Pierre a passé vingt ans de sa vie au Moyen-Orient, y sauve la vie d'un journaliste et rapatrié en urgence en même temps que cet homme se voit proposer un travail par son journal : aller enquêter sur les raisons qui poussent les habitants d'un petit village de l'est de la France à voter pour l'extrême droite avec une majorité écrasante.
La question restera sans réponse autre que diffuse dans la vie quotidienne de certains des habitants que Pierre, escorté pour l'expédition d'un preneur de sons aveugle, apprendra à connaître.
Roman choral qui saisit tour à tour la façon d'être au monde de chacun des principaux protagonistes, ce que l'existence fait d'eux, car dans le fond, même en partant on choisit peu. Ne serait-ce pas l'absence de réelles perspectives, l'écrasement par le travail ou pire, son absence, qui conduit les présents dans un lieu depuis longtemps à chercher dans le migrant un bouc émissaire ? Y compris si celui-ci n'est pas vraiment présent, pas sur place déjà, pas directement.
La force de la narration tient dans celle des personnages, l'entrecroisement des liens, la consistance du réel - que paradoxalement contribue à consolider l'apparition sur certains chapitre d'un choeur semblable aux choeurs antiques, et des adresses à l'auteur, partie prenante du récit -.
C'est un livre prenant - à condition d'être bon lecteur (ajoute la libraire) - et qui donne à penser. Une lecture qu'on est contents d'avoir fait. Seule frustration : le roman n'est pas appelé à avoir de suite, or certains des personnages donnent envie d'être retrouvés.
Le titre est issu d'une citation de Rimbaud, en épigraphe du roman (en dire plus serait spoïler)
(éditions Fayard 20 août 2014)
Merci à Sylvie et Erika pour le SP prêté
"Six mois qu’on sentait confusément durs et qui auront tenu leurs promesses d’âpreté."
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