. Et qu'elle avait changé la sienne.

La narration nous emmène dans ces heures éblouies, nous ramène dans le présent. Quelque chose est très réussi de rendre palpable l'effet du temps qui passe. L'article, qui le nomme, va en effet pousser le professeur à dévoiler aux siens (sa mère, son frère ...) une partie de sa vie qu'il avait tue pour l'essentiel.

Il se trouve qu'il m'est arrivé à moi aussi de faire une rencontre déterminante, de celles qui changent une vie, suivi d'un abandon brutal et sans réelle explication. Il ne s'agissait pas d'amour mais d'un lien affectif fort. Les effets dévastateurs du désir suscité puis laissé pour partie inassouvi en moins (5) , je sais par quoi Luca - il s'appelle Luca - est passé. Et combien la relation de ce qu'il ressent est bien vue.

Je suis sortie de cette lecture émue et rasserrénée, un sentiment de solitude atténué. Et l'impression d'avoir un nouvel ami - quel Luca, dont je me suis sentie si proche -.

Je pense que la magie fonctionne même sans raison si personnelle de se sentir touché(e).

Enfin, il se trouve que l'histoire est directement inspiré d'une vraie chanteuse ; je suis sans doute la seule lectrice à être passée à côté de son identité, à la fois parce que je n'avais pas besoin que le récit soit ancré dans une réalité (tout était si plausible, déjà) et parce que je suis d'une vaste inculture concernant la vie personnelle des célébrités. Mais c'était très bien ainsi.

Je suppose que les fans sont déjà au courant du roman. Pour eux qu'elle évoque et si délicatement la femme qu'ils adulent devrait être un bonus merveilleux.

 

(1) Je déteste ça. J'aime imaginer d'après ce que je lis.

(2) Et d'ailleurs "L'enfant de calabre" est dans l'une de mes piles de lectures en attente

(3) à quoi ça tient, les choses. #airpensif

(4) date de mon dernier accident violent en la matière.

(5) J'y ai eu droit également mais c'était une tout autre histoire. La conjonction des deux m'a été épargnée.

(éd. Héloïse d'Ormesson août 2014)

source : achat personnel après que le petit bouquin m'a sauté dans les mains